jeudi 30 mai 2019

Oui ou non, le projet de Montagne d’or est-il définitivement enterré ?

800 hectares en pleine forêt primaire d’Amazonie, 10 tonnes d’explosifs et de cyanure par jour, et l’équivalent en énergie de l’agglomération de Cayenne : voici une présentation rapide du projet de mine Montagne d’or en Guyane.
Depuis 2014, le Président Macron est un fervent partisan de ce projet. Mais les peuples autochtones, les ONG et 70% du peuple guyanais dans son ensemble y sont opposés.
À 15 jours du scrutin européen, et avant de recevoir le chef amérindien Raoni, le Président a changé son fusil d’épaule. Sûrement en raison des mobilisations contre ce projet, pour le climat, et notamment de la jeunesse. Il a déclaré que ce projet n’était « pas compatible avec une ambition écologique et en matière de biodiversité ».
Mais depuis, le flou persiste. Alors, quelle est la position officielle du gouvernement ? Celle du Premier Ministre, qui assure que c’est « en l’état » que le projet n’est pas acceptable, laissant penser que le projet pourrait se faire après une réforme du code minier en décembre, ou celle du Ministre de la Transition écologique et solidaire, qui dit que le projet ne se fera pas, comme l’a répété la porte-parole du gouvernement, acculée par de nombreuses questions sur un plateau de télévision dimanche soir ?
Si nous disons chiche pour une réforme du code minier, où l’inscription de l’interdiction du cyanure dans l’extraction minière doit être une priorité, la Montagne d’or n’est ni acceptable aujourd’hui « en l’état », ni demain avec ou sans réforme.
« Madame la ministre, nous attendons une réponse claire et sans langue de bois : oui ou non, le projet Montagne d’or est-il définitivement enterré ? » »

mercredi 29 mai 2019

IAN BROSSAT : « LA GAUCHE DOIT S’ASSUMER FIÈREMENT ET SE RASSEMBLER »

Ian Brossat fut l’une des révélations de la campagne, mais sa dynamique ne s’est pas concrétisée. Avec 2,49 % des voix, le PCF n’a plus d’eurodéputés. Entretien.
Votre campagne a été marquée par une belle dynamique, saluée unanimement, même chez vos adversaires politiques. Avec 2,49 %, elle ne s’est pas traduite dans les urnes. Comment analysez-vous ce score décevant ?
Ian Brossat Le surcroît de participation a bénéficié à l’extrême droite. C’est le résultat de la stratégie délibérée d’Emmanuel Macron. L’électorat de gauche était désorienté par les divisions et très volatil. Un quart des votants se sont finalement décidés dans l’isoloir. Nous avons eu du mal à apparaître dans la dernière semaine, où les grosses machines électorales étaient au contraire invitées sur tous les plateaux télé. Certes, en montrant de nouveaux visages au cœur de la gauche, nous avons gagné de nombreuses voix nouvelles, mais d’autres qui avaient fait confiance aux candidats locaux du PCF durant les législatives ont privilégié le vote utile pour ce scrutin national. Résultat, malgré une belle dynamique, nous sommes en dessous de nos objectifs.
Cela faisait quinze ans que le PCF n’était pas parti sous ses propres couleurs aux élections européennes. La marche des 5 % était-elle trop haute ?
Ian Brossat J’aurais tant voulu ramener une victoire. Mais il faut voir d’où l’on vient. Il est clair que les élections nationales sont plus difficiles pour nous que les élections locales, où le travail formidable de nos élus est reconnu. La marche des 5 % est profondément antidémocratique, elle était d’autant plus élevée pour les formations de gauche que la droite macroniste et l’extrême droite ont écrasé le débat politique. Pour autant, nous n’avons pas fait tout cela pour rien : désormais, le PCF a repris pied sur la scène nationale et a montré qu’il portait des idées utiles. Nous avons beaucoup appris lors de cette campagne. L’expérience sera très précieuse pour la suite.
En dépit de cette déception, pensez-vous avoir semé des graines pour l’avenir ?
Ian Brossat À l’évidence. Nous avons attiré la sympathie, l’intérêt. Beaucoup ont porté sur nous un regard neuf. Tous n’ont pas voté pour nous dimanche dernier, bon nombre d’entre eux ont hésité et ont au final choisi de porter leur voix sur une liste donnée à plus de 5 % dans les derniers sondages. Mais tout cela existe et ne peut pas être balayé d’un revers de main. Nous devons préserver en nous l’état d’esprit positif et l’énergie qui ont été les nôtres durant cette campagne.
L’ensemble des formations de gauche, excepté EELV, sortent très fragilisées de ce scrutin, avec un rapport de forces dangereusement favorable à la droite macroniste et au RN. Vous avez appelé dès hier soir à « reconstruire une gauche digne de ce nom en France ». Par quoi cela doit-il passer selon vous ?
Ian Brossat La gauche doit s’assumer fièrement et se rassembler. S’assumer fièrement : la gauche de demain doit placer au cœur de son projet la justice sociale et l’urgence écologique, et pour cela la rupture claire avec le libéralisme. Se rassembler car, sinon, le risque est grand de voir le scénario mortifère de la bipolarisation entre libéraux et fachos s’ancrer durablement dans notre pays. Pour y parvenir, les formations de gauche doivent se garder de toute tentation hégémonique, avoir la modestie de tendre la main encore plus qu’hier. J’ai l’intime conviction que l’avenir passe par l’humilité, le travail collectif et le respect mutuel. Écoutons-nous, respectons-nous, travaillons ensemble. Dans cette période politique trouble, n’oublions jamais que nous n’avons aucun adversaire à gauche. Préservons la bienveillance qui fut la nôtre, préservons cette envie sincère de tendre la main, de réussir le rassemblement demain.

