mardi 15 février 2011

Ficher, filmer, enfermer, vers une société de surveillance ?

par  Evelyne Sire-Marin, magistrat, présidente d’honneur de la Fondation Copernic

"Les peuples n’ont jamais que le degré de liberté que leur audace conquiert sur la peur", Stendhal
La société de surveillance qui se profile en France, lois après lois, illustre les fulgurances de Michel Foucault sur l’histoire de la société disciplinaire (1). Le panopticum, plan du monastère médiéval et des prisons de l’âge classique, d’où chacun pouvait être vu de tous, semble dessiner le projet d’architecture sociale de la France de la dernière décennie. Le PDG de Google n’a-t-il pas déclaré, le 18 juin 2010 dans "le Monde", "le développement des nouvelles technologies devrait faire renoncer au concept de vie privée" ? Quelle étrange résonnance avec ce film si singulier de François Truffault, Fahrenheit 451, où nul n’échappe à l’oeil des caméras de la police de la pensée, sauf les hommes-livres réfugiés dans une forêt, récitant en permanence le livre que chacun incarne et sauve de l’oubli.

Vers une société de surveillance ?

Aujourd’hui, comme l’écrivait Montesquieu, les hommes libres sont comme des petits poissons dans un grand filet. Les nombreux fichiers de police, les puces RFID (celles du pass Navigo, des pass d’entreprises et de cantines scolaires), les empreintes ADN, la vidéo-surveillance, et autres bracelets électroniques nous concernent tous. La période de Noël, s’est ainsi accompagnée d’un cortège de cadeaux high tech pour les plus riches, les smart-phones, les tablettes intelligentes, bourrés de dispositifs de géo-localisation. Ils répercutent en permanence leurs signaux sur les 35 000 relais téléphoniques français à notre insu,et n’inquiètent pas plus que les conversations très privées sur les réseaux sociaux. Pourtant, lors d’enquêtes policières, bien des personnes sont mises en examen après la simple identification de leur numéro de téléphone par les facdets (les facturations détaillées) ; pourtant quelques phrases sur facebook peuvent entraîner le licenciement de salariés critiquant leurs supérieurs, licenciement justifié selon le Conseil des Prud’hommes de Boulogne le 19 novembre 2010. Les échanges sur messageries peuvent d’ailleurs être conservés pendant un an par les opérateurs depuis la loi du 2 janvier 2006. Pourtant,une simple garde à vue, et il y en a près de 800 000 par an en France, laisse pendant 25 à 40 ans, les traces du soupçon dans les fichiers de polices les plus consultés, le STIC et FNAEG (2). Ils contiennent respectivement 5,5 millions et 1,2 million de noms de “personnes mises en cause”, jamais condamnées par la justice pour beaucoup d’entre elles, mais mémorisées par la police au cas où...
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