dimanche 21 février 2010

NÉGOCIATIONS SOUS TENSION CHEZ TOTAL

Après 4 jours de grève, paralysant peu à peu les raffineries, le groupe pétrolier a engagé des discussions avec les syndicats. Le ministre de l’Industrie, qui a reçu le PDG, a pris acte du projet de Total d’arrêter le raffinage à Dunkerque.

Des centaines d’emplois, l’avenir d’un site industriel et de toute une branche d’activité et, en dernière instance, une part de l’indépendance énergétique du pays. Ce sont tous ces enjeux qu’en quelques jours de grève, les salariés des raffineries de Total ont propulsés au premier plan de l’actualité politique, économique et sociale, plaçant la direction de ce groupe tout puissant ainsi que le gouvernement sur la défensive.
Samedi, quarante-huit heures après le début de la grève « illimitée », Total annonçait aux syndicats qu’une réunion de négociation aurait lieu dimanche. Et dans la foulée, le ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, faisait savoir qu’il recevrait, dimanche soir, le PDG du groupe, Christophe de Margerie. La puissance du mouvement pouvait difficilement, il est vrai, laisser indifférent. Sur les six raffineries que compte Total dans l’Hexagone, ainsi que dans une quinzaine de dépôts, la grève était suivie à environ 80 %, et entraînait l’arrêt progressif d’installations qui assurent la moitié de l’approvisionnement des stations-service françaises. S’il devait se poursuivre, le mouvement pourrait entraîner une pénurie d’essence, à plus ou moins court terme : elle pourrait être « à l’ordre du jour » dès le début de la semaine, selon la CGT, « après dix à vingt jours », selon l’Union française des industries pétrolières qui met en avant le nombre de dépôts de produits pétroliers (219 dans le pays), qui, même s’ils ne sont plus alimentés par les raffineries, peuvent continuer à fournir les stations-service.
Mobilisés initialement en solidarité avec leurs collègues de la raffinerie des Flandres, à Dunkerque, menacée de fermeture, les grévistes manifestent aussi leur inquiétude pour l’ensemble de l’activité de raffinage, qui souffre, aux yeux des groupes pétroliers, d’un trop faible niveau de rentabilité financière. Le PDG de Total tente de les rassurer : « Si nous devions arrêter cette activité (à Dunkerque — NDLR), nous nous sommes engagés à maintenir le site en activité et à reclasser les salariés sans aucun licenciement », déclarait au Journal du dimanche Christophe de Margerie, en promettant également de « traiter la question des entreprises sous-traitantes, qui représentent 260 emplois à temps plein » dans le Dunkerquois. Et le PDG de poursuivre : « Nous n’avons aucun projet de fermeture ou de cession de nos autres cinq autres raffineries en France. Je le redis avec force, le raffinage est et reste au cœur des activités de Total. »
Un discours accueilli avec beaucoup de scepticisme du côté des syndicats. Éric Sellini, délégué syndical central de la CGT, premier syndicat du groupe, évoque un « problème de confiance ». « Il y a un an, on nous avait consultés sur la stratégie du groupe pour le raffinage. Sans rien nous dire des intentions de la direction concernant la raffinerie de Dunkerque… » Charles Foulard, coordinateur des syndicats CGT, de son côté, fait valoir que Total lui-même, dans une récente publication sur ses « perspectives », « envisage une réduction de près de 20 % de la capacité de raffinage mondiale du groupe » entre 2007 et 2011. L’argument, avancé par la direction, de la baisse de la demande, ne suffit pas à justifier les choix du groupe, aux yeux de la CGT, pour qui, dans cette affaire, la question de l’indépendance énergétique est posée. « S’il s’avère que la France a une capacité de raffinage qui va diminuant pour des raisons de rentabilité financière, cela veut dire que notre pays sera plus dépendant », déclarait hier Bernard Thibault. Dans la négociation d’hier, la CGT a réclamé la tenue d’une « table ronde sur Dunkerque pour la pérennité du site des Flandres et du bassin d’emploi dunkerquois », ainsi qu’une « table ronde nationale sur l’avenir du raffinage ».
Á l’heure ou nous écrivions, les pourparlers n’étaient pas terminés. Cependant, le ministre de l’Industrie affirmait, après avoir reçu Christophe de Margerie, que « Total s’engage à tout faire pour maintenir une activité industrielle permettant au port de Dunkerque et à ses sous-traitants actuels de conserver leur niveau d’activité et d’emploi ». « Quel que soit le projet retenu, il n’y aura pas de fermeture du site industriel », ajoutait-il. Une manière de prendre acte de l’intention de Total d’arrêter le raffinage, en masquant cette capitulation derrière la promesse d’activités alternatives.

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