mardi 28 mai 2019

MALGRÉ UNE BELLE CAMPAGNE, LE PCF N’ATTEINT PAS LES 3 %

Avec des estimations entre 2,3 % et 2,7 % des voix, la liste conduite par Ian Brossat, malgré des points marqués dans le débat public, n’obtiendra pas d’élus.
Avec des estimations donnant sa liste entre 2,3 % et 2,7 % des voix, le PCF devrait recueillir un score situé dans l’étiage que lui accordaient les sondages avant le scrutin. Malgré la campagne remarquée de sa liste « L’Europe des gens contre l’Europe de l’argent », conduite par Ian Brossat, la formation ne franchissait pas le seuil des 3 % qui donne droit au remboursement de ses frais, ni a fortiori celui des 5 % nécessaires pour obtenir des députés au Parlement européen. Les communistes n’y enverront ainsi aucun représentant pour la première fois depuis la création de cette élection en 1979. Avant de se présenter avec le Front de gauche pour les européennes en 2009 (6,48 %) et 2014 (6,61 %), le PCF avait recueilli 5,25 % des voix en 2004 (5,88 % avec la liste du Réunionnais Paul Vergès).
« En dépit de nos efforts, il arrive que la marche soit parfois trop haute pour être franchie du premier coup. Ce soir, nous n’atteignons pas encore nos objectifs », a réagi Ian Brossat à l’annonce des résultats. « Ces élus manqueront pour conduire les combats plus que jamais indispensables. Ce combat ne s’en poursuivra pas moins avec nos partenaires du Parti de la gauche européenne (PGE) et de la Gauche unitaire européenne (GUE), dans les luttes qu’il faudra mener contre le néolibéralisme et le nationalisme qui menace l’Europe et la France », a ajouté le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, reprochant à Emmanuel Macron d’avoir « offert à l’extrême droite un boulevard ».
Si les résultats ne lui permettent pas d’avoir des élus, la campagne du PCF, elle, a marqué les esprits. « C’est une belle campagne qui s’achève, après douze années d’absence à une élection nationale. C’est une campagne que nous avons voulue sincère, combative, fidèle aux combats et aux valeurs de la gauche », a salué la tête de liste. « Révélation » de ces européennes, pour de très nombreux observateurs, Ian Brossat a redonné, ces derniers mois, des couleurs à son parti et à ses militants, ravis de mener campagne sous leur drapeau. Dès l’annonce du nom de ses premiers colistiers – notamment de la numéro 2, Marie-Hélène Bourlard, ouvrière du textile pendant quarante-trois ans et figure du film Merci Patron ! –, le ton est donné : « Le monde du travail s’est emparé du micro », prévient l’élu parisien. « Sur notre liste, il y a des cols bleus, des blouses blanches, des robes noires, des stylos rouges, elle est à l’image de la société française. Au Parlement européen, sur 751 eurodéputés, il y a trois ouvriers. C’est dire si on est loin du compte », explique-t-il encore au moment de déposer les candidatures au ministère. Une idée martelée jusqu’au dernier meeting, à Martigues (Bouches-du-Rhône), où Hella Kherief, l’aide-soignante licenciée pour avoir témoigné dans Envoyé spécial, est l’invitée d’honneur.

De multiples initiatives «contre l’Europe du fric»

À l’issue de la campagne, selon une étude publiée par le Journal du dimanche, Ian Brossat est identifié comme le candidat ayant le plus parlé du social et de l’emploi. Il faut dire que, au fil des semaines, les initiatives se sont multipliées « contre l’Europe du fric », des maternités victimes de l’austérité au siège parisien de Google, où fleurissent les pancartes « Payez vos impôts en France », en passant par les bureaux d’Amazon envahis de colis aux messages explicites (« Des bracelets pour les fraudeurs fiscaux, pas pour les salariés »)… À chaque étape, une proposition « pour l’Europe des gens » à la clé, à l’instar de la « clause de non-régression sociale ». En parallèle, le comité de soutien, présidé par Lassana Bathily, le « héros de l’Hyper Cacher », s’étoffe de personnalités comme la comédienne Josiane Balasko, ou encore d’une liste de plus de 300 syndicalistes, tandis que les « punchlines » de Ian Brossat offrent à sa campagne un tournant médiatique dès le 4 avril et le premier débat sur France 2.
Les chausse-trapes ne disparaissent pas pour autant. Sur le plateau des Grandes Gueules, les poncifs anticommunistes sont à nouveau de sortie, avec un Daniel Riolo qui va jusqu’à accuser les communistes d’avoir collaboré avec les nazis. Dans la dernière semaine, France 2 se refusera, malgré deux chaises vides, à inviter le candidat du PCF en première partie de soirée, le reléguant avec ceux que la chaîne considère comme des « petits » candidats. Sur le terrain, en revanche, de mémoire de militant, la mobilisation est au plus haut niveau : « Il y a un climat que je n’ai pas vécu depuis longtemps », confie notamment Pascal, fin avril, lors d’un meeting à Rennes. « Red is the new green ! » lance aussi l’équipe de campagne, à la veille du meeting parisien de Japy, où Ian Brossat met l’accent sur l’environnement.

«Écoutons-nous, respectons-nous, travaillons ensemble»

Las, pour le PCF, l’argument du « vote rentable », défendu par les communistes en fin de campagne, n’aura pas décidé assez d’électeurs. « Le socle de voix obtenu est le point de départ d’une longue reconquête de notre électorat », s’est engagé, hier, le secrétaire national du PCF.
Dès mercredi dernier, en conclusion du débat de France 2, Ian Brossat pointait un deuxième défi, celui de la reconstruction de la gauche. « Ce soir, la gauche est affaiblie, tout est à reconstruire. J’ai l’intime conviction que l’avenir passe par l’humilité, le travail collectif, le respect mutuel, le refus de la tentation hégémonique. Écoutons-nous, respectons-nous, travaillons ensemble », a-t-il invité hier soir. Et Fabien Roussel d’insister dans la foulée : « Il convient maintenant de travailler au rassemblement. C’est le sens de l’appel solennel que nous lançons ce soir à l’ensemble des forces de gauche et à tous nos concitoyens, orphelins d’une vraie politique de gauche. » Avec le rapport de forces dessiné par ces élections, il y a urgence.

lundi 27 mai 2019

Des centaines de « pisseurs volontaires » partent en campagne contre l’empoisonnement au glyphosate


Une soixantaine d’habitants de l’Hérault ont fait analyser leurs urines, pour y détecter la présence de glyphosate, ce pesticide à la dangerosité reconnue. Résultat : toutes et tous en sont positifs, à des taux variables. Ils ont décidé de porter plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui, tromperie et atteintes à l’environnement », visant industriels et autorités. En France, 500 personnes ont déjà porté plainte, et pourraient être rejointes par d’autres. De quoi faire avancer le débat public, et enfin interdire la substance ? Reportage.

dimanche 26 mai 2019

EUROPÉENNES. SIX RAISONS DE NE PAS SE LAISSER VOLER L’ÉLECTION

C’est « l’élection européenne la plus importante depuis 1979 », serine à l’envi Emmanuel Macron. Si elle l’est, ce n’est pas seulement pour les raisons qu’il donne – lui ou le chaos –, mais parce que l’occasion est unique de réorienter une Union européenne que l’austérité néolibérale a menée à l’impasse.
D’ici à dimanche, 427 millions de personnes sont appelées aux urnes pour renouveler leurs représentants au Parlement européen. Une élection qui intéresse peu, mais qui aura pourtant des conséquences concrètes sur la vie quotidienne. En France, plus d’un électeur sur deux qui compte se déplacer entend « sanctionner » Emmanuel Macron. Le chef de l’État, affaibli depuis novembre et la traduction par les gilets jaunes de la crise sociale qui couve, veut éviter que ce scrutin ne se transforme en référendum et ne compromette ainsi la fin de son quinquennat. D’où l’énergie déployée par l’exécutif pour tenter de réduire cette élection à une opposition entre nationalistes et « progressistes », usurpant passablement le vocable, mais jouant d’un danger bien réel, avec une poussée de l’extrême droite redoutée dimanche dans nombre de pays. L’enjeu pourtant dépasse ce clivage artificiel, qui évacue les urgences sociales et les alternatives au néolibéralisme, qui a pourtant conduit l’Europe dans l’impasse. L’UE s’invite dans nos assiettes, conditionne nos emplois, pèse sur notre avenir. À l’heure de se prononcer, l’Humanité décline les enjeux de ce scrutin.

