samedi 6 juillet 2013

Grèce: l’antisémitisme fait-il la loi?

Par Michael Lowy
Un marxiste juif est traîné devant les tribunaux, accusé par les nazis de les avoir « calomniés ». Sommes-nous en Allemagne en 1933? Pas du tout: il s’agit de la Grèce « démocratique »  (avec beaucoup de guillemets) de 2013… L’accusé en question s’appelle Savas Mikhail, brillant intellectuel et dirigeant d’une des organisations de la gauche marxiste-révolutionnaire grecque.
Savas Mikhail   est un  penseur  a-typique et parfaitement « hors normes » :    juif grec anti-sioniste et internationaliste,   il est l’ auteur d’une œuvre considérable,  inclassable,  quelque part entre littérature,  philosophie et lutte de classes,  qui se distingue par l’originalité et le dynamisme de sa démarche.  La première chose qui impressionne le lecteur de ses écrits c’est son immense culture :  l’auteur connaît de près la Bible,  le Talmud,  la Kabbale,  le théatre grec ancien,  la littérature européenne, la philosophie française contemporaine,  la poésie grecque moderne,  Hegel et  Marx  -  sans parler de Trotsky,  sa principale boussole politique -   on pourrait allonger la liste.
        Une des caractéristiques  les plus singulières de sa pensée est la tentative de ré-interpreter le marxisme et la théorie révolutionnaire à la lumière du messianisme et de la mystique juive -  et inversement.  Il s’agit d’une démarche paradoxale et inventive,  qui relève – comme celle d’Ernst Bloch ou de Walter Benjamin, deux de ses auteurs préférés - de l’athéisme réligieux,  ou,  si l’on veut,  du messianisme profane.
         Cette problématique est abordée,  pour la prémière fois de forme centrale,  dans un remarquable recueil d’essais publié en 1999, Figures du Messianique.  Le dernier  ouvrage de Savas Mikhail,  Golem. A  propos du sujet et d’autres fantômes  (2010),  est un autre exemple de cette approche  athée réligieuse,  judéo-marxiste.  Il s’agit d’un  recueil d’essais,  concernant non seulement le Golem,  mais aussi Kafka,  Hölderlin,  Lacan, Philippe Lacoue-Labarthe,  Hegel,  Marx et certains poétes grecs modernes comme Andreas Embirikos.  La cohérence du livre est donnée par la façon,  tout à fait  singulière, dont l’auteur associe,  articule et fusionne la mystique juive,  la littérature –grecque et universelle - et le marxisme révolutionnaire.
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