dimanche 12 février 2012

Aucune excuse, aucune sanction, soutien total à M. Letchimy

Par Patrick Chamoiseau , écrivain
Quand on commence à hiérarchiser entre les civilisations, sur les degrés de "l'inférieur " et du "supérieur", on entre dans une dérive vers les pires horizons. L'idée de civilisation, très à la mode durant les grandes conquêtes occidentales, renvoie à celle de culture dont elle serait le substrat le plus noble ; et le fait de culture débouche directement sur le socle de l'humain. Avec l'humain, venaient les absurdités de la "race" qui ont occupé les thèses de supériorité, et donc de hiérarchisation, où se sont abimés le comte Arthur de Gobineau, les anthropologies racistes, et toutes les justifications du colonialisme. L'idée de "race supérieure" engendrait celles de culture et de civilisation supérieures. Ce qui autorisait à inverser la formule et à considérer que la simple possibilité de civilisation supérieure impliquait sinon une race (on n'ose plus l'avancer) mais des cultures et des humanités inférieures. C'est pourquoi l'équation réversible coloniser = civiliser a si longtemps duré, et pointe encore de temps en temps un restant de ténèbres.
Dès lors, chaque fois qu'un pouvoir politique ou religieux a cru appartenir à une civilisation "supérieure", cela s'est toujours traduit par les grands crimes d'Etat que furent la Traite, l'esclavage, les colonisations, le système des camps de concentration, les apartheids, les génocides ou les purifications ethniques qui aujourd'hui encore occupent la vie du monde.

Donc, réactiver l'idée de civilisation, et recommencer à les hiérarchiser n'est pas une mince affaire ! Ce n'est pas non plus une simple stratégie électorale, mais un état d'esprit, voire un semblant de pensée. Derrière les déclarations répétées de ministre de l'intérieur de la France, se dessine l'auréole du discours de Dakar, les chroniques de la chasse aux enfants immigrés alentour des écoles, les velléités de police génétique contre les regroupements familiaux, la traque honteuse des Roms, le spectre du ministère de l'identité nationale, le grondement régulier des charters expéditifs, les quotas d'expulsions prédéfinis et célébrés, le renvoi des étudiants étrangers, et même la fragilisation systématique des immigrés en situation régulière qui, en ce moment, dès trois heures du matin, affrontent les glaciations devant les préfectures... En face d'une telle convergence, on croirait voir de grandes ailes qui s'ouvre pour un sinistre envol.
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