Tournant - Redonner des couleurs à l’Europe sociale

L’Union européenne est au pied du mur. L’impasse des politiques néolibérales, du dogme de la concurrence et de l’austérité, incapables de répondre aux aspirations sociales, démocratiques et écologiques, explique le désamour des peuples européens à l’égard d’institutions soumises aux lobbies et intérêts des multinationales. L’affaiblissement des souverainetés populaires a encouragé la fièvre nationaliste et raciste. Mais cette situation est loin d’être une fatalité. À Strasbourg, chaque voix comptera. Lors du précédent mandat, les directives de libéralisation du rail sont passées à 22 voix près. Or, la future Assemblée aura à se prononcer sur des dossiers cruciaux, notamment un nouvel accord commercial avec les États-Unis, une sorte de traité transatlantique bis. De même, Emmanuel Macron et d’autres responsables nationaux entendent renforcer l’Europe de la défense, à savoir organiser un pilier européen d’une Otan sous domination américaine. Si rien n’est fait, cette législature pourrait être celle d’une nouvelle étape de vassalisation de l’Europe envers Washington. Mais l’heure est aussi à tourner la page des politiques d’austérité. Sur fond d’affaiblissement des deux poids lourds du Parlement, le Parti populaire européen (PPE, conservateur) et les socialistes et démocrates, la majorité austéritaire du Parlement pourrait pourtant se renforcer avec l’apport des centristes et des macroniens de l’Alliance des démocrates et libéraux en Europe (Alde), voire des Verts.

Colère sociale - Des ronds-points aux bulletins

L’abstention pourrait atteindre, dimanche, un nouveau record, notamment chez les classes populaires. Les 1 % les plus riches, eux, n’oublieront pas d’aller voter. Si les mobilisations des gilets jaunes ont permis l’irruption de la colère sociale dans le débat public, elle doit pouvoir se traduire dans les urnes, sous peine de laisser les mains libres aux libéraux. Les macronistes ont bien tenté la récupération, mais leurs listes « gilets jaunes » – une première tentative avec Jacline Mouraud, puis une deuxième avec Ingrid Levavasseur – ont capoté. Résultat : les GJ, divisés, sont présents sur plusieurs listes. De gauche, ce qui se comprend au vu de leurs revendications (sur le rétablissement de l’ISF, la hausse du Smic, le conditionnement voire l’arrêt du crédit d’impôt compétitivité-emploi, etc.), mais de droite extrême ou d’extrême droite aussi. Marine Le Pen a eu beau jeu de leur lancer cet appel, depuis Villeblevin (Yonne), le 21 mai : « Le moyen pacifique et démocratique de pouvoir obtenir quelque chose (...), c’est d’aller voter pour la seule liste capable de battre celle d’Emmanuel Macron, celle du Rassemblement national ! » En se positionnant favorablement uniquement sur le référendum d’initiative populaire (qu’il entend manipuler sur la question migratoire), le parti d’extrême droite se relooke à peu de frais en « working class hero », en évacuant totalement le volet social – qui l’emporte sur les autres attentes – du mouvement. Car, il faut mettre en parallèle les revendications portées sur les ronds-points et le refus de Marine Le Pen d’y accéder pour se rendre compte de l’arnaque. Si certaines figures du mouvement ont appelé fort justement à « battre Macron » dans les urnes à cause de sa politique antisociale, ceux qui n’ont pas fixé leur choix feraient bien de relire les programmes pour ne pas faire pire que mieux en glissant un bulletin contraire à leurs attentes dans l’urne dimanche.

Extrême droite- Pas de carte blanche à Le Pen et ses alliés

« Si on veut voter contre Macron, le vote utile, désormais, c’est le vote Rassemblement national ! » proclamait tranquillement l’animateur Olivier Truchot, la semaine dernière, sur BFMTV. Il faut dire que journalistes et sondeurs se sont démenés pour surjouer le duel progressistes-nationalistes imaginé par le RN d’une part, LaREM d’autre part, emmenant le parti d’extrême droite à marquer des points, notamment sur l’immigration. À l’issue du débat sur LCI, le 20 mai, le directeur opinions de Harris Interactive, Jean-Daniel Lévy, osait dire qu’un point distingue le RN des autres formations politiques : « Quand Marine Le Pen ou les représentants du RN parlent, on les comprend. » Un exemple ? « Nous avons en France 10 millions de pauvres, 6 millions de chômeurs et un Français sur trois qui n’arrive plus à se soigner correctement. (…) Nous assumons d’être élus par les nôtres et de faire de la politique pour les nôtres d’abord », a déclaré la tête de liste RN, Jordan Bardella, au meeting de Villeblevin. On voit la cible se dessiner. Mais quand on sait qu’en 2015, au pic de la crise de l’accueil, les migrants représentaient 0,2 % de la population européenne globale, on a du mal à « comprendre » comment ceux qui parlent sur les plateaux télé d’un FN « new look » n’entendent pas le Front national des années 1980, et son « Les Français d’abord ». Un slogan d’ailleurs décliné dans plusieurs pays, où l’extrême droite pourrait parvenir en tête du scrutin et constituer un groupe influent autour du Rassemblement national et de la Ligue du ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini. Certains partis dits de la droite traditionnelle comme le Fidesz hongrois ou les conservateurs autrichiens de l’ÖVP pourraient leur tendre la main pour mener en Europe une politique toujours moins solidaire et toujours plus anti-migrants.

Quinquennat - Mettre un Carton rouge à Emmanuel Macron

En s’impliquant personnellement dans la bataille, Emmanuel Macron en a fait un référendum pour ou contre lui. De fait, le scrutin de dimanche peut permettre aux citoyens de sanctionner sa politique. D’autant que le président pense que la crise sociale, mise en lumière par les gilets jaunes, est derrière lui. Au point de décréter qu’ils n’ont « plus de débouché politique ». À l’inverse, le chef de l’État estime ne pas avoir à « rougir de son bilan » dans son interview à la presse régionale, mardi. « Le pouvoir d’achat n’a jamais augmenté de cette manière depuis douze ans, (…) les emplois industriels sont recréés » (en fait, 8 000 créés depuis 2016), a-t-il égrené, loin de la réalité sociale du pays. « Le chômage est au plus bas depuis dix ans », avance-t-il également. Il a juste retrouvé son niveau de 2009, à peine sous les 9 %. On est loin encore de l’objectif de 7 % qu’il s’était fixé pour la fin de son mandat. Le 26 mai, selon le score de la majorité et du rapport de forces à gauche, l’occasion est donnée aux électeurs de peser sur la fin d’un quinquennat, dont les deux premières années ont été marquées par une violence inouïe envers les classes populaires.

