mercredi 28 mai 2025

Ambroise Croizat - un humanisme en héritage

« Ambroise Croizat, justice sociale et humanisme en héritage »*, tel est le titre de cet ouvrage écrit par le journaliste Emmanuel Defouloy, consacré au ministre communiste du Travail qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fut le ferment de la mise en œuvre de la « Sécu » créée en quelques mois par la loi entre 1945 et 1946.

Cette importante biographie du « ministre des Travailleurs » parait à point nommé à l’occasion du 80e anniversaire de la « Sécu ». Un ouvrage auquel a contribué Pierre Caillaud-Croizat, le petit fils du ministre, pour nous permettre de partager cet « héritage qui nous est commun » et mettre en valeur ces conquêtes sociales qui subsistent aujourd’hui en dépit des politiques néo libérales qui n’ont eu de cesse de les saper, notamment avec les réformes des retraites initiées par Emmanuel Macron, malgré une forte contestation unitaire.

La création de la Sécurité sociale, montre le livre, n’a été possible dans l’immédiate après-guerre que grâce à « un immense travail collectif et des décennies de conquêtes sociales ». Et surtout par la volonté du « ministre-syndicaliste » qu’est le savoyard Ambroise Croizat (1901-1951) d’imprimer sa marque. « Croizat va mettre tout son poids de ministre communiste. Et plus encore de dirigeant cégétiste. Toute son âme de syndicaliste. Tout son passé d’ouvrier », souligne l’auteur,  rappelant le poids décisif dans cette bataille de la CGT qui comptait alors 5 millions de syndiqués et l’apport d’un haut fonctionnaire « visionnaire », Pierre Laroque.

L’Humanité du 3 mai 1946 salue ainsi le travail  du ministre : « l’application de la loi Croizat placera la France au premier rang dans le domaine de la sécurité sociale » !

Rien pourtant ne prédestinait Croizat à devenir l’un des cinq ministres communistes au sein du gouvernement du général de Gaulle au lendemain de la Seconde Guerre et à accomplir une telle œuvre. En effet, le jeune Ambroise était ouvrier métallo après avoir quitté l’école à 13 ans. Très vite il se syndique à la CGT des Métaux et adhère au PCF après le congrès de Tours (1920). En 1928, il est secrétaire fédéral des Métaux de la CGTU. Parallèlement à son activité syndicale, il est élu député PCF du 14e arrondissement de Paris. Mais après la signature du « Pacte de non-agression » entre l’Allemagne nazie et l’URSS, le gouvernement d’Édouard Daladier trouve l’occasion d’ « engager une répression anti-communiste liberticide » contre le PCF et ses élus, comme l’écrit Croizat. Il sera arrêté le 9 octobre 1939 et croupira 3 ans et quatre mois en prison.

À la Libération, comme ministre communiste du Travail, il se consacre à « débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain (…) et les mettre légalement et pratiquement à l’abri des risques maladie, invalidité, vieillesse, etc. ».

À 50 ans, le 11 février 1951, épuisé par la maladie, il décède. Lors de ses obsèques « tout un peuple a conduit au tombeau Ambroise Croizat », titre l’Humanité du 19 février.

Et pourtant, pendant plusieurs décennies, le nom de Croizat sera ignoré voire oublié. Mais comme le relève l’auteur, aujourd’hui le nom du « Ministre des Travailleurs » revient en force à l’occasion des puissantes manifestations contre la réforme des retraites appelant de leurs vœux au retour de Croizat. Hommage de Pierre Caillaud-Croizat à son grand-père dans un discours le 7 octobre 2022 à Châteaubriant : pour lui, la Sécu restera comme un des « pôles de résistance » à la tutelle écrasante du capitalisme mondial.

Patrick Kamenka

* Ambroise Croizat, justice sociale et humanisme en héritage, la Sécu a 80 ans, par Emmanuel Defouloy. Éditions Geai Bleu. 12 euros.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire