jeudi 31 janvier 2019

Incarner une alternative progressiste (présentation du dossier)

La question européenne divise. S’il y a une grande aspiration à davantage d’échanges de toutes sortes en Europe, en particulier chez les jeunes, si l’échelle européenne peut être une échelle plus pertinente pour lutter contre les multinationales ou contre l’exil fiscal, pour mener le combat pour l’environnement, la construction qu’est l’Union européenne (UE), telle qu’elle est aujourd’hui, n’y répond pas. Dominée par les affairistes et les politiciens, elle est devenue odieuse : autoritarisme, concurrence généralisée, prétexte à toutes les austérités, bourreau des services publics, chasse aux migrants, recul du droit des femmes, etc. Les sondages montrent une perte de confiance dans l’UE, face à l’aveuglement de ses dirigeants, comme en témoignent le Brexit et les replis nationalistes ; à nous d’incarner une alternative progressiste avec nos camarades européens.
« Construire une Europe “à géométrie choisie” : pour les libertés, la vie au travail, la transition écologique, l’indépendance et la paix.»
Refuser le piège
« C’est l’approfondissement de l’UE actuelle ou l’extrême droite », nous dit Macron. Le défi doit être relevé. Refuser ce piège, c’est traiter le problème sur le fond, dans la durée, dans toute la diversité des situations. Pour cela, il faut unir, d’abord les exploités au-delà des frontières, aussi ceux qui s’en sortent plus ou moins mais voient leur avenir menacé, leurs activités désintéressées transformées en commerce, leur liberté précarisée. Face à eux, des banques, des fonds de pension, des évadés fiscaux, des aventuriers sans scrupules, des technocrates.
Relever le défi posé implique de ne pas cacher les difficultés, ni les contradictions apparentes ou réelles. C’est ainsi que nous avons tenté d’appréhender les évolutions qui se sont fait jour en Europe, depuis quelques siècles, en particulier depuis une soixantaine d’années. Il convient, pour cela, de ne négliger aucun angle d’attaque : économique, social, politique, géographique, écologique, féministe. Il convient aussi de ne pas se limiter à voir le problème uniquement en tant que « Français ». Les luttes d’un pays peuvent avoir un écho européen, ce fut le cas de Mai 68, de la chute du mur de Berlin en 1989, du 15 de mayo en 2011 des indignés espagnols. « Regardez ce qui se passe en France. C’est une première victoire du mouvement social d’avoir fait reculer un gouvernement aussi antisocial que le gouvernement d’Édouard-Philippe », s’exclame le député du PTB Raoul Hedebouw devant le parlement belge à propos des mobilisations des « gilets jaunes ». Regardons ce qui se passe en Espagne, avec la mobilisation pour les droits des femmes ; regardons ce qui s’est passé en Islande avec la tentative d’écriture d’une Constituante et la mobilisation populaire contre la corruption ; regardons ce qui se passe en Allemagne avec la hausse des salaires dans la métallurgie et dans la fonction publique ; regardons ces îles de la mer Egée qui accueillent les réfugiés. Sans chercher à éclaircir un tableau trop sombre, nous pouvons trouver partout en Europe, comme partout dans le monde, des mobilisations, voire des victoires qui font écho à nos revendications et à nos batailles. Pourtant, les luttes émancipatrices ne seront pas uniformes et synchronisées du Portugal à la Russie et de l’Irlande à la Turquie. Ne faudrait-il pas passer à une étape supérieure dans l’analyse de ces diversités, dans la coordination des mouvements et la convergence des luttes ?
Des actions transnationales victorieuses
On ne doit ni se contenter de tout petits pas, pour sauver ce qui peut l’être et atténuer les mauvais coups, ni se projeter dans une vision purement abstraite de révolution généralisée. Alors que faire ? Les rapports de forces ne semblent guère favorables. Les grands patrons et les financiers sont beaucoup mieux coordonnés que les peuples, au niveau de l’Europe. Toutefois, des points ont été marqués, comme nous le montrent les députés communistes ou apparentés qui font entrer la lutte des classes jusque dans le parlement européen. Des actions transnationales, comme celles des routiers ou des transfrontaliers, avec les syndicats, ont pu se développer et donner des résultats, d’autres se structurent, avec la Fédération transnationale des coursiers, qui réunit les travailleurs des plates-formes de livraison à domicile.
« Les luttes d’un pays peuvent avoir un écho européen, ce fut le cas de Mai 68, de la chute du mur de Berlin en 1989, du 15 de mayo en 2011 des indignés espagnols.»
Les questions concrètes telles que la protection de l’environnement, la politique agricole commune, l’accueil des migrants, les travailleurs frontaliers, les droits des femmes, traitées aujourd’hui sous le seul prisme de l’ultralibéralisme économique et du repli nationaliste devraient faire l’objet d’élaborations collectives impliquant les citoyens à tous les niveaux de décision. Ces sujets pourraient déjà, dans le cadre des clauses de coopération entre États volontaires, être pris en charge par les États européens qui répondent aux intérêts des peuples et non des capitalistes. 
Le 38e congrès du PCF, qui vient de se terminer, l’affirme clairement : le statu quo n’est pas possible. Il se veut constructif et présente plusieurs orientations dans le cadre d’une Europe « à géométrie choisie » : pour les libertés, la vie au travail, la transition écologique, l’indépendance et la paix… Ce sont des propositions « radicales et réalistes », elles seront déclinées dans les différentes contributions de ce dossier, mais – il ne faut pas le cacher – le chantier est en cours et de nombreuses questions restent ouvertes. Les élections qui auront lieu en mai doivent être l’occasion de mener, en France et en Europe, la lutte des classes, de promouvoir les idées de solidarité et d’égalité, de porter, enfin, dans l’hémicycle européen, une députée ouvrière.
Aurélien Bonnarel, Pierre Crépel et Marine Miquel sont membres du comité de rédaction de Cause commune. Ils ont coordonné ce dossier.

mercredi 30 janvier 2019

Notre 38e congrès était un jalon important sur le chemin qui nous conduit aux élections européennes de mai 2019.