Écologie - Feu vert pour une préoccupation grandissante

Portée de façon inédite dans le cadre d’élections européennes, l’écologie aura été une thématique phare de cette campagne. Pas une liste qui la snobe – quitte, pour certaines, à opter pour un « greenwashing » ostentatoire. Reste que, en la matière, l’Union a de nombreuses cartes à jouer, et son Parlement les moyens de peser sur les décisions. Son vote unanime, en 2018, contre la pêche électrique, technologie mortifère au service de la surpêche, en est un exemple éloquent. Non seulement les députés ont, sous impulsion de la GUE et d’EELV, pris à contre-pied un projet de la Commission, mais ils l’ont acculée à aller dans leur sens : un an plus tard, celle-ci validait l’interdiction. Leur rôle sera tout aussi déterminant lors du prochain mandat. Redéfinition des objectifs de réduction de gaz à effet de serre pour les rendre cohérents avec l’accord de Paris, réorientation de la politique agricole commune… l’agenda écologique sera chargé. En matière de climat, singulièrement, des décisions structurelles sont en jeu. Elles porteront, entre autres, sur le ciblage des financements accordés aux entreprises par la BCE, laquelle continue de financer à hauteur de 112 milliards d’euros par an les secteurs les plus polluants, ou sur le soutien aux pays membres dépendants du charbon, afin qu’ils puissent rapidement opérer une transition énergétique socialement soutenable.

Vie quotidienne - l’UE s’occupe de vous, occupez-vous d’elle

Paradoxe, l’élection européenne mobilise traditionnellement peu en France, considérée comme une élection intermédiaire entre deux présidentielles. L’Union s’invite pourtant dans le quotidien des Français : quand une loi n’est pas la transposition en droit français d’une directive européenne, elle est inspirée d’injonctions suscitées à Bruxelles… Le « semestre européen » est ainsi une procédure méconnue de surveillance des politiques structurelles, sociales, budgétaires et macroéconomiques des États membres de l’UE, qui règle le calendrier européen comme du papier à musique. Par des recommandations spécifiques aux États, la Commission et le Conseil européens les poussent à aller toujours plus loin dans la dérégulation sociale. Y sont examinés tous les « obstacles au commerce », ce qui inclut les différences de réglementation qui nous protègent sur les plans sanitaire, social et environnemental. Un exemple : l’importation de saumon transgénique, autorisée au Canada, est interdite en Europe. Mais il n’y a pas d’obligation d’étiquetage du saumon OGM au Canada, lequel pourra, avec l’accord UE-Canada, qui, en supprimant les droits de douane, rend le saumon canadien attractif, se retrouver dans votre assiette, sans que vous le sachiez.

samedi 25 mai 2019

Nouvelle manifestation du PCF devant la CPAM de Fontaine

Une nouvelle fois, la section iséroise du Parti communiste a lancé un appel à manifester devant la Caisse primaire d’assurance maladie de la Rive gauche, basée à Fontaine, ce jeudi 23 mai. Une première manifestation en janvier puis une deuxième (au siège de la CPAM de Grenoble) en mars avaient pour but d’éviter la fermeture de l’agence fontainoise.

En mars, le PCF avait remis à la CPAM une pétition comprenant 1 750 signatures. La directrice de la CPAM Isère avait alors fait une proposition : que la Ville héberge gratuitement un local gérant les fluides, l’agence deviendrait alors un point d’accueil de proximité ouvert deux jours par semaine, sept heures par jour.

vendredi 24 mai 2019

L’antenne Grésivaudan du Parti communiste alerte sur les fermetures de bureaux de la CPAM

Mardi, les membres de la section Grésivaudan du Parti communiste français (PCF) se sont donné rendez-vous devant le bâtiment de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Froges. En présence de Jérémie Giono, secrétaire départemental du parti, ils ont dénoncé les projets de réduction de moitié des horaires d’ouverture ou de fermeture de plusieurs bureaux dans le but d’orienter le public vers le tout numérique.
À court terme, les agences de Fontaine et de Rives sont menacées de fermeture, et les agences de Vizille, Froges, Morestel, Bourgoin, Saint-Marcellin, Pont-de-Chéruy et Roussillon verront leurs horaires d’ouverture divisés par deux.

jeudi 23 mai 2019

DL Le PCF se mobilise pour « sauver la Sécu »

Une semaine après une “opération tractage” sur le marché de la ville, une dizaine de militants du Parti communiste français (PCF) ont pris position, ce mardi matin 21 mai, devant l’agence de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Rives. Leur objectif ? Ni plus ni moins que « sauver la Sécu ».
Daniel Dudzik, propulsé porte-parole par ses camarades, explique : « Des sources syndicales internes à la CPAM nous ont fait remonter des courriers parlant d’un projet de fermeture de l’agence de Rives. » Mais pas seulement puisque selon le PCF, le site de Fontaine devrait également baisser le rideau tandis que les agences de Vizille, Froges, Morestel, Bourgoin-Jallieu, Saint-Marcellin, Pont-de-Chéruy et Roussillon pourraient, elles, être amenées à réduire leurs horaires d’ouverture.

mercredi 22 mai 2019

Mobilisation pour défendre les antennes CPAM de proximité !


Mobilisation pour défendre les antennes CPAM de proximité !
Rives, Froges, Bourgoin, Vizille, Fontaine... cette semaine, les communistes sont présents devant l'ensemble des antennes menacées : c'est une mobilisation départementale qui démarre, avec des centaines de pétitions signées !
Pour défendre nos services publics :
➡️ On se mobilise dans la rue, dans les villes et villages !
➡️ Dimanche, on vote Ian Brossat !

mardi 21 mai 2019

INDUSTRIE. UN PROJET DE SCOP POUR ARJOWIGGINS SECURITY

Trois syndicalistes CGT et un cadre du fabricant de papier fiduciaire et sécurisé ont déposé une offre de reprise.
Quatre mois après le placement brutal de leur usine en liquidation judiciaire, les Arjo de Jouy-sur-Morin (Seine-et-Marne) ne s’avouent pas vaincus. Le 3 mai, quatre d’entre eux – trois syndicalistes CGT et un cadre – ont déposé une nouvelle offre de reprise au tribunal de commerce pour faire renaître l’entreprise de fabrication de papier bancaire et fiduciaire sous forme de société coopérative (Scop). Les porteurs du projet devraient inviter ces prochains jours l’ensemble des ex-salariés à se joindre à eux pour donner corps à cette option. Reposant sur un modèle de production de papier écologique à base de chanvre destiné au papier fiduciaire et de sécurité, mais aussi d’art et de décoration, ce projet vise à réembaucher 120 des 200 salariés licenciés de l’usine au démarrage. Si la démarche industrielle, sociale et écoresponsable derrière ce projet semble convaincante, le plan de financement n’est lui pas encore totalement bouclé. « Outre la part qui viendrait des indemnités de licenciement et de la prime de Pôle emploi pour reprise d’entreprise, nous attendons un retour de l’union régionale des Scop (Urscop) qui pourrait nous aider à trouver des partenaires financiers intéressés par un investissement écologique », explique Patrice Schaafs, délégué CGT partie prenante de l’initiative. « Ce projet s’inscrit dans une vision de transition énergétique dont le président Macron ne cesse de parler », relève-t-il, espérant que les incantations environnementales de l’exécutif se traduiront en actes. Le collectif de salariés à l’initiative de ce plan demandent notamment le soutien de la Banque publique d’investissement, de la Banque de France et du Ciri (Comité interministériel de restructuration industrielle). Reste à savoir si cette offre emportera les faveurs du tribunal de commerce, face à un projet concurrent formulé par d’autres ex-salariés. « Le liquidateur doit transmettre cette offre au juge-commissaire, qui devrait normalement l’examiner sous un mois », précise Patrice Schaafs.
En attendant, les relations entre la CGT et le liquidateur judiciaire ne sont pas au beau fixe. Le 6 mai, celui-ci a assigné en référé Patrice Schaafs et un autre ancien salarié du site pour entrave à la procédure de liquidation. « Tout ça parce qu’on occupe l’entrée de l’usine ; on empêcherait le déroulement de certaines opérations, mais c’est faux : les inventaires, recensement, dépollution se sont faits. Aucune entreprise qui devait intervenir n’a été empêchée de le faire », assure le délégué CGT. Les deux ex-salariés d’Arjowiggins Security comparaîtront aujourd’hui devant le TGI de Meaux. Dans un communiqué de presse, le député communiste du Nord, Fabien Roussel, a appelé l’État à se mobiliser pour soutenir l’ensemble des sites Arjowiggins, dont Arjowiggins Security, et plus globalement la filière papetière hexagonale.


