mercredi 9 novembre 2011

Penser les violences faites aux femmes

Entretien, par Sophie Courval
Alors qu’à l’étranger, la question des violences faites aux femmes est élevée au rang de discipline scientifique, elle n’est toujours pas considérée comme un objet de recherche dans les universités françaises. Entretien avec Christelle Hamel, chercheuse à l’INED. 
Regards.fr : Quel est l’état de la recherche dans le domaine des violences de genre en France ?
Christelle Hamel : Nous sommes très en retard. Avant la conférence de Pékin sur les violences faites aux femmes, organisée en 1995 par l’ONU, la France ne disposait pas de statistiques sur ces violences. À la suite de cette conférence, sous la pression des organisations internationales, l’État a sollicité des chercheuses proches des mouvements féministes pour réaliser la première enquête nationale sur les violences faites aux femmes (Enveff). Une véritable révolution dans l’avancée de la recherche. L’Enveff a révélé que, chaque année, 50 000 femmes âgées de 18 à 60 ans étaient victimes de viols. Depuis, une autre enquête, plus générale, indiquait 75 000 viols par an sur des femmes âgées de 18 à 75 ans, pour seulement 10 000 plaintes et 2000 condamnations. Il y a une impunité du viol en France. Sans l’ENVEFF, pourtant accusée par Élisabeth Badinter d’être une enquête idéologique au motif que seules des femmes étaient interrogées, l’objectivité scientifique serait absente du champ des crimes et délits en France.
Regards.fr : Existe-t-il des laboratoires de recherche travaillant sur cette question ?
Christelle Hamel : Il n’y a pas d’organisation de cette recherche en France, ces violences n’ayant jamais été considérées comme un objet de recherche en soi. Plus généralement, il existe très peu de laboratoire travaillant sur les questions de genre. Par ailleurs, nous sommes dans une phase où les laboratoires de recherche sur le genre s’invisibilisent – eu égard à la politique du CNRS qui regroupe ces labos dans des unités plus vastes – alors qu’à l’étranger les gender studies (les études genre) ont carrément acquis le statut de discipline au même titre que la sociologie. En France, nous sommes très loin de pouvoir revendiquer le statut de discipline.
Regards.fr : La recherche sur ces violences est-elle beaucoup plus avancée à l’étranger ?
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