J’ai la conviction qu’il nous permet de sortir renforcés et en ordre de marche pour la bataille qui nous attend. Nous avons collectivement fait la preuve de notre unité. Nous nous sommes dotés d’une nouvelle identité visuelle et d’un nouveau secrétaire national, Fabien Roussel. Nous avons pris l’initiative de proposer une liste de large rassemblement conduite par le Parti communiste à tous ceux qui veulent une Europe réellement progressiste. Enfin, j’ai pu appeler à la mobilisation des communistes et présenter de premiers candidats, comme Marie-Hélène Bourlard, ouvrière retraitée, syndicaliste CGT, héroïne du film Merci patron ! dont nous avons bien l’intention de faire, en mai prochain, la toute première ouvrière euro­députée.
« Le mouvement des gilets jaunes met au tout premier plan la question sociale et celle du pouvoir d’achat. »
Ces acquis sont importants pour lancer désormais toutes nos forces dans cette campagne. D’autant que l’actualité sociale nous met du vent dans les voiles. Le mouvement des gilets jaunes place au tout premier plan la question sociale et celle du pouvoir d’achat, et la nécessité désormais très largement partagée d’envoyer à la poubelle les politiques libérales. Un gigantesque débat s’est ouvert en France dans le sillage des colères qui s’expriment. Ce sont des revendications très fortes qui s’y affirment ; c’est toujours aux plus petits qu’on demande des efforts et pas aux gros. Il faut améliorer la feuille de paie, rétablir l’ISF, s’en prendre enfin à l’évasion fiscale.
Une politique de Gribouille
Face à cette situation, le gouvernement, acculé, a multiplié les couacs, les annonces et les reculades. Emmanuel Macron, qui travaille d’arrache-pied à la compression des salaires, a dû partiellement reculer sur la hausse de la CSG, et promettre 100 euros aux salariés au SMIC. Pour tenir cette promesse sans augmenter réellement les salaires, il a accéléré le calendrier de versement de la prime d’activité qu’il avait d’ores et déjà promis et budgété pour 2019 et 2020. Ainsi ce sont les contribuables qui sont priés de mettre la main au portefeuille, pour protéger les employeurs et les grandes fortunes, principaux soutiens, financeurs et bénéficiaires de la politique gouvernementale. Mais l’annonce cachait en fait une escroquerie : seule la moitié des salariés au SMIC bénéficieront de ce « geste », la prime d’activité étant versée sous condition de ressources. Nouveau mensonge : le paiement ne pourra pas avoir lieu en janvier, et la somme totale pourrait être plus proche de 90 euros que de 100 euros…
« Cette élection sera la première respiration démocratique où les Français pourront utiliser leur bulletin de vote pour sanctionner les politiques d’austérité menée depuis Bruxelles et à Paris. »
Le résultat de cette politique de gribouille, c’est que si Emmanuel Macron veut que son budget respecte les critères européens et la fameuse règle d’or des moins de 3% de déficit, il devra accroître les recettes fiscales… ou faire encore plus d’économies aux dépens des services publics. Car pour le président des riches, il est évidemment hors de question de rétablir l’ISF, comme le lui demandent les gilets jaunes et 70% des Français selon un tout récent sondage publié par L’Humanité. Pourtant, même la droite traditionnelle le presse de mettre à contribution les plus hauts revenus. Celle-ci pourrait proposer la création de deux nouvelles tranches de l’impôt sur le revenu.
Des revendications fortes
Dans ce contexte, qui remet au centre les revendications du monde du travail, la campagne européenne sera un terrain crucial. Cette élection sera la première respiration démocratique où les Français pourront utiliser leur bulletin de vote pour sanctionner les politiques d’austérité menées depuis Bruxelles et à Paris. L’Europe c’est l’échelon grâce auquel nous pourrons imposer une transformation politique d’ampleur, comme la mise au pas des multinationales, notamment les GAFAM, ou la lutte contre la fraude fiscale de ces géants et des grandes fortunes. Nous avons d’ores et déjà mis sur la table des propositions très fortes. À nous de les marteler auprès des citoyens, qu’ils portent un gilet jaune ou non, dans nos quartiers, dans nos territoires, sur les lieux de travail : vraie augmentation du SMIC de 200 €, ouverture de négociations salariales dans le privé comme dans le public, hausse des retraites, rétablissement de l’ISF, prélèvement à la source de l’impôt sur les bénéfices des multinationales…
Nous ferons campagne sans rien lâcher sur la transition énergétique. Mais il est hors de question de la faire financer par ceux qui ont déjà du mal à finir leur mois. L’effort doit être porté par les gros : gros patrimoines, grosses entreprises, gros pollueurs, et non par les salariés qui utilisent leur voiture pour aller travailler. C’est la raison pour laquelle il faut taxer le kérosène des avions ou le fioul des paquebots ou des porte-containers. Il faut imposer les bénéfices des compagnies pétrolières comme Total, qui utilisent les circuits financiers offshore pour minimiser leur contribution à la société. Il faut mener la bataille contre les « réformes » qui libéralisent le rail, organisent la concurrence et la casse de nos services publics : elles engendrent l’abandon du fret ferroviaire et la fermeture de petites lignes SNCF… Nous voulons également réduire la TVA sur les véhicules propres et les transports en commun.
Une liste du monde du travail
La liste proposée par le PCF sera celle du monde du travail. Les salariés y auront la plus grande place, celles et ceux qui ont maille à partir avec les effets de l’Union européenne telle qu’elle est. Femmes et hommes, ouvriers, employés, syndicalistes, gilets jaunes, fonctionnaires, pompiers, postiers, élus locaux, agriculteurs, cheminots, électriciens, barragistes, étudiants, enseignants, chercheurs, cadres, avocats, artistes, créateurs et créatrices… Elle sera la liste de ces hommes et de ces femmes qui travaillent, qui ont travaillé ou qui veulent travailler, et qui réclament non pas l’aumône présidentielle mais des droits réels, des mesures sonnantes et trébuchantes pour vivre mieux, et la rupture avec les logiques d'austérité de l’Europe d’aujourd’hui.
Pour mener cette campagne, nous avons besoin de l’énergie de tous les communistes. Il nous faut nous démultiplier. Structurer notre action région par région, département par département. Faire connaître notre liste, nos propositions. En disant cela, je pense au nécessaire rassemblement : nous faisons le pari que c’est en investissant pleinement le débat national, en rendant visibles le PCF et sa liste, que nous créons les conditions de possibilité d’une large union.
Ian Brossat est tête de liste du PCF aux élections européennes.

Mode de scrutin pour les européennes en France

La loi du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au parlement européen rétablit une circonscription unique qui était déjà en vigueur avant les élections de 2004 (pour les élections de 2004 et de 2009, le territoire était découpé en huit circonscriptions régionales, sept pour la métropole, une pour l’outre-mer).
Les élections européennes ont lieu au suffrage universel direct à un tour. Les candidats sont élus pour cinq ans selon les règles de la représentation proportionnelle à scrutin de liste à la plus forte moyenne. Les partis ayant obtenu plus de 5% des suffrages bénéficient d’un nombre de sièges proportionnel à leur nombre de voix.
Cause commune n° 9 • janvier/février 2019

mardi 29 janvier 2019

Appel. Nous appelons aujourd’hui à une mobilisation exceptionnelle. Par Patrick Le Hyaric Directeur de l’Humanité. Faire un don en ligne


