mardi 17 avril 2018

Emmanuel Macron est allé à la castagne pour défendre les riches

Les difficultés du monde agricole et les enjeux liés au réchauffement climatique n’ont pas été évoqués une seule fois au cours de cet entretien. Photo : François Guillot/AFP
Jeudi sur TF1, le président de la République avait déclaré que les riches n’avaient pas besoin de lui pour défendre leurs intérêts. Selon son porte flingue Christophe Castaner qui s’exprimait ce matin sur RTL, les Français ont vu « un président qui savait encaisser, qui savait castagner aussi quand c’est nécessaire». Castaner juge toutefois que dans les « combats de coq on voit effectivement de la détermination, mais on ne voit pas toujours suffisamment la pédagogie». Des retraités aux  cheminots, la pédagogie présidentielle d’hier était plus cynique et désinvolte que convaincante pour quiconque a suivi cette émission de bout en bout sur BFMTV.
A défaut d’avoir des réponses claires et précises aux nombreuses questions qui ont été posées hier soir à Emmanuel Macron par Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel, on comprend mieux pourquoi le président de la République et son service de communication ont voulu cette émission, trois jours après celle de Jean-Pierre Pernaut sur TF1. Hier, le chef de l’Etat a déclaré que la décision de bombarder certains sites en Syrie par les armées des Etats Unis, de la Grande Bretagne et de la France a été prise le dimanche 8 avril. Comme rien ne se décide par hasard à l’Elysée, la seconde intervention du président Macron en trois jours avait été annoncée le lundi 9 avril afin de justifier cette initiative tenue secrète jusqu’à son déclanchement.
Au-delà de la mise en scène au Palais de Chaillot avec vue sur la Tour Effel et arrivée main dans la main avec BrigitteTrogneux, le choix de Jean-Jacques Bourdin et d’Edwy Plenel était également assumé par l’Elysée pour ne pas reproduire un remake du 13heures de TF1 jeudi dans une école d’un village de l’Orne. Macron gardait aussi le souvenir d’un entretien vidéo accordé à Edwy Plenel pour Médiapart le 5 mai 2017, juste avant le second tour de l’élection présidentielle et visionnée par 6 millions de personnes. Lui et Bourdin, devaient assurer une bonne audience sur trois médias différents si l’on ajoute RMC.

Macron préfère parler « d’optimisation » fiscale plutôt que d’évasion

Ayant  leur réputation à défendre, les deux journalistes avaient choisi de ne pas être complaisants. D’un bout à l’autre de la soirée, ils ont interpellé leur interlocuteur par son prénom et son nom sans jamais nommer la fonction. La justification de l’intervention en Syrie fut hachée ennuyeuse, peu convaincante et difficile à suivre dans un dialogue à trois voix qui s’exprimaient souvent simultanément. Quand on lui a balancé des chiffres sur l’évasion fiscale, Emmanuel Macron  a préféré utiliser le mot « optimisation ». Cela lui a servi pour faire mine de regretter cette évasion et pour justifier la suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF).
« Quand on empêche les gens de réussir, ils vont ailleurs et nous devons garder les meilleurs » a soutenu Emmanuel  Macron pour justifier la suppression de l’ISF. Ses deux interlocuteurs venaient de lui parler de la fortune de  Bernard Arnault et de celle de François Pinault. Ils auraient pu citer beaucoup d’autres parmi lesquels Marc Ladreit de la Charrière, 32ème fortune mondiale  - employeur généreux de Pénélope Fillon pour un travail fictif à la Revue des Deux Mondes et contributeur financier de la campagne  électorale de son mari- dont le quotidien les Echos  du 13 avril nous dit qu’il « empoche 2,3 milliards (d’euros ) en sortant de Fitch » en cette année 2018.

Baisser les retraites pour un coup de pouce aux salaires sans faire payer les patrons

Quand Jean-Jacques Bourdin a évoqué la ponction de 1,7%  de la CSG qui diminue les pensions des retraités depuis le début cette année, le président de la République a répondu que cela permettait d’augmenter le salaire de ceux qui travaillent et qu’il s’agissait là d’un « choix de solidarité intergénérationnelle». Curieusement, ni Bourdin, ni Plenel n’ont relevé le fait que cette augmentation de salaire ne coûte rien aux patrons, milliardaires compris, dans la mesure où l’augmentation du net à payer sur le bulletin de paie s’obtient par la suppression des parts salariales de la cotisation chômage et maladie.
Ils n’ont pas davantage relevé le manque de cohérence du  raisonnement d’Emmanuel Macron quand ce dernier a prétendu d’une part pourvoir contester la notion de droits acquis par des retraités qui ont cotisé durant une vie de travail sous prétexte que leurs cotisations ont  servi à payer les retraites de leurs aînés. Pourtant, quand il évoque la réforme des retraites qu’il veut faire passer prochainement, Macron affirme que chaque euro cotisé donnera des droits identiques à tous concernant les pensions. Sauf que l’argument ne tient plus quand on augmente la CSG pour réduire les pensions. Surtout quand il s’agit « d’offrir » une maigre augmentation de salaire aux actifs sans que cela coût un seul centime aux patrons. En dépit de leur pugnacité, Bourdin et Plenel n’ont rien trouvé à redire sur la nature de l’arnaque dont sont victimes les retraités depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République.

Un bras d’honneur adressé aux cheminots

S’agissant des cheminots en lutte pour la défense d’un service public des transports ferroviaires digne de ce nom, Emmanuel Macron a évoqué « une colère que je comprends, que je respecte mais qui est liée à une décision que nous prenons, que j’assume,  une réforme que nous mènerons jusqu’au bout ». Il laisse ainsi entendre clairement  qu’il n’y a rien à négocier  avec les syndicats de cheminots  et que même la question de la dette que traîne la SNCF  est loin d’être  réglée , puisque le chef de l’Etat a seulement  indiqué  que l’Etat  reprendrait « progressivement » une partie  ce cette dette  « à partir de 2020». Ces propos  ressemblent  à un « bras d’honneur » adressé à toute une profession en lutte.
Notons enfin  que les difficultés du monde agricole et  les enjeux liés au réchauffement  climatique n’ont pas été évoqués une seule fois  au cours de cet entretien .Pourtant , il est question  de voter une loi  d’ici l’été et  qui, ironie de l’histoire, aurait pour ambition de réduire le pillage du travail des paysans. Sachant que ce pillage a été amplifié en 2008 avec le vote de la Loi de Modernisation Economique (LME) qui s’inspirait du rapport ultralibéral de la Commission Attali rédigé à l’époque par Emmanuel Macron, il est dommage que les deu  interlocuteurs du président Macron n’aient pas évoqué le sujet hier soir.
Quand aux enjeux climatiques, les décideurs français en parlent juste au moment de la Cop annuelle et oublient le sujet le reste du temps. Hormis les professionnels spécialisés, c’est aussi le cas de la quasi-totalité des journalistes en France. Cela fait penser à l’incendie dans la soute du Titanic, lequel continue d’avancer tandis que l’orchestre continue de jouer. Sauf que sur BFMTV il s’agissait seulement d’un combat de coq.

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