mardi 29 octobre 2013

La droitisation, pari réussi de François Hollande

Par Eric Fassin
Pour la gauche gouvernementale, le « réalisme » s’avère irréaliste : le ralliement au sens commun de droite attise « l’insécurité culturelle » sans apaiser pour autant l’insécurité économique. La cote de François Hollande dans les sondages baisse à mesure que progresse celle de Manuel Valls, car il ne suffit pas de détester les Roms pour aimer la gauche. De même, la « démagogie » sarkozyenne s’était révélée impopulaire : les « grands débats » sur l’identité nationale ou l’islam n’ont pas évité la défaite de 2012. Bref, tout compte fait, « réalisme » de gauche et « démagogie » de droite ne paient pas.
Pour autant, la désaffection pour la gauche « réaliste » ne bénéficie guère à la « gauche de gauche ». En revanche, l’extrême droite prospère à la faveur de la dérive idéologique de la droite. C’est une raison supplémentaire pour ne pas reprendre à son compte la fausse symétrie entre les « extrêmes ». De fait, si la droitisation du paysage politique, depuis les années 1980, justifie plus que jamais de qualifier le Front national de parti d’extrême droite, être à la gauche du Parti socialiste n’est plus synonyme de radicalité !
Comment comprendre à la fois l’irréalisme de la gauche gouvernementale et la faiblesse électorale de la gauche critique ? Pourquoi l’échec de la première ne fait-il pas le succès de la seconde ? On aurait tort d’invoquer quelque logique mécanique, la crise économique déterminant la droitisation de la société française. D’une part, l’expérience historique nous rappelle qu’en même temps que les fascismes européens, les années de la grande Dépression ont vu fleurir le New Deal aux États-Unis et le Front populaire en France.
D’autre part, l’analyse des évolutions de l’opinion (voir Vincent Tiberj, dir., Des votes et des voix. De Mitterrand à Hollande) dément l’hypothèse d’une droitisation de la société –culturelle mais aussi économique. Quant au racisme, il ne date pas d’aujourd’hui ; il a surtout changé d’habits, puisqu’il s’autorise le plus souvent de rhétorique républicaine. Bref, la droitisation de la politique n’est pas l’effet d’une droitisation de la société française. Il faut expliquer la politique par la politique – et non par la société qu’elle prétend pourtant refléter.
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