lundi 20 mai 2019

L’ « école de la confiance » de Blanquer veut recruter encore plus d’enseignants précaires et sous-payés

Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer assure que sa loi dite « pour une école de la confiance » est « au service de l’élévation du niveau général et de la justice sociale ». Il prévoit, pourtant, de faciliter encore l’embauche de contractuels précaires, qui représentent déjà 20% de l’effectif total des enseignants. Payés au rabais, sans formation spécifique, les contractuels sont de plus en plus nombreux, notamment dans les académies de Créteil, de Versailles et de Lille. Les syndicats enseignants dénoncent une précarisation de leur métier, et un risque d’enseignement au rabais.
Et si on confiait des classes, de la maternelle jusqu’au lycée, aux assistants d’éducation, plus couramment appelés « pions » ? L’idée est avancée dans le projet de loi de Jean-Michel Blanquer, dit « pour une école de la confiance ». Pour le moment, les assistants d’éducation – souvent des étudiants qui financent ainsi leurs études – surveillent et encadrent les élèves dans les collèges et lycées quand ils ne sont pas en classe : études et permanences, réfectoire, cours de récréation, internat le cas échéant.
La loi Blanquer a pour le moment été adoptée par les députés en première lecture, et doit être examinée au Sénat mi-mai. Si elle est définitivement adoptée, les missions des assistants d’éducation pourraient évoluer. Ils se verraient peu à peu confier des fonctions d’enseignement dès leur deuxième année de licence, à condition de préparer les concours de professeur des écoles, de collège ou de lycée. Salaire envisagé : de 693 à 980 euros par mois, selon Jean-Michel Blanquer lors d’un débat à l’Assemblée. Il n’a pas précisé s’il s’agissait d’un salaire net ou brut.

Vers l’apparition d’un statut, précaire, de « sous-professeur » ?

« On leur promet que ce sera un tremplin possible vers la formation d’enseignant, mais préparer sa classe, en début de carrière, prend énormément de temps, rappelle Céline, enseignante depuis quinze ans dans une école primaire en milieu rural. Il sera impossible pour ces jeunes de continuer à suivre leurs études, et de préparer les concours. En plus, ils vont arriver devant des classes sans avoir reçu la moindre notion de pédagogie. Comment vont-ils faire ? » Lors des débats en commission à l’Assemblée nationale, la rapporteure du projet de loi Fannette Charvier (députée LREM du Doubs) a précisé qu’il ne s’agissait pas, « bien entendu », de confier des classes à des étudiants en deuxième année de licence car « les missions d’enseignement ne se résument pas à l’enseignement dispensé devant une classe complète ».
« En première année, il s’agira de missions de surveillance assez classiques, voire de participation à « Devoirs faits », puis, en L3, il y aura davantage de co-interventions avec les professeurs. Ce n’est qu’en M1 (en cours de quatrième année d’études, ndlr)que l’on peut envisager de les placer dans des situations de responsabilisation », a assuré le ministre Jean-Michel Blanquer. Mais les syndicats enseignants ne croient pas une minute à cette distinction des diverses missions d’enseignement. Ils craignent une précarisation du personnel de l’éducation nationale, avec l’apparition d’un statut de « sous-professeur ».

Chaque année, il manque plusieurs centaines d’enseignants

« Cela n’a rien à voir avec un véritable pré‐recrutement »proteste le syndicat Force ouvrière, annonçant « un vivier de contractuels précaires qui seraient exposés au licenciement jusqu’à leur titularisation. » Pour le Snuipp-FSU, cette proposition vise en réalité « à pallier à coût réduit les difficultés de recrutement et de remplacement ». La députée Fannette Charvier concède que l’article 14 du projet de loi vise à pallier les difficultés de recrutement : « Il constitue l’un des volets de l’action que nous menons pour renforcer l’attractivité du métier d’enseignant et susciter davantage de vocations », a-t-elle dit lors des débats en commission.
Car l’Éducation nationale peine à recruter. En 2018, il manquait 586 enseignants pour les écoles primaires des académies de Créteil et Versailles (et 599 en 2017). Pour combler le manque d’enseignants dans ces deux académies, le ministère a été obligé d’ouvrir de nouveaux postes en programmant un second concours. Image dégradée du métier, manque de choix dans les affectations, salaire jugé trop faible … cette crise de la vocation s’étend au secondaire [1]. En septembre 2018, il manquait 103 professeurs de français, 115 professeurs de mathématiques et 124 professeurs d’Allemand [2].

dimanche 19 mai 2019

Les occupations d’écoles se multiplient : « Il n’y a pas de raison que les enseignants soient seuls à monter au front »


Les vacances scolaires n’ont pas eu raison de la mobilisation contre la loi Blanquer. La grève nationale de la fonction publique du 9 mai a été suivie par plus d’un enseignant sur cinq. De leur côté, les parents continuent la lutte, aux quatre coins du pays, pour dire leur attachement à une école publique, proche des élèves et des parents, favorisant l’égalité. Dans l’ouest de la France, plusieurs occupations d’écoles ont été organisées fin avril. Reportage à Saint-Joachim, petite commune de Loire-Atlantique.