Depuis plusieurs mois, nous ne cessons d’alerter sur les lourdes difficultés financières qu’affronte l’Humanité. Nous n’avons ménagé aucun effort pour les surmonter. Les lectrices et les lecteurs se sont levés en masse. En quelques semaines, plus d’un million d’euros ont été collectés grâce à leur si précieux engagement. Une nouvelle fois nous remercions celles et ceux qui y ont déjà participé et ceux qui s’apprêtent à le faire.
Cependant, nos actions n’ont pas permis jusque-là d’atteindre nos objectifs. Nous avons continué de nous heurter au refus de la mise en œuvre du plan global élaboré sous l’égide de l’État depuis la fin de l’année 2016. Aucune banque n’a voulu à cette heure s’engager à nos côtés. Dès la fin de la période des états généraux de la presse en 2015, un million d’euros ont été retirés à l’Humanité au titre de quotidien à faibles ressources publicitaires quand d’autres y accédaient sans augmentation des budgets du ministère de la Culture et de la Communication. Ces éléments ont contribué à dégrader la trésorerie de l’Humanité, notamment durant l’été dernier, alors que nous continuions à nous battre pour mettre en œuvre ce plan global. Malgré nos tenaces efforts, jusqu’aux premiers jours du mois de janvier, rien ne s’est produit.
C’est dans ces conditions que l’Humanité a été placée sous protection du tribunal de commerce la semaine dernière. Celui-ci statuera sur l’avenir de l’entreprise lors d’une audience qui se tiendra mercredi 30 janvier. Nous plaidons la continuité de l’exploitation de l’Humanité.
Il ne s’agit pas d’abord d’un enjeu comptable. C’est une question politique de premier ordre qui interroge une société soucieuse de l’expression du pluralisme des idées, de la démocratie. Au moment où tant de débats et d’inquiétudes s’expriment sur les « fabriques » de « fausses nouvelles », laisser mourir l’Humanité reviendrait à affaiblir la presse de qualité et à assécher encore plus le débat contradictoire. Au moment où les médias connaissent une telle crise de confiance, l’engagement constant de l’Humanité aux côtés des travailleurs, des milieux populaires, des « invisibles », des penseurs qui contestent le système, des créateurs qui portent haut la culture constitue un atout pour le journalisme et un atout pour l’exercice de la citoyenneté.
C’est aussi un enjeu de souveraineté pour le pays au moment où plusieurs journaux nationaux viennent ces derniers temps d’être rachetés ou recapitalisés par des groupes industriels et financiers étrangers qui lorgnent sur des activités productives de la France.
Il existe un chemin pour que vive et se développe l’Humanité. Durant l’année 2018, le nombre d’abonnés à l’Humanité et l’Humanité Dimanche a progressé et les ventes en kiosque en novembre et décembre sont bonnes. Le nombre d’utilisateurs de la plateforme numérique progresse. La Fête de l’Humanité a été un succès populaire et culturel.
Nous appelons aujourd’hui à une mobilisation exceptionnelle pour réussir.
Une multiplicité d’actions de solidarité peut être engagée dans les villes et villages, dans les entreprises, dans les universités : collecte de fonds, débats, banquets de soutien, animations de rue, campagne pour faire découvrir nos journaux…
Nous lancerons dans les prochains jours une grande campagne d’abonnements de parrainage sous le thème « À chaque lectrice et lecteur son nouvel abonné » à l’Humanité Dimanche et à l’Humanité des débats du vendredi, pour deux mois au prix de 27 euros.
Nous proposons aux élus progressistes et républicains de contribuer à donner leur juste place à nos journaux dans les bouquets de presse des bibliothèques et médiathèques, comme dans les lieux d’accueil au public.
Nous appelons l’État à prendre de nouvelles initiatives pour défendre le pluralisme de la presse, à augmenter l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, à ne pas démanteler les fondements de la loi Bichet de distribution de la presse.
Dès maintenant, nous plaçons l’Humanité sous protection populaire et citoyenne.
Dans ce cadre, une grande soirée de mobilisation et de solidarité pour l’Humanité aura lieu le vendredi 22 février à la salle la Bellevilloise, à Paris. Une multitude de personnalités ont déjà annoncé leur participation en faveur de cette mobilisation.
Une grande bataille pour sauvegarder et développer l’Humanité doit s’engager. Une des composantes historiques de la presse française ne saurait disparaître.

lundi 28 janvier 2019

L’Assemblée de rentrée du PCF Grésivaudan



Une quarantaine de participants se sont retrouvés à l’Assemblée de rentrée de la section PCF du Grésivaudan. Après leur 38e congrès, dont ils sont ressortis soudés, avec une nouvelle identité visuelle et un nouveau secrétaire national (Fabien Roussel), cette réunion fut pour les communistes l’occasion de faire le point sur la situation politique, autour de trois temps forts :
- Le mouvement populaire des Gilets Jaunes, dont les revendications s’enracinent dans le même terreau d’injustices fiscales, sociales et environnementales que les Communistes dénoncent depuis longtemps, rejoint les combats du PCF ainsi que les réponses politiques qu’il propose.
- Les élections européennes du mois de mai qui peuvent être l’occasion de porter cette colère populaire dans les urnes, en proposant une liste de large rassemblement du Parti communiste à tous ceux qui veulent une Europe réellement progressiste. Conduite par Ian Brossat et Marie-Hélène Bourlard, les communistes veulent faire de cette ouvrière retraitée, syndicaliste CGT, héroïne du film « Merci patron ! » la toute première ouvrière euro députée.
- Enfin la soirée s’est achevée par un repas partagé, où les convives disposés en assemblée circulaire ont poursuivi, entre le fromage et le dessert et tard dans la soirée, une conversation politique passionnante et improvisée sur les sujets...politiques qui n’avaient pas encore été épuisés.

samedi 26 janvier 2019

Lasagnes à la viande de cheval : six ans après, les fraudes alimentaires se poursuivent

De la viande de cheval dans des lasagnes « pur boeuf » ! En février 2013, ce scandale alimentaire défraie la chronique. Depuis six ans, bien d’autres affaires ont éclaté, comme celle du fipronil, cet insecticide retrouvé dans les œufs. A chaque fois, la même promesse des gouvernements : résoudre les failles dans les systèmes de contrôle européens sur la sécurité alimentaire. Alors que le procès Spanghero se déroule jusqu’au 13 février, des chevaux impropres à la consommation humaine continuent aujourd’hui de se retrouver sur le marché européen. Et les consommateurs français sont loin d’être épargnés.
Photo de Une : © Europol - Démantèlement d’un réseau criminel, en avril 2017, soupçonné de commercialiser en Europe de la viande de cheval impropre à la consommation humaine en falsifiant l’identité des animaux via la puce implantée dans l’encolure.
L’affaire n’a pas fait de bruit en France, bien que les consommateurs de l’hexagone soient concernés. En avril 2017, 65 personnes sont arrêtées en Espagne par la garde civile, dans le cadre de l’opération « Gazel », en coordination avec Europol et la participation des polices belge, italienne, portugaise, roumaine, suisse, britannique... et française. Elles sont soupçonnées de faire partie d’un réseau criminel organisé commercialisant en Europe de la viande de cheval impropre à la consommation humaine.
Deux abattoirs espagnols auraient introduit dans le circuit destiné à la consommation humaine, de la viande provenant de chevaux en « mauvais état », « trop âgés » ou étiquetés « impropres à la consommation ». L’organisation criminelle transformait la viande, puis falsifiait l’identité de l’animal en modifiant sa puce électronique, avant de l’expédier en Belgique. Ce réseau – accusé de maltraitances animales, de crimes contre la santé publique, de falsification, d’organisation criminelle et de blanchiment d’argent – aurait tiré de ces pratiques illégales quelque 20 millions d’euros de bénéfices. Des propriétaires d’abattoirs, des vétérinaires et des éleveurs sont dans le collimateur des enquêteurs. En octobre 2018, la cour suprême espagnole a enjoint le tribunal national à enquêter sur ce réseau.

Procès Spanghero : va t-on « briser le cercle infernal qui permet aux scandales alimentaires de s’enchaîner » ?

Au cœur de ce réseau, un homme attire l’attention : le néerlandais Johannes Fasen (ou Jan Fasen). Ce dernier aurait mis en contact les producteurs espagnols avec des acheteurs européens [1]. Or, ce même Johannes Fasen, patron de la société Draap Trading (anagramme de Paard qui signifie « cheval » en néerlandais), basée à Chypre, fait partie des quatre personnes qui comparaissent en France, dans le cadre de l’affaire des lasagnes « pur bœuf » contenant... de la viande de cheval. Alors que le procès s’est ouvert le 21 janvier au tribunal correctionnel de Paris et doit durer jusqu’au 13 février, Johannes Fasen ne s’est pour l’heure pas présenté au tribunal, du fait du contrôle judiciaire strict pesant à son encontre en Espagne [2].
Trois autres personnes sont poursuivies : Hendricus Windmeijer, négociant néerlandais, ainsi que deux anciens responsables de la société Spanghero - l’ex directeur Jacques Poujol et Patrice Monguillon, un ex cadre de la société. Ils sont poursuivis principalement pour « tromperie » et « escroquerie en bande organisée », et encourent jusqu’à dix ans d’emprisonnement. Pour Karine Jacquemart, directrice de l’association foodwatch France, ce procès doit être « un signal contre l’impunité et l’occasion de briser le cercle infernal qui permet aux scandales alimentaires de s’enchaîner avec un schéma quasi immuable : opacité pour les consommateurs, manque de traçabilité, sous-effectifs criants au sein des organes de contrôle ». Six ans après le « chevalgate », quels enseignements ont été tirés par les autorités sanitaires et gouvernementales ?

