mardi 11 juin 2013

Comment les États privatisent la délivrance des visas

Par Rachel Knaebel
La France et d’autres États confient à des prestataires privés une partie de la procédure des demandes de visas. De la prise de rendez-vous au recueil des données biométriques, ce n’est plus à un fonctionnaire que l’on s’adresse mais à une société privée. Un marché monopolisé par quelques entreprises. Conséquences : hausse du coût pour les demandeurs et risques pour la sécurité des données. Avec la généralisation du visa biométrique et la privatisation des procédures, la possibilité de voyager et les flux migratoires seront-ils bientôt sous le contrôle des multinationales ? Enquête.
La France a traité 2,6 millions de demandes de visas, pour des ressortissants étrangers en 2012. Un chiffre en hausse de 20% en dix ans. Plus d’une demande sur deux passe aujourd’hui entre les mains d’une entreprise privée. Demandes de rendez-vous, saisies des données personnelles, jusqu’à la prise des empreintes digitales et de la photo numérisée pour les visas biométriques, telles sont les missions désormais confiées à des entreprises privées. Une soixantaine de consulats délèguent ainsi une partie de ces tâches au privé.
L’externalisation se limite par exemple à la prise de rendez-vous par l’intermédiaire d’un centre d’appels à Abidjan, Yaoundé ou Dakar. Elle concerne la collecte des dossiers à Dubaï et New-Delhi. Et va jusqu’à la saisie des données personnelles des demandeurs dans une vingtaine de consulats. Sur trois sites, en Grande-Bretagne, Algérie et Turquie [1], la France expérimente la délégation au privé de la collecte des données biométriques – photos numérisées et empreintes digitales – et leur stockage temporaire.
Comment cette démarche, qui touche pourtant à la souveraineté de l’État, a-t-elle pu être privatisée ? Cette délégation au privé est justifiée par l’augmentation des demandes, et par la nécessité d’alléger les effectifs [2]. Pour privatiser une partie du processus de délivrance, la France a découpé la procédure en morceaux. Selon les ministères concernés (Affaires étrangères et Intérieur), seules les étapes non régaliennes sont externalisées. « L’instruction des dossiers et la prise de décision, qui constituent la partie régalienne de l’activité visa, continuent de relever de la compétence exclusive des services consulaires », explique le dernier rapport du directeur des Français de l’étranger et de l’administration consulaire.
Monopole des entreprises et dépendance des États
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