mardi 24 mai 2011

La dépense publique : facteur de justice et de croissance

Pour sortir de la crise, plutôt que de chercher à sécuriser les marchés financiers, il faut créer les conditions d’une expansion inédite des services publics en France et en Europe.
La volonté de la droite de constitutionna­liser la baisse des dépenses publiques au nom des exigences des marchés montre qu’il ne s’agit pas, pour elle, d’une orien­tation conjoncturelle, elle relève d’un choix de société. Elle vise à structurer sur le long terme le vivre ensemble des Fran­çais. Aussi, la réponse doit être à la hau­teur du défi lancé et portée par d’autres valeurs.
Derrière ce projet visant à ériger l’équili­bre budgétaire en principe constitutionnel, il y a en fait l’idée que les dépenses publi­ques seraient excessives. Il y aurait trop de fonctionnaires, trop de services publics, trop de soins… S’y ajoute l’affirmation qu’il est impossible d’obtenir ce retour à l’équilibre en augmentant les prélève­ments sur les entreprises et le capital, au risque prétendument de compromettre notre compétitivité. En vérité, la démarche est guidée par une préoccupation : réduire la dépense publique afin d’accroître les prélèvements de la finance, ouvrir aux intérêts privés de nouveaux secteurs (les retraites, la santé…). Après la crise de 2007-2009, et en raison de celle de l’euro, les équipes dirigeantes européennes veu­lent restaurer la rentabilité des capitaux, relancer les marchés financiers et, à cette fin, garder la capacité de la monnaie euro­péenne à attirer des investisseurs.
Cette orientation ne peut que conduire à de nouveaux désastres. C’est l’importance de la dépense publique qui a permis d’atténuer en France les effets de la crise par rapport à d’autres pays. L’éducation, la santé, la protection sociale ne sont pas que des coûts, leur développement est un facteur essentiel de croissance, de compé­titivité et d’efficacité en même temps que de lutte contre les inégalités et de cohé­sion sociale. Les dépenses de santé par habitant aux États-Unis sont plus impor­tantes qu’en France et pourtant les Améri­cains sont plus mal soignés que les Fran­çais. Cela tient au poids du secteur public de ce côté-ci de l’Atlantique et au parasi­tisme du privé de l’autre côté.
En matière constitutionnelle, il faudrait plutôt assurer la réalité de certains princi­pes tels que le droit à l’emploi, à la forma­tion, à la santé pour tous. Pour cela, compte tenu des retards pris, et aussi des besoins liés aux nouvelles technologies, il ne s’agit pas simplement d’empêcher la baisse des dépenses publiques mais d’ob­tenir qu’elles soient développées comme jamais. Cela suppose évidemment une réorientation de la politique budgétaire et de protection sociale avec une mise en cause des faveurs dont bénéficient la finance et le capital, une réforme de leur financement.
Il faut également mobiliser un outil bien plus large que le budget de l’État, le crédit bancaire. Cela passe par l’instauration d’un pôle public financier au périmètre élargi, inspiré par de nouveaux critères de financement et une transformation de l’institution en charge de la politique monétaire de l’euro : la BCE. Celle-ci pourrait utiliser sa capacité à créer de la monnaie pour acheter des titres de dette publique et contribuer, par l’intermédiaire d’un fonds européen de développement social, à l’expansion des services publics dans chacun des pays.

Gérard Streiff.

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