13,3 % des plats « pur bœuf » étaient positifs au cheval

Le 7 février 2013, les Français apprennent que des lasagnes Findus estampillées « pur Bœuf », vendues dans les supermarchés, contiennent de la viande de cheval. Le lendemain, l’entreprise Comigel, sous traitante de Findus, retire tous ses produits. C’est le début du « Chevalgate ». Comigel s’estime victime d’une fraude et met en cause la société Spanghero. Après avoir saisi près de 1500 factures, les enquêteurs de la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) confirme les « faits de tromperie », l’entreprise Spanghero ne pouvant ignorer que la viande utilisée était du cheval et non du bœuf [3]. Cette conclusion est suivie de sanctions : Spanghero se voit signifier le retrait de son agrément sanitaire pour le négoce de viande dès le 14 février 2013 [4].
Outre Findus, plusieurs marques – Auchan, Carrefour, Cora, Grand Jury, Nestlé, Monoprix, Panzani, Picard, Ikea... – sont incriminées [5]. Dans le mois qui suit, la Commission européenne lance une série de tests ADN qu’elle cofinance à hauteur de 75 % : des plats préparés « pur bœuf » sont analysés dans toute l’Europe. La France se révèle être le plus mauvais élève européen avec 13,3 % des 353 analyses effectuées en France positives à la viande de cheval.

Coupes dans les effectifs de la sécurité sanitaire

Comment en est-on arrivés là ? Le 10 octobre 2013, un rapport du National audit office au Royaume Uni – l’équivalent de la Cour des comptes en France – estime que cette crise aurait pu être prévenue et mieux gérée si les services chargés des contrôles n’avaient pas vu leurs budgets réduits [6]. Aucun test sur la présence de viande de cheval dans l’alimentation n’a été réalisé en dix ans. En parallèle, le nombre d’experts dédiés à la sécurité sanitaire au Royaume Uni a diminué. La situation est similaire en France. Dans un rapport de février 2014, la Cour des comptes étrille l’insuffisance des contrôles, les irrégularités dans les inspections, le manque de moyens, l’absence de sanctions. « Ces enquêtes très utiles pour mieux connaître les filières, les fraudes et anticiper les crises demeurent trop rares depuis 2009 (…) et leur utilité est minorée », note le rapport. Nul doute pour la Cour : l’affaire Spanghero a été facilitée par la dégradation du réseau de sécurité sanitaire français et la baisse des contrôles.
Malgré ces alertes, la situation ne s’est pas améliorée ces dernières années, bien au contraire. « On a perdu 1000 équivalent temps plein en sécurité sanitaire de l’alimentation depuis 2010 »alerte en mars 2016 une inspectrice de la sécurité sanitaire des aliments. Il existe une programmation [des contrôles], mais nous avons de plus en plus de mal à la boucler du fait du manque d’effectifs. » Un constat partagépar Didier Herbert, du syndicat des vétérinaires contrôleurs en abattoir (Snuitam FSU) : « Nous sommes toujours en sous-effectifs, et le personnel dans les abattoirs est à flux tendu. Quand il y a un congé maternité ou un arrêt maladie, des agents non titulaires – des contractuels – sont mis sur la chaine sans formation. Tout est géré dans l’urgence, les directions n’ont plus aucune marge de manœuvre. »
« La DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) doit perdre 90 agents sur la période 2018-2019 » alerte Foodwatch, alors même que « le nombre des inspections sur la sécurité sanitaire des aliments est passé de 86 239 en 2012 à 54 000 en 2017, soit 37% de contrôles en moins ». Un rapport de la Commission européenne publié en septembre dernier sur le fonctionnement des contrôles menés par les autorités nationales entre 2014 et 2016 confirme que « toute nouvelle réduction des effectifs risquent d’influer négativement sur les niveaux et la qualité des contrôles ainsi que sur la capacité à réagir aux situations d’urgence ».

La commission européenne du côté des industriels

« Le scandale de 2013 a bien montré que la France faisait partie des pays qui ne disposaient pas de contrôles suffisants, analyse l’eurodéputé écologiste José Bové. La baisse des dépenses de l’État dans tous les secteurs, du fait de la politique d’austérité, aggrave le problème : les réductions d’effectifs entrainent automatiquement une réduction des contrôles. » Pour la journaliste Anne de Loisy, qui a méticuleusement enquêté sur ce scandale alimentaire, le coût de la prévention est pourtant très faible comparé à celui de la gestion des crises sanitaires : « Les États généraux du sanitaire conduits par le ministère de l’agriculture en 2010 ont rappelé que "un euro dépensé en prévention et surveillance, c’est 5 à 6 euros économisés dans la lutte contre les maladies et la réparation des préjudices". »
Suite au scandale des lasagnes Findus, Benoit Hamon, alors ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation, demande l’obligation d’étiquetage de l’origine de la viande sur les plats préparés. « Les représentants des industries agroalimentaires européennes se sont empressées d’affirmer qu’un tel étiquetage augmenterait les coûts de production de manière pharamineuse, et que les consommateurs supporteraient 90 % des coûts additionnels », rapporte Anne de Loisy, auteure du livre Bon Appétit !.
Selon l’UFC que choisir« la Commission européenne s’empressa alors de reprendre à son compte ces chiffres, jamais démontrés ni vérifiés » [7] « Il y a un bras de fer entre les éleveurs et les transformateurs, et la Commission se range plutôt du côté de ces derniers, appuie l’eurodéputé écologiste José Bové. Les industriels de la transformation agroalimentaire avancent toujours les mêmes arguments : ce serait trop compliqué, trop coûteux, cela segmenterait le marché européen, ajouterait de la bureaucratie. »

Des circuits tout sauf « courts »

Un étiquetage sur l’origine des viandes dans les plats préparés a tout de même été mis en place en France depuis le 1er janvier 2017. Cette expérimentation prévoit, au moins jusqu’au 31 mars 2020 [8], que soient indiqués sur l’étiquette les lieux de naissance, d’élevage ou d’engraissement. Ainsi, les produits transformés avec 100 % de viande française ou 100 % de lait français sont étiquetés « Produit d’origine française ». Cet étiquetage n’est toutefois obligatoire que lorsque la part de viande est égale ou supérieure à 8 % du poids d’un produit préparé [9] et des limites sont pointées par plusieurs organisations. Une opération du syndicat des Jeunes agriculteurs menée le 19 avril 2017 dans des supermarchés parisiens révèle par exemple des modifications de recettes pour faire passer le taux de viande sous la barre des 8 %.
Les pouvoirs publics ont réservé la possibilité d’indiquer une origine plus vague « Union Européenne » à des cas particuliers de forte variabilité des approvisionnements ou encore lorsque les pays de naissance d’élevage, de collecte ou d’abattage sont différents. « Les fabricants se sont engouffrés dans cette brèche légale pour près d’un produit étiqueté sur deux », selon une enquête de Que Choisirpubliée le 3 avril 2017. Face à ses stratégies de l’industrie agroalimentaire pour contourner la réglementation, l’eurodéputé José Bové réaffirme le besoin de traçabilité de la viande entrant dans les plats préparés. Selon lui, « l’une des manières d’y parvenir, c’est d’obliger les opérateurs à une traçabilité par État. »
Cette traçabilité est d’autant plus nécessaire que le scandale de 2013 a révélé la complexité des circuits. Partie de Roumanie, la viande de cheval a d’abord été stockée aux Pays-bas, puis réceptionnée à Castelnaudary (Aude) par l’entreprise française Spanghero. Cette dernière l’avait achetée à un trader chypriote, l’ayant lui même acquise auprès d’un autre trader néerlandais. La viande a ensuite été revendue à une usine luxembourgeoise du français Comigel fournissant, entre autres, Findus. Plus de 4500 kilomètres ont ainsi été parcourus !

