Le navire Bouteflika prend l’eau de toutes parts. Les lâchages se multiplient, incluant les soutiens traditionnels les plus solides de la présidence algérienne. Dernier en date mercredi, le Front de libération nationale (FLN), le parti d’Abdelaziz Bouteflika, a affirmé soutenir le mouvement actuel de contestation et le «changement» qu’il réclame. Tout en prônant le «dialogue» initié par le chef de l’Etat pour sortir l’Algérie de la crise, Mouad Bouchareb, le patron du FLN, a souligné par ailleurs que le gouvernement «n’était pas entre les mains du parti», tentant de dissocier le régime de sa formation, ancien parti unique et au pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Le mouvement s’est accéléré ces derniers jours, surtout depuis le signal donné par le chef de l’armée lundi. Après avoir exprimé sa «confiance absolue en la sagesse du peuple», le général Ahmed Gaïd Salah a salué les «nobles objectifs» des manifestants. «A la lumière de cette conscience de la grandeur et de l’éminence de la patrie, de sa sécurité et de sa stabilité, je tiens à réitérer aujourd’hui mon engagement devant Allah, devant le peuple et devant l’histoire, pour que l’Armée nationale populaire demeure, conformément à ses missions, le rempart du peuple et de la nation dans toutes les conditions et les circonstances», a déclaré le général, qui est également vice-ministre de la Défense. Des propos qui ont clairement été reçus comme une prise de distance vis-à-vis de la présidence Bouteflika.
Outre le FLN, des défections sont enregistrées parmi les autres partis politiques, dits de «l’allégeance», qui ont soutenu la candidature du président handicapé à un cinquième mandat.

Un message présidentiel bientôt diffusé

Le Rassemblement national démocratique (RND), influente formation de la coalition gouvernementale et jusqu’ici soutien fidèle de Bouteflika, a dénoncé mercredi la décision du président de rester au pouvoir. Son chef, Seddik Chihab a qualifié la dernière candidature d'«énorme erreur». Le RND rejoint ainsi le camp des politiques, syndicalistes et hommes d’affaires qui ont décidé ces derniers jours de ne plus soutenir le chef de l’Etat.
Face à ces abandons, le pouvoir a tenté d’en appeler à ses soutiens internationaux. Le récemment nommé vice-Premier ministre Ramtane Lamamra s’est rendu à Rome, puis à Moscou et Berlin. Il a réaffirmé que le président Bouteflika ne cédera le pouvoir qu’après l’élection d’un nouveau président suite à la conférence nationale de consensus et l’élaboration d’une nouvelle constitution. Parmi les dernières cartouches également tirées par le régime, l’appel à certaines figures historiques algériennes respectées internationalement. Lakhdar Brahimi, 85 ans, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien haut représentant de l’ONU, est venu à Alger mettre en garde ses concitoyens contre un dérapage à l’irakienne. Tout en niant vouloir ainsi «faire peur» aux contestataires, «il faut avoir conscience des dangers qui existent : parler de l’Irak ou de la Syrie, ce n’est pas essayer de dire à la population ne bougez plus. […] On leur dit : avancez les yeux ouverts», a-t-il ajouté.
Malgré l’opacité qui entoure le cercle du pouvoir en Algérie, les signaux de détresse sont détectés par les Algériens. Selon le site d’information Algériepart, s’appuyant sur des «sources sûres» au palais présidentiel, «un message présidentiel devra être diffusé jeudi 21 mars, à savoir à la veille du vendredi 22 mars qui promet d’être une autre journée de grande mobilisation populaire». Dans cette lettre, Abdelaziz Bouteflika pourrait annoncer «son départ au lendemain du 28 avril prochain, date à laquelle son mandat présidentiel arrive à terme», avance Algériepart.