lundi 20 février 2017

Haut-Rhin. RSA contre travail obligatoire

Le conseil départemental instaure le bénévolat aux prestataires du RSA pour qu’ils obtiennent l’allocation.
Dans le Peuple d’en bas, Jack London rapportait comment à Londres on astreignait les « nécessiteux » à casser six cents kilos de pierre bénévolement en échange d’une soupe et d’une nuit à l’asile. C’était en 1902. Le Haut-Rhin a repris cette idée en 2017 et demande depuis le début du mois aux prestataires du revenu de solidarité active (RSA) de travailler pour zéro euro quelques heures en échange du versement de leur allocation. « Le patronat en rêvait, le conseil départemental du Haut-Rhin l’a réalisée : la gratuité du travail », s’insurge la CGT, choquée par la mesure, tout comme les associations d’insertion.
« Déjà retoqué par le tribunal administratif de Strasbourg en 2016, le conseil départemental n’en démord pas : les bénéficiaires du RSA seraient responsables de la situation d’inactivité dans laquelle ils se trouvent. Il ne faudrait pas qu’ils s’y complaisent », s’offusque la CGT. En octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg avait en effet réussi à retoquer le projet. La cour arguait que seul le Code de l’action sociale et des familles pouvait définir les conditions pour bénéficier du RSA. Le chantage aux heures de travail gratuites ne faisait pas partie de la liste. « Nous persistons et signons », avait de suite réagi le président du conseil départemental du Haut-Rhin, éric Straumann (LR). Un tour de passe-passe juridique aura permis de passer outre la décision de justice.
Désormais, les nouveaux allocataires devront signer un « contrat d’engagement réciproque » (CER), leur imposant des heures de bénévolat hebdomadaires. Si les usagers peuvent légalement refuser, syndicats et associations craignent le poids des « incitations » dans un rapport administration/allocataire très inégal. Pour les signataires du contrat, les manquements aux engagements pourront entraîner des sanctions, voire la suspension de leur allocation. Une mesure « scandaleuse » et « discriminante » pour la Fnars, qui fédère 900 associations accompagnant l’insertion de ces personnes au quotidien. Quant à l’éthique des travailleurs sociaux et le lien de confiance établi avec les usagers accompagnés, ils risquent d’être sérieusement mis à mal. Mais rien n’arrête le Haut-Rhin : dès le 1er mars une plateforme Internet du type Le BonCoin sera activée pour connecter les associations dépositaires de « missions » et les allocataires sous contrat.

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