mardi 11 septembre 2012

Doux : l'usine, machine à broyer les ouvriers

Tête et verbe hauts, les salariés Doux de Graincourt sont dignes, fiers. Ils sont aussi brisés. Physiquement depuis des années, moralement depuis trois mois. Leur usine du Pas-de-Calais ferme définitivement lundi 10 septembre. Les 254 ouvriers du site attendent désormais leur lettre de licenciement. Le dernier repreneur potentiel, un groupe ukrainien, a jeté l'éponge en début de semaine, notamment en raison de la vétusté de l'abattoir qui traitait 25.000 poulets par jour. Cette vétusté n'a rien arrangé aux conditions de travail qui, année après année, ont peu à peu cassé des personnes.
Finies les pressions des petits chefs, finie la peur d'être viré, les Graincourt n'ont plus rien à perdre et aujourd'hui ils parlent. Les tendinites à la main après des années de couteau, les dos cassés après les tonnes manœuvrées. "J'ai mal à la main. J'ai du mal à la bouger. On nous a bousillés", raconte Hélène Guéant, ouvrière et déléguée du personnel à Graincourt. A 48 ans, sans formation et avec cette main malade, la mère de famille se demande où elle va bien pouvoir trouver un nouveau boulot.

Ne pas se plaindre pour finir de payer la maison
Dans l'abattoir de Graincourt, en été, la température peut monter jusqu'à 50°. Cette année, le directeur de l'usine n'a même pas eu les moyens d'acheter des bouteilles d'eau. Et pas question de baisser la cadence : ceux qui osaient quitter leur poste pour aller boire au robinet se sont faits remonter les bretelles.
Côté découpe, il fait 4°c toute l'année. Les machines se déglinguent mais les réparateurs refusent de se déplacer : Doux leur devait déjà trop d'argent. Là aussi, au couteau ou à la barquette, le même geste répétitif à longueur de journée, de semaine, d'année. Aux poignets, aux coudes, aux épaules, les nerfs esquintés. Tous les jours, Hélène s'est levée à 3h30 le matin pour rejoindre son poste. Elle ne s'est jamais plainte de ses difficultés, de ses douleurs : il lui reste quatre ans pour finir de payer la maison.

20 tonnes portées par jour pour 1.186 euros par mois
Lire la suite 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire