mardi 8 mai 2018

Climat combattif aux assises communistes de l’écologie

Pour le climatologue Hervé Le Treut, invité des assises de l'écologie, il faudrait que les réductions d’émissions de gaz à effet de serre soient beaucoup plus importantes que celles observées ces dernières années. Photo : Jacques Demarthon/AFP
Vendredi soir puis samedi toute la journée, les « assises communistes de l’écologie » ont rassemblé en séance plénière puis en ateliers entre 120 et 130 militants communistes. Venus de tout le pays, ils ont fait part de leur volonté de préparer le prochain congrès du PCF en intégrant avec plus de netteté que par le passé les enjeux liés au réchauffement climatique dans le débat politique.
Le climatologue  Hervé Le Treut est venu samedi en début d’après midi s’exprimer devant les militants communistes qui, depuis la veille, avaient échangé en séance plénière, puis le jour même dans plusieurs ateliers sur les enjeux climatiques. Ses  propos se recoupaient avec ceux tenus par les militants du PCF dans ces ateliers comme en séance plénière. Selon Hervé Le Treut, il faudrait que les réductions  d’émissions de gaz à effet de serre (GES) soient beaucoup plus importantes que celles observées ces dernières années dans trop peu de pays pour espérer contenir le réchauffement
climatique à  + 2°C d’ici la fin du siècle en cours par rapport à le période préindustrielle du XIXème.

Mais on n’en prend pas le chemin, ni en France, ni au niveau planétaire. En dépit de la progression de l’énergie solaire et éolienne dans la  production d’électricité, 80% des énergies utilisées dans le monde sont d’origine fossile.  Evoquant cette situation globale, Hervé Le Treut a déclaré : « on a perdu une grande partie de notre flamme d’ingéniérie et les énergies de rechange ne sont pas encore là. L’Europe a imputé à la Chine et à d’autres pays une partie de son bilan carbone à travers les délocalisations de productions qu’elle réimporte ». Le climatologue a mis en garde contre certaines « solutions » qui n’en sont pas comme par exemple la voiture électrique pour tous sans se poser la question de savoir du bilan carbone de l’extraction des matières premières, ni celle de savoir comment sera produite cette demande d’électricité en hausse.

100 milliards de dollars c’est peu pour aider les pays pauvres

On sait qu’il est question de faire alimenter par les pays développés un « fonds vert » à partir de 2020 pour aider les pays pauvres à lutter contre le réchauffement via notamment des productions électriques sans émissions de CO2. Mais « 100 milliards de dollars par an c’est peu au regard de ce qu’il faudrait », a déclaré le climatologue, laissant aussi entendre qu’il faudra aussi éviter que cet argent soit en partie détourné via la corruption.
En ouvrant la séance du vendredi soir, Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, avait souhaité faire des enjeux climatiques le « combat communiste du XXIème siècle », citant à ce propos des évolutions inquiétantes comme le recul de la biodiversité, la dégradation de la qualité de l’air, celle de la fertilité des sols, sans oublier la raréfaction de la ressource en eau dans de nombreuses régions du monde .

De l’anticapitalisme à l’économie circulaire

Evoquant les « tares du système de production capitaliste qui pousse sans arrêt aux gâchis en tous genres et à l’obsolescence », Pierre Laurent a invité les communistes à « repenser leur activité au service d’un développement soutenable qui passe par l’anticapitalisme pour nous conduire à l’écologie à l’économie circulaire ». Dans son rapport d’introduction, Hervé Bramy a ensuite rappelé que l’écologie avait fait l’objet d’échanges importants lors de certains congrès du PCF à commencer par le 21ème en 1974. Mais il a aussi fait état d’un sondage selon lequel seulement 2% des Français voient les communistes comme des gens soucieux de promouvoir l’écologie.
Lire : Hervé Bramy : « Nous ne devons plus hésiter à être écologistes »
Pourtant, le débat général du vendredi soir comme les travaux des ateliers du samedi matin ont montré que les militants communistes avaient des choses à dire dans la lutte contre le réchauffement climatique. On peut même affirmer que leur discours sur ces questions est beaucoup plus cohérent que celui tenu par bien des militants se réclamant de l’écologie de manière exclusive.
Jute avant ces assises communistes de l’écologie, nous avions appris que la France creusait allègrement sa dette écologique en ayant consommé ses ressources renouvelables sur un an dès le 4 mai. Cette étude de l’ONG WWF avec le Global Footprint Network mesure notre empreinte écologique en utilisant des critères comme les émissions de CO2, l’artificialisation des sols agricoles sur de trop grandes superficies, les émissions de méthane des élevages de ruminants. Mais ce type d’étude mesure aussi le captage du carbone par les forêts, les prairies, le milieu marin.
Au regard de ce constat on peut dire que les intervenants communistes ont soulevé les vrais problèmes durant ces deux jours de débats. Telle intervenante a mis  en cause la métropolisation et la concentration des activités économiques du pays dans les grandes agglomérations tandis que la cherté de l’habitat éloigne celui-ci du lieu de travail. Tel autre intervenant a montré qu’il faut aller progressivement vers la gratuité des transports publics pour réduire la circulation des voitures tandis que tel autre suggérait de compléter le dispositif par des transports doux, ce qui suppose de développer les pistes cyclables. Réduire la distance entre la fourche et la fourchette fut un autre sujet de débat.

Le bilan carbone de la sortie du nucléaire en Allemagne

Dans le livre qu’il vient de publier (1) François Hollande reconnaît à demi-mots que son projet de ramener la part du nucléaire à 50% de notre mix énergétique en 2025 était purement politicien. Il s’agissait d’un accord consistant à faciliter l’élection de députés Europe Ecologie Les Verts en contrepartie de l’élimination par ces derniers de la candidature de Nicolas Hulot  pour la présidentielle de 2012 au profit d’Eva Joly. En sachant d’avance qu’elle ne ferait qu’un petit score, cela facilitait la présence de Hollande au second tour pour finalement triompher face à Nicolas Sarkozy. Ce coup politicien a abaissé le débat sur les enjeux  énergétiques au point que, pour 2017, Jean-Luc  Mélenchon et Benoît Hamon se sont respectivement prononcés pour la sortie définitive du nucléaire civil en 2050 et en 2045.
Tant dans l’atelier consacré à l’énergie que dans celui qui discuté du réchauffement climatique, cette démagogie électoraliste visant à capter les suffrages des anti-nucléaires a été critiquée samedi par des intervenant communistes. Une telle sortie  en trente ans aboutirait à accroître nos émissions de CO2 dans des proportions considérables et à augmenter sensiblement  le prix de l’électricité pour les ménages comme pour toute l’économie dans un pays où la pauvreté de masse ne cesse de faire progresser la précarité énergétique. C’est le cas en Allemagne qui va sortir du nucléaire en 2022. Le prix de l’électricité a doublé pour les ménages en une quinzaine d’années tandis que les émissions de CO2 ne cessent de progresser du fait de la relance des énergies fossiles que sont le charbon et le lignite.

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