« La fraude est facile à mettre en œuvre »

Dans deux rapports successifs, sur la viande hachée en 2007 et la viande séparée mécaniquement en 2008, la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) avait tiré la sonnette d’alarme, rapporte Anne de Loisy : « les courtiers ne sont ni connus des services de contrôle ni recensés dans le système d’information de la direction générale de l’alimentation comme un maillon de la traçabilité ». Après avoir réussi dès 2007 à identifier une cinquantaine d’établissements de courtage en viande, la BNEVP précisait : « Les courtiers sont difficiles à joindre car ils n’ont pas de locaux spécifiques et ne voient jamais les denrées. Les produits dans les ateliers de préparation des viandes proviennent de France et de toute l’Union européenne : d’Italie, d’Espagne, des Pays-Bas, d’Irlande et de Belgique. Les circuits sont assez complexes. (…) Les contrôles de ce type de circuit sont impossibles à réaliser, la fraude est donc facile à mettre en œuvre. »
La BNEVP recommandait de recenser les courtiers et de soutenir au niveau européen un encadrement de leur activité, afin d’améliorer la traçabilité des produits alimentaires. « Sept ans après leurs recommandations, force est de constater que rien n’a été fait », constatait Anne de Loisy.
« Ce qui s’est passé au Brésil au mois de mars 2017 montre que le marché mondial de la viande est gangrené, confirme José Bové [10]Des morceaux avariés étaient vendus et incorporés à du minerai de viande. Le système tenait grâce à la corruption de certains agents des fraudes. Oui, je pense que le mot mafia n’est pas trop fort. Il s’agit d’une mafia mondialisée. » L’eurodéputé se refuse toutefois à des généralisations qu’il juge « dangereuses » : « De nombreux éleveurs et transformateurs font leur travail avec conscience. Acheter dans des Amap et retrouver le plaisir de cuisiner nous permettent de contrôler nous mêmes ce que nous retrouvons dans nos assiettes. »

La filière chevaline « totalement corrompue » ?

La viande de cheval demeure peu consommée en France – moins de 1 % de l’ensemble des viandes de boucherie – et est essentiellement importée du Canada, de l’Argentine et de l’Uruguay [11]. Mais en avril 2015, un communiqué de l’unité de coopération judiciaire de l’Union européenne (Eurojust), alerte sur l’introduction de « chevaux impropres à la consommation humaine » dans la chaine alimentaire. Ce mois-là, une vague d’interpellations simultanées a lieu dans sept pays de l’Union européenne [12]. Cette enquête, baptisée « affaire Bayard », a trait à de la viande possiblement contaminée par des médicaments, et vendue pendant des années dans des boucheries chevalines du sud-est de la France.
Selon le rapport d’enquête vétérinaire consulté par un journaliste du Monde« l’organisation de ce réseau est inquiétante pour la santé publique. (...) La traçabilité de certains équidés n’est pas assurée, la modification des feuillets de traitements médicamenteux, les modifications des livrets ou passeports, les transpondeurs [puces] trouvés en double exemplaire sur un même animal ne sont pas acceptables pour des animaux destinés à la consommation humaine. » Toujours selon Le Monde : « Sur la base d’écoutes téléphoniques, les enquêteurs ont acquis la conviction que toute la filière serait corrompue par la fraude ».
« Le scandale (de la viande de cheval vendue pour du bœuf) a généré quelques mesures, observe Foodwatch : la création d’un réseau européen pour une meilleure collaboration entre Etats membres, le Food Fraud Network, la loi Hamon qui a presque multiplié par dix les amendes en cas de tromperie [13] ou encore la mention obligatoire en France depuis 2017 de l’origine de la viande dans les plats préparés. » Pour autant, six ans après l’affaire de la viande de cheval, l’association estime qu’ « il est impératif d’aller beaucoup plus loin. » La récente opération Gazel en Espagne confirme que les failles dans les systèmes de contrôle européens sur la sécurité alimentaire n’ont pas été comblées. Au détriment, toujours, de la confiance dans le contenu de nos assiettes.
Sophie Chapelle, avec Nolwenn Weiler et Simon Gouin

vendredi 25 janvier 2019

1000 milliards d’euros de profits en vingt ans : comment les labos sont devenus des monstres financiers

Les laboratoires pharmaceutiques n’ont plus grand chose à voir avec ce qu’ils étaient il y a vingt ans. De plus en plus gros et de plus en plus financiarisés, ils sont devenus des machines à siphonner des milliards d’euros ou de dollars pour les redistribuer aux actionnaires, notamment les grands fonds de Wall Street. Une prospérité privée financée en grande partie par l’argent public : les systèmes d’assurance maladie et le soutien gouvernemental à la recherche.
En 1955, Jonas Salk, père du premier vaccin contre la polio, à qui l’on avait demandé à la télévision qui détenait le brevet sur cette découverte, avait eu cette réponse demeurée célèbre : « Eh bien, au peuple je dirais. Il n’y a pas de brevet. Pourrait-on breveter le soleil ? »
Soixante ans plus tard, en 2015, Martin Shkreli, jeune homme d’affaires new-yorkais venu de la finance, fait scandale en multipliant du jour au lendemain par 55 le prix de vente du Daraprim, de 13,50 à 750 dollars. Il venait de racheter les droits exclusifs sur ce médicament classé essentiel par l’Organisation mondiale de la santé, utilisé pour traiter la malaria ou le Sida. « C’est une société capitaliste, un système capitaliste, des règles capitalistes », explique alors celui qui finira quelques mois plus tard en prison (non pas pour crime contre la santé publique, mais pour avoir trompé des investisseurs…).
En soixante ans, l’industrie pharmaceutique a profondément changé. Les fabricants de médicaments figurent désormais parmi les plus grosses multinationales au monde, aux côtés des firmes pétrolières ou automobiles. Elles sont aussi les plus lucratives pour les marchés financiers. Et ce n’est sans doute pas fini. Des médicaments sont mis sur le marché à des prix toujours plus onéreux. En 2015, le Sovaldi, un traitement contre l’hépatite C du laboratoire Gilead, était vendu en France 41 000 euros pour trois mois de traitement. Il est ainsi le premier médicament à avoir été de fait réservé par les autorités de santé à seulement une partie des patients potentiels en raison de son prix. Désormais, les prix de certains médicaments présentés comme innovants atteignent le demi-million d’euros ! Parallèlement, les plans de suppressions d’emploi se succèdent. Toujours en 2015, Sanofi en était à son troisième plan social depuis 2009. Le quatrième vient tout juste d’être annoncé.