samedi 18 mai 2019

LE PARTI DE MARINE LE PEN VOTE À BRUXELLES LE CONTRAIRE DE CE QU’IL PRÔNE À PARIS

Soutien aux multinationales, désintérêt pour l’écologie, mépris pour les travailleurs… nous avons passé au crible le bilan des eurodéputés du Rassemblement national : un démenti cinglant de leurs promesses de campagne.
«On arrive ! » C’est le slogan belliqueux choisi par le parti de Marine Le Pen pour les élections européennes. Pourtant, avec 24 eurodéputés élus en 2014, le Front national (désormais Rassemblement national) était déjà la première délégation française au Parlement européen. Alors qu’ont-ils fait de leur mandat ? La liste menée par Jordan Bardella, donnée en tête dans les sondages, se pique de vouloir renverser la table face à une Union européenne qui « n’est plus qu’un cimetière de promesses trahies », affirme Marine Le Pen. En la matière, elle sait de quoi elle parle, tant l’exercice du pouvoir de son parti a systématiquement démenti ses promesses électoralistes. Si elle se targue de défendre les intérêts des classes populaires, son action à Strasbourg raconte une tout autre histoire et révèle l’incroyable imposture idéologique d’un parti qui prétend protéger les plus faibles.
En octobre 2015, alors qu’un enfant européen sur quatre est aujourd’hui menacé de pauvreté ou d’exclusion sociale, le rapport Zuber rappelle les États à leurs responsabilités en matière d’accès à des services publics de qualité et préconise de renforcer « l’efficacité, la quantité, les montants et la portée des aides sociales destinées spécifiquement aux enfants, mais également aux parents chômeurs ou aux travailleurs pauvres, comme les allocations-chômage et un revenu minimal adéquat ». Que votent les eurodéputés FN ? « Contre… » Le cas de la protection des lanceurs d’alerte est également symptomatique. « Ce sont des personnes courageuses qui révèlent des agissements illégaux ou contraires à l’intérêt général », affirme le parti d’extrême droite. Pourtant, le 24 octobre 2017, les eurodéputés FN s’opposent au rapport de Virginie Rozière, qui vise à protéger les lanceurs d’alerte. Pire, le 13 avril 2016, ils s’allient au PS et à LR pour voter en faveur de la directive « Secret des affaires », une bombe contre les lanceurs d’alerte et le droit d’informer, au profit des lobbies industriels et des multinationales.

Quand le Rassemblement national se couche devant les multinationales

Sur la lutte contre l’évasion fiscale, le Rassemblement national n’a pas non plus brillé par sa combativité. Le 16 décembre 2015, après le scandale des LuxLeaks, une résolution est adoptée « en vue de favoriser la transparence, la coordination et la convergence des politiques en matière d’impôt sur les sociétés au sein de l’Union ». Les eurodéputés FN s’abstiennent… sans avoir porté le fer dans la bataille d’amendements pour donner plus de portée au texte. Idem sur la désindustrialisation. En 2016, l’annonce de la fermeture des usines Caterpillar en Belgique et Alstom à Belfort avait suscité le vote d’une résolution pour des solutions de lutte contre la désindustrialisation. À l’exception de Florian Philippot, tous les élus FN avaient voté contre.
Même fiasco sur les accords de libre-échange, pourtant en contradiction totale avec le concept de « localisme » rabâché par la tête de liste Jordan Bardella. Au printemps 2015, Marine Le Pen se présente comme la principale opposante au Tafta, affirmant qu’elle sera « la force motrice du débat public ». Pourtant, dix jours plus tard, lors d’un vote stratégique entérinant des mécanismes d’arbitrage qui instituent une justice privée à la solde des multinationales, la dirigeante d’extrême droite est aux abonnés absents. Même double discours en 2017, au sujet du fameux Ceta, l’accord de commerce entre l’Europe et le Canada. Si Marine Le Pen consent cette fois à se déplacer pour s’y opposer en plénière sous l’œil des caméras, elle ne mènera aucune bataille au sein de la commission Commerce international, dont elle est pourtant membre. En 2015, le Dieselgate, scandale industriel et sanitaire lié aux fraudes du groupe Volkswagen, fait l’effet d’une bombe. Le Parlement décide alors de lancer une commission d’enquête. Là encore, les élus FN s’y opposent. Pas touche aux intérêts de l’industrie automobile !
Interdiction de la pêche électrique, de l’épandage de pesticides nocifs ou encore des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles… les eurodéputés FN ont toujours voté contre, en dépit de leur volonté affichée de repeindre en vert leur projet politique. Sur le glyphosate, alors que Marine Le Pen s’est publiquement prononcée contre son utilisation en janvier dernier, aucun eurodéputé de son parti n’a voté en faveur de l’amendement qui proposait d’interdire immédiatement « la production, la vente et l’usage du glyphosate ». Quant aux droits des femmes, là aussi, l’imposture du RN se révèle au grand jour. Qu’il s’agisse du congé maternité à 20 semaines partout dans l’UE ou de l’égalité salariale, ses eurodéputés ont voté contre tous les rapports présentés depuis 2014 renforçant les droits des femmes.
Le RN a aussi été rattrapé par ses incessantes guerres intestines. Entre exclusions et départs tonitruants chez les concurrents, en cinq ans, ses effectifs ont fondu de 24 à 15 élus. « La postérité vous maudira ! » lançait Jean-Marie Le Pen, il y a un mois, pour sa dernière intervention à Strasbourg, après 35 années passées à siéger au Parlement. Le bilan de son parti politique en faveur des peuples européens ne passera pas non plus à la postérité.

vendredi 17 mai 2019

LE SALON DE L’ÉVASION FISCALE S’OUVRE À MONACO

Après Cannes, le grand « speed dating » entre millionnaires et paradis fiscaux s’établit pour deux jours à Monaco. Bien que bloqués à la frontière de la principauté, des militants d’Attac, politiques et des gilets jaunes, manifestent contre la tenue du salon.

Une nouvelle édition du Salon de l’émigration et de la propriété de luxe (Ielpe) ouvre ses portes ce jeudi. Après avoir séjourné au palace Martinez de Cannes en novembre dernier, le Ielpe pose pour deux jours ses luxueuses valises au Yacht Club et à l’Hôtel de Paris-Monte-Carlo, de Monaco. « Le coup de projecteur qu’on a mis à Cannes a créé un effet Dracula, c'est lorsqu’on met un phénomène en lumière et qu’il devient intolérable, alors ils ont décidé de faire cette nouvelle édition plus discrètement, à Monaco, » explique Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac France. Si le salon, à 1000 euros l’entrée, se tient à l’écart du grand public et a enlevé pudiquement le mot « émigration » de son intitulé, il a conservé tout son potentiel indécent. Au programme notamment, un spectacle en hélicoptère, un défilé Versace, des dégustations de cigares et de champagne… Tout cela entre deux transactions. Le principe du salon ? Vendre des permis de séjour (Golden Visas dans le jargon), voire des passeports à des ultra-riches des pays de l’Est, de Chine, du Moyen-Orient et d’Inde. Des paradis fiscaux notoires comme des îles des Caraïbes, Singapour mais aussi Malte, le Portugal ou Chypre, mettent en avant leurs avantages fiscaux, leur climat et leurs propriétés de luxe pour attirer ces milliardaires.

