mardi 22 juin 2010

Coupe du monde : Passion et marchandise

Le football des terrains poussiéreux des faubourgs africains, celui des enfants virtuoses partis pour trouver une place dans les clubs européens ruisselant d’or, peut désormais arborer ses lettres de noblesse : la mondialisation du ballon rond parachève son œuvre.

Durant un mois, une exceptionnelle com­munion tisse des liens invisibles des écrans plats aux transistors de brousse, des Cafés des sports aux stades sud-africains. Cet enthousiasme foot fait peur quand il prend la sombre figure des légions hooligans. 
Il fait craquer quand il se reflète dans les yeux des mômes et s’unit dans l’amour du beau jeu, du geste pur qui transcende soudain un joueur comme les autres.
Bien sûr, les requins croisent en nombre aux abords des stades. Marchands d’hom­mes, organisateurs de paris, multinationa­les en tous genres comptent sur le foot, en espèces sonnantes et trébuchantes. Il en produit de tels flots ! La morale et les per­sonnalités un peu faibles s’y noient. Les fonds de pension y font leur nid, des arè­nes perdent leur nom de baptême pour ne plus porter que des marques ; beaucoup, sinon tout, se vend et s’achète.
Cependant, ce sport a jusqu’alors évité le discrédit complet qui lui aurait fait perdre sa place de numéro un planétaire. Il s’est relevé des scandales et des drames parce qu’il incarne encore une passion popu­laire. L’insistance d’un Michel Platini à ne pas laisser la bride sur le cou aux gros capitaux et à préserver des règles d’éthi­que à l’échelle européenne y a sa part. Elle s’appuie sur le formidable réseau des bénévoles, des passionnés qui, ici et ail­leurs, forment les jeunes, arbitrent les matchs, dirigent les clubs amateurs. L’alchimie dont témoigne le film de Ken Loach, Looking for Eric, entre un buteur génial et des supporters, se reproduit sou­vent. C’est elle qui sauve le foot, méta­phore et miroir de la société.
Cette année, le pays hôte est un formida­ble symbole, celui du creuset brûlant où se mêlent les couleurs d’un peuple, celui d’une victoire contre la haine avec les mains tendues de Mandela, celui d’un pari sur l’avenir pour lequel on croise les doigts

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