L’essor de « Big Pharma »

Comment en est-on arrivé là ? Il est souvent difficile de retracer l’évolution de grandes entreprises industrielles sur le long terme. Alignées sur le rythme des marchés financiers, les multinationales ne regardent en général qu’un ou deux ans en arrière. Les successions de fusions, de reventes de filiales ou de changements de noms font que les traces s’effacent rapidement dès lors que l’on cherche à remonter plus loin dans le temps. Les dirigeants eux-mêmes cherchent souvent à effacer la mémoire d’entreprises vouées à se restructurer en permanence pour se plier aux règles de la « compétitivité ».
En nous appuyant sur les données rassemblées sur le site Mirador du Gresea, nous avons néanmoins réussi à suivre l’évolution de 11 laboratoires pharmaceutiques parmi les plus importants au monde (Sanofi, Novartis, AstraZeneca, GlaxoSmithKline, Merck, Eli Lilly, Roche, Abbott, Pfizer, Bristol Myers Squibb et Johnson&Johnson) entre 1999 et 2017. Mis à part pour les quatre premiers, nous disposons même des chiffres depuis 1990 – une éternité à l’échelle de cette industrie. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes.
Entre 1999 et 2017, le chiffre d’affaires de ces onze laboratoires a été multiplié par deux, pour atteindre la somme record de 395 milliards d’euros en 2017 ! Parallèlement, la valeur de leurs actifs – tout ce que l’entreprise possède, de la valeur d’un brevet au patrimoine immobilier, en passant par ses placements financiers – a été multipliée par 3,3 pour atteindre 873 milliards d’euros (un chiffre toutefois en repli par rapport au record de 2016 : 988 milliards). Les dividendes et rachats d’actions – autrement dit la part des profits directement redistribués aux actionnaires – ont été multipliés par 3,6 pour atteindre 71,5 milliards d’euros en 2017 – alors que les bénéfices nets n’ont augmenté « que » de 44 % sur la même période.
Pour les sept laboratoires que l’on peut suivre depuis 1990, les hausses sont encore plus spectaculaires. Leur chiffre d’affaires cumulé a été multiplié par plus de six, leurs bénéfices par cinq, leur actif par plus de douze de même que leurs dividendes et rachats d’actions [1]. Parle-t-on encore des mêmes entreprises ?

925 milliards d’euros pour les actionnaires

Entre 1999 et 2017, « Big Pharma » – les 11 mêmes laboratoires dont nous parlons ici – ont engrangé 1019 milliards d’euros de bénéfices. De quoi investir massivement pour trouver des remèdes aux maladies qui sévissent partout dans le monde ? Non. Ils en ont directement redistribué 925 milliards à leurs actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions, soit 90,8 %. Derrière ce chiffre global se cache une croissance apparemment inexorable des dividendes au fil des années. En 1999, ces onze labos ont redistribué 57,4 % de leurs profits aux actionnaires. En 2017, le taux de redistribution s’établissait à… 141,9 % ! Un record historique [2].
Par comparaison, l’impôt sur les sociétés versés par ces mêmes laboratoires est globalement stable depuis 1999, à part un pic soudain en 2017 dû à Johnson&Johnson qui a relocalisé une partie de ses fonds des paradis fiscaux vers les États-Unis, suite à la réforme fiscale de Donald Trump [3]. En 2016, il était presque exactement au même niveau qu’en 1999, à un peu plus de 13 milliards d’euros. Le taux d’imposition moyen des onze labos se situait entre 26 et 28 % au tournant des années 2000, pour descendre à 19 % en 2015 et 2016 (et 18 % en 2017 si l’on exclut Johnson&Johnson).
Avec les actionnaires, les autres grands gagnants de la nouvelle donne sont les dirigeants des firmes pharmaceutiques… précisément parce que leur rémunération est désormais largement alignée sur les sommes reversées aux marchés financiers. En 2014, la succession entre Christopher Viehbacher et Olivier Brandicourt à la tête de Sanofi a été marquée par une controverse sur le montant des indemnités de départ accordées au premier – un « parachute doré » de 4,4 millions d’euros – et de la prime de bienvenue de 4 millions octroyée au second. Comme l’a montré le « véritable bilan annuel des grandes entreprises françaises » de l’Observatoire des multinationales, Olivier Brandicourt est aujourd’hui encore le patron le mieux payé du CAC40, avec presque 10 millions d’euros de rémunération en 2016 et 2017. Ce qui reste nettement moins que ses confrères américains de Pfizer (26,2 millions de dollars), Johnson & Johnson (22,8 millions) ou Bristol Myers Squibb (18,7 millions).
Le secteur pharmaceutique est de fait celui où la rémunération des patrons est la plus élevée aux États-Unis, devant toutes les autres industries. En plus, les sommes versées aux dirigeants des grands labos pâlissent souvent par rapport à celles que peuvent toucher les patrons de firmes biotechnologiques plus petites comme Vertex, Incyte, BioMarin ou United Therapeutics. Inconnues du grand public, ces firmes se concentrent sur un petit nombre de molécules à « haute valeur ajoutée » destinées à être vendues ensuite au prix fort. Leonard S. Schleifer, le dirigeant de Regeneron, un partenaire historique de Sanofi avec à peine quelques milliers d’employés, a ainsi reçu 26,5 millions de dollars en 2017 et plus de 28 millions en 2016.

Sous le signe de Wall Street

S’il est une industrie qui illustre l’emprise croissante des marchés financiers, c’est donc bien celle du médicament. Son actionnariat est d’ailleurs largement dominé par les grands gestionnaires de fonds de Wall Street (à quelques exceptions près comme la participation de L’Oréal, et donc de la famille Bettencourt, au capital de Sanofi) : ces « investisseurs institutionnels » sans visage qui imposent aux entreprises la loi d’airain du cours en bourse. BlackRock possède ainsi 5,7 % du capital de Sanofi, 8 % de celui d’AstraZeneca, 7 % de celui de GlaxoSmithKline, 7,6 % de Pfizer, 6,2 % de Johnson & Johnson, 6,8 % de Merck/MSD, 6,3 % d’Abbott, 6,4 % de Bristol Meyers Squibb, 5,8 % d’Eli Lilly. Ce qui correspond à 3,66 milliards d’euros de dividendes en 2017. D’autres fonds d’investissement comme Vanguard sont très présents au capital des géants pharmaceutiques, et en retirent eux aussi chaque année des milliards de dollars [4].
Malgré leur soif intarissable de dividendes, ces gros investisseurs font cependant figure de « modérés » si on les compare à d’autres acteurs de Wall Street également très actifs dans le secteur pharmaceutique : ces « hedge funds » ou fonds de capital-risque qui investissent dans le secteur des biotechnologies pour s’assurer le contrôle de brevets stratégiques et, immanquablement, en faire monter les prix. Ce sont eux qui se trouvent derrière les scandales les plus retentissants de ces dernières années, comme le prix stratosphérique des traitements contre l’hépatite C commercialisés par le laboratoire Gilead, ou encore les spéculations de Martin Shkreli sur le Daraprim. Sur les 25 médicaments dont le prix a le plus augmenté aux États-Unis entre 2013 et 2015, 20 étaient commercialisés par des firmes ayant des fonds de capital-risque dans leurs actionnaires. Avec l’accent mis aujourd’hui sur les traitements « innovants » et « ciblés » contre le cancer (lire « Le prix exorbitant de certains traitements menace l’universalité de notre modèle de santé »), ce sont désormais ces acteurs qui donnent le ton à toute l’industrie pharmaceutique.

Les labos se préoccupent-ils encore de leur utilité sociale ?