« On attendait les Balkany, mais ils sont retenus ailleurs je crois »

On y trouve aussi des vendeurs de bateaux de luxe ou d’immobilier. « A Monaco, il y a une spécialité : il n’y a aucun accord de transparence avec la Russie, c’est donc vraiment l’idéal pour leurs milliardaires, qui y vienne blanchir de l’argent et acheter des propriétés. Et aussi le club de foot, explique Franck Gaye, militant d’Attac et coorganisateur du rassemblement à la frontière monégasque pour dénoncer la tenue du salon et l’évasion fiscale. « On attendait les Balkany, pour bénéficier de leur réelle expertise en matière de propriété de luxe et d’évitement fiscale, mais ils sont retenus ailleurs je crois » rigole le militant d’Attac. D’autres associations comme le MRAP, mais aussi des syndicats (CGT, FSU et Solidaires) et des partis politiques (PCF, Ensemble et la France Insoumise) se sont joint à l’appel à manifester. Mais aussi des gilets jaunes. « Ils sont même à la genèse, raconte Raphaël Pradeau. Lors de la conférence de presse devant l’hôpital où était alitée Geneviève Legay [militante d’Attac de 73 ans blessée par la police le 23 mars à Nice ndlr.], des gilets jaunes sont venus nous voir pour participer à des actions contre l’évasion fiscale avec nous. Je me suis souvenu du salon. En plus c’est un beau clin d’œil, car c’est aujourd’hui aussi que Geneviève sort de l’hôpital ! ». Elle a regretté de ne pouvoir manifester contre le salon, mais elle est trop fatiguée, indique l’association.  
« D’un côté de la frontière, il y a ceux qui n’ont comme richesse que le service public, face à ceux qui les cassent par l’évasion fiscale »
Problème, les autorités locales ne laissent pas les manifestants rentrer à Monaco. Le rassemblement a donc lieu à la frontière avec la principauté, avenue Marquet à Cap d’Ail. « D’un côté de la frontière, il y a ceux qui n’ont comme richesse que le service public, face à ceux qui les cassent par l’évasion fiscale » résume Franck Gaye. Ils se sont donc retrouvés à plusieurs dizaines, dont certains grimés, sur le rond-point près du stade Didier Deschamps.
Des militants des Alpes Maritimes du Parti communiste sont également présents devant la frontière monesgasque. D’ailleurs la section, dans le cadre de la campagne sur l’élection européenne, multiplie les actions pour dénoncer l’évasion fiscale. « A Cannes, samedi, avec Anthony Goncalves, on a fait le tour des banques pour dénoncer ce fléau, raconte Bob Injey, membre du Conseil national du PCF. Et lundi soir, à Nice, on va organiser un tour et s’arrêter devant plusieurs grandes enseignes, expliquer leurs pratiques, comme McDo qui fait fuiter ses bénéfices hors de France avec le système des franchises, et mettre en avant les montants énorme que cela représente ».
La prochaine édition du Ielpe se tiendra en juillet à Bangkok, puis en septembre, à Moscou.

jeudi 16 mai 2019

UNION EUROPÉENNE. LE SALAIRE MINIMUM DÉCENT, UN COMBAT D’AVENIR EN EUROPE

Attaqués par la logique austéritaire, imposée plus durement encore depuis une décennie par les institutions européennes, les revenus du travail reviennent sur le devant de la scène. Une brèche peut être ouverte pour une harmonisation par le haut.
Après des années de glaciation, un printemps des salaires serait-il en train de s’installer en Europe ? Les aspirations sociales sont là, éclatant d’un bout à l’autre du continent. On les voit en Bulgarie – en queue de peloton des États membres, avec 286 euros par mois, pour le salaire minimum – et en Grèce, où les mémorandums imposés par la troïka ont raboté les revenus du travail de plus de 30 %, mais également dans les pays d’Europe de l’Ouest. Ce mardi, en Belgique, à Liège et dans d’autres villes wallonnes, plusieurs milliers de salariés sont descendus dans la rue à l’appel des « rouges » du syndicat FGTB pour réclamer un « salaire minimum décent », avec un taux horaire de 14 euros – une revendication inspirée des luttes aux États-Unis pour les 15 dollars de l’heure – et un montant mensuel de 2 300 euros brut.
Attaques directes contre le salaire minimum dans certains pays, baisse des rémunérations dans la fonction publique afin de tirer celles du privé vers le bas, révision de l’indexation salariale pour la lier exclusivement à la productivité – et non à l’inflation, par exemple –, démantèlement des mécanismes de négociation collective aux niveaux interprofessionnel et national dans le but de renvoyer à l’entreprise la fixation des normes sociales et même salariales, etc. En une décennie ouverte par la crise financière des subprimes, rapidement transmuée en crise des « dettes publiques », l’Union européenne a, avec le Conseil des ministres des Finances (Ecofin), la Banque centrale européenne (BCE) et la Commission plus que jamais en première ligne, mené une offensive sans précédent contre les salaires. Partout, les travailleurs ont été plongés dans les eaux glacées d’une « dévaluation interne », avec baisse des revenus et des dépenses publiques. Avec des effets catastrophiques, bien sûr, dans les États soumis aux diktats de la troïka, les trois institutions déjà citées rejointes par le Fonds monétaire international (FMI), mais pas seulement…

La crise a bon dos

Une véritable aubaine pour les institutions ordo-libérales européennes qui, sans vergogne, à travers le mécanisme du semestre européen et ses « recommandations spécifiques par pays », ont profité de la crise pour imposer leurs vues en matière de « réformes structurelles », dont la première a souvent été la « diminution du salaire minimum légal et contractuel ». En Grèce, en Irlande, au Portugal, mais aussi en Espagne, Lettonie, en Hongrie, en Roumanie et en Italie – où il n’existe pas de salaire minimum national jusqu’ici –, les salaires ont, au plus fort de la crise, été baissés considérablement, soit directement (entre -30 % et -5 %). En Belgique, le salaire minimum recule depuis plusieurs années : en variation réelle, entre 2018 et 2019, il a par exemple baissé de 0,3 %.
Dans quelques pays, néanmoins, les gouvernements prennent désormais des mesures qui vont à l’encontre des politiques dictées jusque-là par les marchés financiers : en Espagne, le gouvernement socialiste a, grâce au soutien d’Unidos Podemos, à l’époque, augmenté de plus de 22 % le salaire minimum en janvier 2019 et, en Grèce, Alexis Tsipras a fini par rompre avec la spirale de la baisse des salaires ces dix dernières années en augmentant l’équivalent du Smic de 11 %, sans atteindre toutefois son niveau d’avant l’austérité (751 euros).
C’est sur ces terres brûlées dans toute l’Union européenne que certains pontes dans les institutions bruxelloises envisagent aujourd’hui de mettre des pots de fleurs. Avec son socle des droits sociaux, un inventaire de mesures non contraignantes proclamé à Göteborg (Suède) en novembre 2017 avec l’aval des chefs d’État et de gouvernement – en l’absence, toutefois, de la chancelière allemande Angela Merkel –, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a placé le « droit pour les travailleurs à un salaire juste qui garantisse un niveau de vie décent ». Simple souci cosmétique ou préoccupation plus profonde face au délitement de l’Union européenne ? La question reste ouverte, mais pour les mouvements syndicaux, l’occasion d’ouvrir des brèches dans le dumping social et de lutter pour une meilleure répartition des richesses existe peut-être.

