jeudi 13 janvier 2011

A propos de la Résistance et du CNR : l’« Affaire » de Signes

Claude Roddier et Bernard Oustrières
L’ANACR rend chaque année hommage aux dix maquisards assassinés par les nazis à la ferme de La Limatte, près de Signes dans le Var, le 2 janvier 1944. La cérémonie se déroule selon un protocole quasi-immuable : rassemblement et dépôts de gerbes au pied de la stèle où sont gravés les noms des martyrs et celui du berger venu les prévenir de l’arrivée des Allemands ; défilé dans les rues du village ; nouveaux dépôts de gerbes au monument aux morts ; recueillement dans le cimetière devant la tombe des Résistants ; enfin, discours et vin d’honneur dans une salle municipale. Cette manifestation annuelle, qui revêt un caractère sacré pour les Résistants, leurs familles et les amis de la Résistance du Var, attire toujours de nombreux élus auquel se joint le représentant du préfet.
Rien ne laissait présager que la dernière commémoration, le 2 janvier donc, donnerait lieu à un vif incident. Qui l’a provoqué ? Est-ce le discours iconoclaste de la présidente départementale de l’ANACR, Claude Roddier, résolue à dénoncer l’hypocrisie de ceux qui laissent « se dissoudre la France » ou bien, très en amont, ceux-là même qu’elle a dénoncés parce qu’ils ont déclaré une guerre totale au programme du Conseil national de la Résistance ? La présidente, rappelant que les martyrs de la La Limatte avaient aussi combattu pour l’instauration d’un monde plus heureux, expliqua que les Résistants et leurs amis ne pouvaient plus longtemps accepter ces atteintes réitérées aux acquis du CNR, en particulier les mesures contre les retraites et le démantèlement en cours de la Sécurité sociale. Présents à la tribune aux côtés de Claude Roddier, le représentant du préfet et la députée de la circonscription, Josette Pons, donnèrent très vite les signes les plus évidents d’une grande nervosité. La présidente continuant d’appeler un chat un chat, tous deux se levèrent bientôt pour quitter la tribune et la salle, marquant leur désapprobation. Situation inouïe que le maire de Signes, Jean Michel, écartelé entre ses devoirs protocolaires et ses propres engagements de fils de Résistant, eut bien du mal à arbitrer.
Question : le consensus républicain, s’est-il brisé le 2 janvier à Signes ? Réponse : non. Jusqu’à ces deux dernières années, les élus, tous les élus, pouvaient en toute légitimité s’incliner sur la tombe des martyrs sans se déjuger car les gouvernements successifs de la IV° et de la V° République, quels que fussent leurs choix idéologiques, respectaient globalement les options de CNR auxquelles les Français doivent aujourd’hui les lois sociales les plus protectrices et les plus émancipatrices. Mais les temps ont brutalement changé. Depuis 2009, la majorité législative et l’exécutif multiplient les attaques contre les droits sociaux et démocratiques hérités de la Résistance. C’est à partir de là, donc (et non pas à Signes !) que l’unité du pays autour de ses valeurs, a commencé de se déliter. Faut-il se taire plus longtemps, interroge en substance Claude Roddier. N’est-il pas temps, avec Stéphane Hessel qu’elle cita, de se rebeller et de placer les élus qui cautionnent pareille politique devant leurs responsabilités ? Elle a répondu par l’affirmative.
Voici le discours, source de discorde :

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