En matière de médicaments, tout notre système de santé et de sécurité sociale repose sur une hypothèse implicite : les laboratoires pharmaceutiques sont des entreprises privées qui cherchent certes à gagner de l’argent, mais qui sont aussi au service des patients et de la santé publique. Ils engrangent des profits – aujourd’hui faramineux – mais apportent en même temps à la société de nouveaux traitements qui améliorent le bien-être général. Le brevet sur les médicaments est le symbole même de cet échange « donnant donnant » : les fabricants disposent pour une durée déterminée – en général 20 ans – du monopole de commercialisation d’un nouveau traitement, parce qu’ils ont pris en charge son développement, à condition qu’au bout de ces vingt années le traitement puisse être librement produit et vendu par d’autres, par exemple sous forme de générique.
C’est le même « contrat social » qui justifierait que les entreprises du médicament soient soutenues de multiples manières par les deniers publics : depuis le financement de la recherche fondamentale jusqu’aux dizaines de milliards de remboursement de l’assurance maladie, en passant par une politique généreuse de fixation du prix des traitements (lire « Comment est fixé le prix d’un médicament, et comment les industriels parviennent à l’influencer »). Mais cette hypothèse correspond-elle encore à la réalité ? Dans les faits, les laboratoires pharmaceutiques, devenus des multinationales, ne jouent plus le jeu selon les mêmes règles. Leurs décisions commerciales sont désormais dictées par les marchés financiers bien plus que par une quelconque considération de santé publique. Les brevets, autrefois un outil commode pour encourager la mise à disposition de médicaments, se sont transformés en support de spéculation et en instrument de chantage vis-à-vis des gouvernements.

Garantie publique, profits privés

Il y a dix ans, la crise financière globale a montré comment les banques tirent profit d’une « garantie publique » implicite des gouvernements, dès lors qu’elles gèrent aussi l’argent des épargnants et des simples citoyens. Assurées que les États ne leur permettront jamais de couler totalement et qu’au besoin elles seront renflouées, comme en 2008, par des milliards d’argent public, elles n’ont pas hésité à s’engager dans des activités de plus en plus spéculatives, très rémunératrices pour les traders, sachant que les risques réels au final resteraient limités.
Le secteur pharmaceutique a lui aussi sa propre forme de « garantie publique » : les systèmes d’assurance maladie, et le soutien gouvernemental à la recherche. C’est en grande partie grâce à cette garantie publique qu’ils sont devenus ce qu’ils sont aujourd’hui : des monstres hyper-financiarisés, qui se sont mis au service des actionnaires plutôt que des patients.

Influence, opacité, prix exorbitants de certains médicaments, liaisons dangereuses avec les députés et les médecins… À travers des données inédites, des enquêtes et des reportages, les « Pharma Papers » mettent en lumière tout ce que les labos pharmaceutiques préféreraient que les patients et les citoyens ne sachent pas : les immenses profits qu’ils amassent chaque année aux dépens de la sécurité sociale et des budgets publics en instrumentalisant médecins et décideurs.
Dans le troisième chapitre de notre enquête, nous documentons les énormes profits engrangés par les laboratoires pharmaceutiques, devenus en quelques décennies des géants financiers dont la stratégie est désormais largement dictée par Wall Street. Dans cette course aux milliards, les besoins des patients et la santé publique sont passés depuis longtemps au second plan.

jeudi 24 janvier 2019

Une cinquième décision des Prud'hommes de Grenoble du 18 janvier 2019 invalide le barème Macron

Une cinquième décision du 18 janvier 2019 invalide le barème Macron, cette fois c'est le Conseil des prud'hommes de GRENOBLE qui s'y colle !

Un barème contraire au droit international

Pour motiver leur décision, les conseillers prud'homaux de Grenoble, comme leur homologues de TROYES, AMIENS et LYON, ont jugé que ce plafonnement des indemnités prud'homales est contraire à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), applicable en France depuis sa ratification en 1989. Selon les prud'hommes d'Amiens, ce barème empêche "d'ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation appropriée", comme le stipule la convention.
Les conseillers de Troyes et de Grenoble vont même plus loin en invoquant aussi l'article 24 de la Charte sociale européenne qui reprend ces notions d'"indemnité adéquate" et de "réparation appropriée". Le jugement de Lyon pointe le fait que le barème ne permet pas "aux juges d'apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu'ils ont subi". Ils ajoutent de même que "ces barèmes ne permettent pas d'être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié". Pour eux, "ces barèmes sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables" et "inconventionnels".
A Grenoble, les conseillers enfoncent le clou. D'après eux, "en réduisant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par des plafonds trop bas, c'est bien la sanction de la violation de la loi qui perd son effet dissuasif à l'égard des employeurs qui peuvent "budgeter" leur faute". Les conseillers prud'homaux de Lyon (décision du 21 décembre 2018) écartent pour leur part toute référence au barème et s'appuient seulement sur les dispositions prévues dans le cadre de la Charte sociale européenne pour motiver leur jugement.

Ouverture d'une brèche juridique

"Ce n'est pas une surprise. Depuis le début, les fondements juridiques de ce barème sont discutés et discutables, analyse Pascal Lokiec, professeur de droit social à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, opposé au plafonnement. Là, c'est la première fois que plusieurs juridictions invalident le dispositif, au regard du droit international qui jouit d'une primauté sur le droit national."
"Ces décisions représentent une première brèche dans le mur des certitudes de ceux qui défendent cette réforme, salue Isabelle Taraud, avocate membre de la commission droit social du Syndicat des avocats de France (SAF), qui dénonce depuis l'origine l'instauration du plafonnement des indemnités prud'homales. Ces barèmes reviennent à octroyer aux conseillers prud'homaux un pouvoir d'appréciation qui n'en est plus un: quel est le rôle du juge lorsqu'il n'est en droit d'accorder qu'une indemnité comprise entre 3 mois et 3,5 mois de salaire brut [pour un salarié d'une ancienneté de deux ans ?"  

Traité franco-allemand : M. Macron, ne mettez pas la France à l’heure allemande !

En signant demain un nouveau traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle, Emmanuel Macron et Angela Merkel cherchent à cacher le fait que le couple franco-allemand est en panne, et l’Europe en crise.

De fait, ce nouveau traité est quasiment muet sur les questions les plus brûlantes qui se posent à nous en 2019. Crise sociale, environnementale, accueil des migrants : le document n’affiche aucune ambition progressiste sur ces sujets cruciaux qui sont pourtant au cœur de l’actualité et qui agitent les peuples.
En revanche, dans son article 4, loin des priorités des Français, il encourage les coopérations militaires et de défense. Quelle ironie: les dirigeants franco-allemands s’avèrent incapables de taper du poing sur la table ensemble pour mettre fin à la crise économique et sociale, mais ils sont capables d’organiser une coopération de tous les instants en matière militaire, au sein d’un « Conseil franco-allemand de défense et de sécurité »…
Pire, l’article 20 créé un Conseil franco-allemand d’experts économiques composé de dix experts indépendants « afin de présenter aux deux gouvernements des recommandations sur leur action économique ». En imposant une convergence avec les politiques économiques menées en Allemagne, ce traité comporte un risque non négligeable pour les salariés français. Doit-on craindre l’importation en France des mesures Hartz IV qui ont créé outre-rhin une population de plus de 7 millions de travailleurs pauvres, avec notamment les « jobs à 1€ de l’heure » ? Nul doute que ce comité sans aucune légitimité démocratique ne servira qu’à cautionner la fuite en avant austéritaire de Macron et Merkel.
Non, M. Macron, on ne relancera pas l’idée européenne attaquée par les populistes en mettant la France à l’heure allemande, mais au contraire en révolutionnant l’Union Européenne et en rompant avec l’ordo-libéralisme qui appauvrit les peuples et enrichit une minorité.
Non, M. Macron, ce n’est pas du côté de l’Allemagne de Merkel que se trouve l’avenir de l’Europe, mais bien plutôt du côté des pays qui, comme l’Espagne et le Portugal, œuvrent pour une Union du progrès social.
Ian Brossat, tête de liste du PCF aux élections européennes

mercredi 23 janvier 2019

STMicroelectronics - Crolles, agglomération de Grenoble Lutte Ouvrière

Micro-électronique, maxi-exploitation : ça ne passe plus !
Des dizaines de salariés de STMicroelectronics se sont rassemblés lundi 21 janvier devant l’usine de Crolles pour protester contre le refus de l’entreprise d’accorder la prime dite Macron. Ils étaient accompagnés de quelques gilets jaunes, eux aussi des salariés mobilisés pour leur pouvoir d’achat.
Et ils ont de quoi être en colère : les salaires en production dépassent à peine le SMIC et encore grâce aux primes d’équipe. Les cadences s’intensifient, les conditions de travail se dégradent et la direction ne fait pas de cadeaux à ceux qui, de ce fait, sont victimes de problèmes de santé ou de handicaps.
Avec 802 millions de bénéfices, auxquels s’ajoutent les millions perçus au titre du CICE et les subventions de la communauté de communes, de la région ou de l’Europe, ST et ses actionnaires sont loin d’être sur la paille. Alors, ce rassemblement a des chances d’être suivi par d’autres actions. En tout cas, les raisons en sont là.

mardi 22 janvier 2019

Selon la cour des comptes, le Parti Communiste est le 1er parti politique en France...

La Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques vient de publier au journal officiel les comptes des Partis Politiques au titre de l’exercice 2017. Et là, surprise, le PCF apparaît comme le premier parti de France.
La CNCCFP est la seule autorité légitime en matière de partis politiques.
Et la seule certitude en matière politique se résume par la question de Staline "Combien de divisions ?".  C'est justement la question à laquelle ne veut pas répondre la majorité des dirigeants de partis. Révéler le nombre de ses militants actifs, ce peut être avouer son obsolescence politique.
Les partis politiques doivent cependant tous déclarer leurs comptes. Tous ne le font pas comme par exemple la Droite Populaire de Thierry Mariani. En fait, sur les 523 formations politiques déclarées à la CNCCFP, seuls 404 ont déposé leurs comptes.
Or, ces comptes affichent le montant des cotisations des adhérents. C’est la preuve irréfutable de la représentativité d’un parti politique. C’est une mesure bien plus sûre que les sondages concoctés par des instituts aux méthodes statistiques plus que douteuses.
Et là, surprise, le Parti Communiste Français arrive en tête du classement :

cotisation-des-adherents-partis-politiques-francais-2017

C’est d’autant plus surprenant que ce classement ne correspond en rien avec la fréquence dans les médias des représentants de ces partis. Qui connaît seulement le nom du nouveau secrétaire général du Parti Communiste ?
A la gauche du PS, Mélenchon, et à un degré moindre Besancenot, se sont imposés. Pourtant la France Insoumise ne revendique en 2017 aucun adhérent. Et le Nouveau Parti Anticapitaliste déclare sept fois moins de cotisations adhérents que le Parti Communiste Français.
Mais l’omniprésence politique des médias d’information se réalise grâce aux idées de la droite de la droite. Le Rassemblement National, Debout la France voire la Droite Populaire de Thierry Mariani se taillent la part du lion. Pourtant Le parti de Marine Le Pen ne réalise même pas la moitié du montant affiché par le Parti Communiste Français. Le parti de Dupont-Aignan ne réalise même pas 5% du montant acquis par le PCF. La formation politique de Thierry Mariani, elle, ne publie même pas ses comptes. Et comme si ce n’était pas suffisant, même Philippot, dont le parti « Les Patriotes » révèle un niveau d’adhésion qui ne frise même pas les 2% du montant du PCF, arrive à se faire inviter régulièrement.
Avec le PCF, Lutte Ouvrière et l’Union Populaire de François Asselineau restent les principales victimes de ce traitement médiatique inique. Classés respectivement premier, cinquième et sixième, loin devant Europe Ecologie Les Verts ou le Modem, ils ne sont que rarement invités sur les plateaux de télévision.
Aujourd’hui, les Gilets Jaunes accaparent l’essentiel du temps de parole politique des chaînes d’information en continu. Et c’est justice car aucun parti politique français ne pourrait revendiquer autant de militants actifs et déterminés. Le nombre exact de ces militants est d’ailleurs compté par une autre autorité tout aussi légitime : le Ministère de l’Intérieur lui-même.
Certains politiques reprochent aux Gilets Jaunes de ne pas être représentatifs de l’ensemble des électeurs français. Pourtant si l’on devait faire la somme de tous les adhérents de tous les partis politiques représentés à l’assemblée Nationale et au Sénat, on devrait trouver un nombre assez proche du nombre de Gilets Jaunes donné par Castaner. Et ce sont bien ces partis qui imposent leurs idées politiques à l’ensemble des 47 millions d’électeurs français.
Il faut se rendre à l’évidence : Nous avons une bien piètre idée de la composition politique de l’électorat français. Cette méconnaissance s’explique par la non représentativité de son traitement médiatique. La priorité est donnée à celui qui parle le plus fort, et non à celui qui représente le plus d’électeurs.
Il est de bon ton de critiquer la représentativité des syndicats dans notre pays. La Direction de l’Animation et de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES) recensait pourtant 10,8% de salariés syndiqués en 2016.
Le nombre d’adhérents à des partis politiques est bien moindre. Il est fort peu probable que l’ensemble de tous les adhérents des 404 partis politiques représente plus de 10,8% des électeurs français. Pire, seuls deux partis ont fait la politique française depuis 50 ans. Le nombre combiné de leurs adhérents ne devrait même pas atteindre 1% du nombre de l’ensemble des électeurs. Cela n’empêche pas ces politiques de prétendre sans vergogne représenter les français.
Un peu d’humilité face à la rue siérait sans doute mieux à la réalité de leur représentativité.
Que fait le CSA ?
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel est le garant de l’équité du temps de parole et d’antenne. Dire qu’il n’a pas su convaincre les français à ce niveau-là relève de la litote.
Le simple fait que les membres de la commission soient nommés par ceux-là mêmes, qu'ils prétendent contrôler, n’ajoute pas à leur crédibilité.
Puisqu’il est question de repenser notre démocratie, le mode de nomination des autorités régulatrices devraient être la priorité. Ce n’est pourtant pas à l’ordre du jour.
Ce mois-ci, Emmanuel Macron va nommer le nouveau président du CSA pour remplacer Olivier Schrameck arrivé en fin de mandat. Ce dernier venait de convoquer les représentants des chaînes d’information à propos du traitement médiatique des Gilets Jaunes.
Petite fille du grand Pierre Brossolette, Sylvie Pierre-Brossolette a la charge de veiller au pluralisme au sein du CSA. Son mandat s’achève aussi ce mois-ci. Il revient au président de l’Assemblée Nationale de nommer son successeur.
Nommé par l’exécutif, il y a peu de chances que les nouveaux membres du CSA se montrent complaisants vis-à-vis de son opposition.
Les Gilets Jaunes l’ont déjà compris. Leur moyen de communication échappe à la mainmise du CSA. Méfiants à l'égard des médias traditionnels, ils s'expriment plus librement et plus efficacement via Internet et les réseaux sociaux. Ce sera donc l’objectif du nouveau président de réguler ces nouvelles plateformes numériques de la dissidence.
Compte tenu de l’enjeu, Emmanuel Macron et Richard Ferrand auraient tout intérêt à confier les rênes du CSA à des responsables plus jeunes et plus en phase avec la révolution numérique.
Ils seraient bien inspirés de prendre exemple sur le premier parti de France. Le parti communiste français vient en effet de nommer son nouveau secrétaire national. Plus jeune, plus au fait des rouages d’internet, Fabien Roussel avait créé le buzz en démontrant à un ministre médusé, bien que plus jeune que lui, la facilité à organiser l’évasion fiscale en créant une société offshore en quelques clics sur Google.