vendredi 27 avril 2012

Des municipalités livrent bataille contre les banques et les marchés financiers

Par Sophie Chapelle
Villes et collectivités se sont vu refourguer des emprunts toxiques, aggravant leur endettement. Pour éviter de se voir dicter leurs politiques locales par la finance, plusieurs municipalités ont contre-attaqué : contrat rompu avec les agences de notation, banques assignées en justice… À Aubagne, à Saint-Étienne ou en Seine-Saint-Denis, la révolte a commencé.
Le chantier d’un futur tramway menacé par les marchés financiers. Une politique municipale de transports publics contestée par les banques. C’est ce qui a failli arriver à la ville d’Aubagne, dans les Bouches-du-Rhône. La municipalité communiste a décidé, en mai 2009, d’instaurer la gratuité totale des transports en commun. La ville et sa communauté d’agglomération (Pays d’Aubagne et de l’Étoile) entendent bien étendre ce principe au futur tramway, dont la mise en service est prévue en 2014.
De quoi faire grincer des dents l’opposition municipale qui fustige « une dette lourde de 2 600 euros par habitant. Alors qu’une ville comme Lyon (460 000 habitants) affiche 300 millions d’euros de dette, celle d’Aubagne (46 000 habitants) explose avec plus de 123 millions d’euros ». Aux plans de rigueur et d’austérité, la majorité municipale préfère maintenir un bon niveau de service accessible à toute la population. « Un avenir, ça se prépare par des investissements à long terme », estime Magali Giovannangeli, présidente de la communauté d’agglomération. Une vision que ne partagent pas les créanciers de la ville.
Rompre avec les agences de notation
Pour son budget 2012, Aubagne affiche 18 millions d’euros d’investissement [1]. À l’inverse des préconisations de l’agence de notation Fitch Ratings, qui a dégradé en octobre 2010 la note de la commune à BBB- (« qualité moyenne inférieure »). En cause à l’époque : des dépenses augmentant plus vite que des recettes, et une multiplication des emprunts à court terme auprès des banques [2]. Pour améliorer sa note, Aubagne aurait donc dû tailler dans son budget, en réduisant ses investissements et en se concentrant sur le remboursement de ses dettes. « Nous en avons assez de nous retrouver dans cette situation honteuse où, après avoir fait tomber des États, les agences veulent peser sur les collectivités, explique Magali Giovannangeli. Oui, nos collectivités locales doivent présenter un budget en équilibre, mais nous voulons faire nos propres choix politiques. » Fin 2011, Aubagne et sa communauté d’agglomération décident de rompre unilatéralement leur contrat avec l’agence de notation Fitch Ratings.
Contre toute attente, cette sortie du jeu financier ne remet pas en cause les chantiers engagés. « L’État nous avait déjà accordé une subvention de 13,76 millions d’euros, ce qui a montré le sérieux du projet auprès des banques », confie la présidente de l’agglomération à Basta !. Estimées à 166 millions d’euros (hors taxes), les deux lignes de tramway seront financées à hauteur de 40 % par les subventions publiques et de 50 % par les emprunts bancaires. Les 10 % restants proviennent des fonds propres de l’agglomération. Mais comment rembourser ces emprunts alors que le tramway sera gratuit ? « Les emprunts contractés sont intégralement financés par le "versement transport" des entreprises, qui passe de 1,05 % à 1,8 % de leur masse salariale de plus de 9 salariés », répond Magali Giovannangeli. Le tramway ne sera donc pas financé par un impôt supplémentaire sur les ménages, comme s’en inquiètent plusieurs élus de l’opposition, mais par les entreprises qui contribuent ainsi au transport quotidien peu polluant de leurs salariés.
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