vendredi 23 mai 2025

Chine-État-Unis : La trêve est-elle durable ?

À l’issue de deux jours de discussions à Genève les 10 et 11 mai, la Chine et les États-Unis ont annoncé une trêve de 90 jours, à compter du 14 mai, sur les surtaxes douanières réciproques.

Washington ramenant ses tarifs douaniers de 145 à 30 %, et Pékin de 125 à 10 %. Le résultat de la rencontre est assez spectaculaire compte tenu du climat de tension prévalant entre les deux pays et de l’escalade de la guerre tarifaire de ces dernières semaines : Trump voulant pousser la République populaire de Chine (RPC) à une capitulation commerciale.

Mais que faut-il cependant attendre de cette pause somme toute précaire et valable trois mois à l’issue desquels les sanctions bilatérales seront de nouveau mises en application, sauf accord d’ici là. Un « mécanisme » doit être mis en place pour « poursuivre les discussions sur les relations économiques et commerciales », informe le communiqué final qui insiste sur le haut niveau de représentation des négociateurs, laissant supposer une volonté commune de débloquer la situation : He Lifeng, vice-Premier ministre du Conseil des affaires d’État pour la partie chinoise, et côté étatsunien, Scott Bessent, secrétaire au Trésor, et Jamieson Greer, représentant américain au Commerce.

« Nous avons le cadre d’un accord très, très solide avec la Chine », a claironné Trump sur la chaîne de télévision Fox News. Tandis que le Quotidien du Peuple, organe du Parti communiste chinois, martelait que « les différends économiques et commerciaux devaient être réglés par un dialogue rationnel et respectueux »(…) « La coercition unilatérale ne résout pas les problèmes, elle ne fait qu’exacerber les tensions. »

Depuis avril, la guerre commerciale de Trump était entrée en dangereuse terre inconnue. Aux salves de la Maison-Blanche, Pékin ripostait coup pour coup, répétant sa détermination à « aller jusqu’au bout ». « Nous ne craignons pas les assauts injustes », avait lancé Xi Jinping le 11 avril. La RPC se prépare depuis plusieurs années à un choc crucial avec Washington dont la stratégie est de contenir la montée en puissance de cette « rivale ». Dès mars, elle avait massivement réduit ses avoirs en dette américaine en cédant près de 19 milliards de dollars de bons du Trésor américain.

La hausse de ses droits de douane s’était accompagnée d’une baisse significative d’achats des produits agricoles américains dont le soja, d’une restriction des exportations de certains métaux stratégiques, les terres rares lourdes, dont elle assure la majeure partie de l’extraction et la quasi-totalité du raffinage.

La décision le 16 avril de bloquer la livraison d’avions Boeing déjà commandés, ainsi que des pièces équipements aéronautiques et des pièces détachées, a non seulement ébranlé la firme américaine mais réellement sonné l’occupant du Bureau Ovale qui, selon son entourage, ne s’attendait pas à une telle capacité de résistance de la part de Pékin. Depuis, Trump avait laissé fuiter qu’une sensible baisse des droits de douane était envisageable, changeant radicalement de ton par rapport à ses déclarations du 9 avril, accusant la Chine de « piller » son pays.
Après la rencontre genevoise, les sujets de tensions demeurent nombreux. Néanmoins on relève des avancées : la Chine a levé l’interdiction qu’elle avait faite à ses compagnies aériennes d’accepter les Boeing, et l’administration américaine a annulé de nouvelles restrictions à l’exportation de semi-conducteurs utilisés pour le développement de l’intelligence artificielle (IA). Par ailleurs, Scott Bessent a affirmé que Washington excluait désormais le « découplage » avec la RPC, bien que l’on observe de part et d’autre une volonté de réorganiser leurs chaînes d’approvisionnement.

Un « Livre blanc » publié le 12 mai par le gouvernement chinois est explicite : « La Chine va transformer la pression en une impulsion et voir le défi américain comme une opportunité stratégique d’accélérer la construction d’un nouveau schéma sécuritaire. »

Cet épisode de la guerre commerciale va donc pousser Pékin  « à décupler ses efforts pour stimuler la demande intérieure et développer de nouveaux marchés ». C’est le message adressé au parterre de dirigeants de pays latino-américains réunis dans la capitale chinoise pour le Forum Chine-CELAC au lendemain même de l’accord négocié avec les Etats-Unis. La déclaration commune fait état d’un plan d’action pour les trois prochaines années, qui prévoit « l’approfondissement des liens économiques et commerciaux et la multiplication des échanges » avec l’ensemble du continent latino-américain, autrefois chasse gardée de la Maison-Blanche.

Article publié dans CommunisteS, numéro 1042 du 21 mai 2025.

 

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