mercredi 15 décembre 2010

Cancers professionnels : quand le travail tue

Au moins deux millions de Français, notamment des salariés peu ou pas qualifiés, sont exposés sur leur lieu de travail à des substances cancérigènes. Et pas seulement à l’amiante. C’est le constat dressé par plusieurs études sur l’apparition des cancers en milieu professionnel. Un risque encore difficile à faire reconnaître par les entreprises et les pouvoirs publics. Les cancers professionnels sont pourtant en Europe la première cause de mortalité liée au travail.
M. Nahal n’a pas eu le temps de profiter de sa retraite. Il est mort bien avant d’un cancer du sinus maxillaire, sans doute causé par de multiples expositions professionnelles à des substances cancérigènes : fumées de soudage lorsqu’il était ouvrier métallurgiste chez Citroën, fumées d’essence et de diesel à son poste de gardien de parking, silice et amiante rencontrées en fonderie et dans le bâtiment, solvants chlorés à son poste de nettoyage des avions... Cette liste macabre a été reconstituée, au fil de longs entretiens individuels, par le Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle (Giscop 93).
Lutter contre l’invisibilité
Lancé en janvier 2001 à l’initiative de chercheurs, médecins de santé publique et de santé au travail, cliniciens, représentants de comités d’hygiène et de sécurité, le programme du Giscop consiste à reconstruire des parcours professionnels de patients atteints de cancer.
Les résultats de leur enquête, menée depuis 10 ans, décrivent une réalité peu connue, voire occultée : celle des cancers professionnels, qui sont, en Europe, la première cause de mortalité due au travail. « Les estimations que l’on a font état d’environ 5% de cancers ayant une origine professionnelle, mais ces chiffres sont en deçà de la réalité », estime Laurent Vogel, directeur du département santé et sécurité de l’Institut syndical européen. « D’abord, parce que les populations féminines n’ont pas, voire peu, été étudiées. Ensuite, parce qu’il est très rare que les médecins demandent à un patient atteint d’un cancer de retracer son parcours professionnel. Alors que le lieu de travail est un endroit où de nombreux salariés sont surexposés à des substances cancérigènes. »
Menée en France en 2003 par la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) et la DGT (Direction générale du travail), la dernière enquête Sumer montre que 13,5% des salariés français, soit 2.370.000 personnes, sont exposées à un ou plusieurs produits cancérigènes pendant leurs heures de travail. « Or, on sait que toute exposition à un agent cancérigène peut jouer un rôle dans l’initiation ou le développement d’un cancer » , détaille Annie Thébaud-Mony, directrice du Giscop. L’origine des cancers humains est imputable à un défaut de fonctionnement du cycle cellulaire. Tout agent cancérigène est susceptible ou non de perturber ce cycle du développement cellulaire. Sachant que la maladie peut se déclencher des années après l’exposition à la substance cancérigène, il importe de tenir compte de la totalité des carrières. Ce que n’a pas fait l’enquête Sumer, qui ne traite pas des expositions aux substances cancérigènes dans la durée. Du fait de ce biais, le nombre des salariés exposés a sous doute été sous-estimé.
Sous-déclarations en nombre
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