mardi 27 août 2013

Bernard Friot "Le salariat, c’est la classe révolutionnaire en train de se construire"

Le sociologue, auteur de l’Enjeu des retraites 
et de l’Enjeu du salaire, propose une alternative offensive pour le travail ainsi que pour le financement des retraites et de la Sécurité sociale.
Spécialiste des politiques du salaire et de l’emploi, 
Bernard Friot a commencé sa carrière en 1971 comme assistant puis maître 
de conférences en économie à l’IUT de l’université 
de Lorraine. En 2001, 
il est élu professeur 
de sociologie à l’université de Paris-Ouest Nanterre, avant de devenir professeur émérite en 2009. 
Sa thèse d’État d’économie porte sur la construction 
de la Sécurité sociale 
en France de 1920 à 1980. Il y conteste l’interprétation de 1945 qui fait de 
« la Sécurité sociale 
un élément nécessaire 
à la période fordiste 
du capitalisme ». Il insiste au contraire sur « le caractère anticapitaliste des institutions de socialisation 
du salaire ». Au moment 
où la souveraineté populaire est mise à mal par les banques et le patronat, 
ses réflexions l’amènent 
à développer « une approche du salariat comme voie de sortie du capitalisme ». Chercheur à l’IDHE (Institutions et dynamiques historiques de l’économie), 
il participe aux travaux 
de l’Institut européen 
du salariat. Son parcours universitaire se double 
d’un engagement politique, 
il est militant du PCF 
depuis près de quarante-
cinq ans. En 2010, 
alors que la réforme 
des retraites Fillon est très contestée, il propose 
une autre issue, en publiant, à La Dispute, l’Enjeu 
des retraites, puis, 
en 2012, l’Enjeu du salaire et Puissances du salariat. En 2013 est paru chez Peter Lang, avec Bernadette Clasquin, The Wage Under Attack : Employment Policies in Europe. Il fonde 
en 2011 une association d’éducation populaire, Réseau Salariat (reseausalariat.info). C. R.
Avec plus de 10 % de chômeurs 
en France, un marché du travail 
en crise, vous préconisez « la révolution par le salaire », alors que le salariat est considéré par beaucoup comme une aliénation…
Bernard Friot. Le salaire implique bien davantage qu’un lien de subordination et du pouvoir d’achat. S’en tenir là nous empêche de lire les dimensions anticapitalistes conquises dans le salaire entre les années 1930 et 1970, à savoir la qualification de la personne dans la fonction publique et la cotisation qui socialise déjà 45 % du salaire. Ces conquêtes, gagnées sous l’impulsion de la CGT et des communistes, sont des tremplins considérables pour une autre définition de la valeur économique et donc du travail. 40 % du PIB sont déjà produits dans le cadre des services publics et de la Sécurité sociale par les fonctionnaires, les retraités, les soignants, les parents et les chômeurs. Autant de personnes qui ne relèvent ni du marché du travail ni de la valorisation de la propriété lucrative par la production de marchandises. Cela ouvre un possible pour sortir du capitalisme. Le salariat, c’est la classe révolutionnaire en train de se construire en assumant ses conquêtes, en poussant plus loin l’affirmation de cette alternative. Une alternative au marché du travail par la généralisation du salaire à vie des fonctionnaires et des retraités. Mais aussi une alternative à la propriété lucrative et au crédit par la généralisation de la cotisation, pour financer l’investissement, et de la copropriété d’usage de tous les outils de travail. Enfin, une alternative à la mesure de la valeur par le temps de travail, par la généralisation de sa mesure, par la qualification des producteurs, comme c’est déjà le cas pour l’administration et la Sécurité sociale.
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