60 % du salaire moyen pour la CES

Alors que, dans les traités européens, celle du salaire demeure exclue du champ de compétences de l’Union européenne qui, selon le jargon, ne peut que « soutenir l’action des États » en la matière, l’Allemagne, qui n’a un salaire minimum que depuis janvier 2015, entend, selon les sociaux-démocrates du SPD en coalition avec les conservateurs de la CDU-CSU, poser comme une priorité de sa présidence de l’UE au second semestre 2020 la création d’une « base légale européenne pour le salaire minimum ». Ministre des Finances (SPD) allemand, Olaf Scholz marche un peu sur des œufs, d’autant que son parti pourrait, comme d’autres forces sociales-démocrates, connaître une déconvenue lors des prochaines européennes, mais il trouve du « mérite », disait-il l’automne dernier, à l’idée d’un salaire minimum fixé dans chaque État membre à 60 % du salaire médian. La Confédération européenne des syndicats (CES) propose, elle, un système à double détente pour fixer le salaire minimum dans chaque pays de l’Union : dans un premier temps, au moins 60 % du salaire médian et, à terme, 60 % du salaire moyen.
En France, à l’occasion de la campagne pour l’élection au Parlement européen, les positions des listes illustrent parfaitement leurs conceptions de l’Union européenne. L’extrême droite et la droite écartent carrément l’idée d’un salaire minimum dans les pays européens. Alors que ses députés et ses alliés de l’Alde ont voté contre toute intervention sur le sujet lors de la dernière mandature (lire l’Humanité du 10 mai), LaREM propose, par la voix de sa tête de liste Nathalie Loiseau, de fixer le salaire minimum à 50 % du salaire médian, soit en deçà, et largement, des montants actuellement en vigueur dans de nombreux États (voir notre infographie). Cette proposition n’aurait, derrière l’écume, quasiment aucun impact en termes de convergences salariales. Pis ! elle est de nature à distiller l’inquiétude sur de nouvelles régressions sociales… À gauche, les propositions des listes menées par Manon Aubry (75 % du salaire médian) et par Ian Brossat (60 % du salaire moyen) constituent, elles, de réelles percées, permettant d’engager un cycle d’harmonisation sociale par le haut.

mardi 14 mai 2019

Nouvel épisode de droitisation en vue au PS et à EELV

À mesure qu’on s’approche du vote du 26 mai et de ses résultats, les états-majors politiques des différents pays se préparent à la suite, c’est-à-dire le partage des postes à la tête du Parlement européen et de la Commission. Au niveau des 28, la thèse dramatisante « les libéraux ou l’extrême droite » avance bien et fort. Elle justifie les magouilles les plus pitoyables sous couleur de résistance contre les fascistes. Loin des yeux des électeurs, elle permet déjà des arrangements en tous sens qui seront vendus comme autant d’héroïques « barrage à l’extrême droite ». Le parti des castors à échelle européenne.
Les Verts européens ont déjà dit qu’ils étaient prêts à négocier avec la droite et les macronistes. La nouveauté c’est qu’une série de dirigeants sociaux-démocrates en font autant depuis quelques jours. C’est le premier ministre (PS) du Portugal qui annonce son soutien au mouvement « Renaissance » que pilote Macron en compagnie des libéraux du groupe ALDE et de son président le belge Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre de ce royaume. Matéo Renzi, du parti démocrate, le répugnant italien qui a fini la liquidation de la « gauche » italienne, vient d’en faire autant. Mais surtout, le candidat officiel de tous les PS d’Europe pour la Commission européenne en fait autant. Le « Spitzenkandidat » de la social-démocratie, le social-ultra-libéral hollandais Frantz Timmermans « tend la main à Macron ».
Cet épisode de droitisation international n’est surprenant que vu depuis la France. Sur la scène européenne c’est un scénario de grande coalition dont la matrice est dans le gouvernement allemand où collaborent en bonne intelligence le SPD et la CDU/CSU de Merkel. On cherchera en vain une seule protestation des PS d’Europe face à cet attelage. La « main tendue » du leader européen des socialistes est de la même eau. C’est assez pour pouvoir raconter la suite. En 2014 déjà, les socialistes français avaient essayé de dramatiser le sens du vote européen. Il fallait voter pour eux pour éviter l’élection de Juncker comme président de la Commission. À peine élu, les députés socialistes se renièrent et votèrent pour Juncker. Avec la droite. Et ils se partagèrent avec elle les postes dans la Commission et au Parlement européen.
La même musique se prépare. Encore faudrait-il que le PS obtienne plus de cinq pour cent des voix et qu’il ait des députés élus. Mais même sans cela, on voit se dessiner le sens des règlements de comptes qui suivront le vote désastreux qui les attend. Le PS regorge d’élus du type Dussopt, capable de voter contre le budget et d’être ministre macroniste trois jours plus tard. À l’Assemblée nationale, au Sénat et davantage encore sur le terrain municipal à l’orée des élections régionales. La « main tendue » ne sera pas seulement un épisode européen. Les macronistes ne s’en cachent pas. Ils veulent continuer le processus de siphonnage et de recyclage auquel ils ont déjà tant travaillé à la présidentielle.
Le même objectif est poursuivi en direction d’EELV et de ses dirigeants. Dès lors que huit sur dix des derniers dirigeants de cette formation ont déjà changé de camp, pourquoi cela serait-il impossible encore ? D’autant qu’en intégrant une figure aussi centrale que celle de Canfin en tête de leur liste, les macronistes ont envoyé un signal qui a été reçu cinq sur cinq dans la mouvance qui entoure Jadot. Et Jadot lui-même a déjà envoyé les signaux nécessaires avec ses déclarations sur l’écologie de marché. Et il a su profiter des circonstances pour faire des déclarations stupéfiantes qui sentaient fort la sympathie pour les causes macronistes. Ainsi quand il a entonné l’air de la « condamnation totale » de l’attaque de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Ou comme ce dimanche en réclamant cette pure idiotie : un « rapprochement entre le statut de la fonction publique vers celui des travailleurs du privé ». C’est à dire exactement ce que se prépare à faire Macron en passant sur le corps d’une des cathédrales de la gauche qu’est le statut de la fonction publique.
On peut donc dire que le démantèlement final de l’ancienne majorité de François Hollande va se terminer le 26 mai. Les derniers dégoûtants vont se rallier et les derniers dégoûtés iront continuer à pleurer leurs illusions perdues. Quand je dis « donnez de la force a une force », c’est à dire aider les insoumis au lieu de faire des votes de nostalgie, je sais qu’un fois de plus je lance une alerte et je propose une issue positive. La fédération populaire répondra à la désertion finale de tous ceux qui auront tout détruit depuis Hollande.

C’était un jour triste. J’en avais fait l’ouverture de mon précédent post. J’y reviens. Parce que samedi à Marseille, je suis allé avec Manon Aubry au marégraphe. Un outil qui donne le point zéro pour calculer toutes les altitudes en France et dans quelques autres pays. Il le fait en mesurant le niveau de la mer depuis 130 ans. L’installation a failli mourir faute de crédits publics. Évidemment. Heureusement le personnel a pris le problème à bras le corps et il a sauvé l’outil grâce à une collecte de dons. Évidemment. Ce que l’on sait grâce à cet outil : le niveau de la mer est monté de seize centimètres depuis le début du siècle et 30 % de cette augmentation a eu lieu dans les dix dernières années. Le grand chambardement est commencé. La vie entre en recul avec les modifications climatiques qui modifient de fond en comble les divers écosystèmes qui rendent possible la biodiversité actuelle. Le moment est historique. Personne ne peut dire qu’il n’aura pas été prévenu.
Le 6 mai, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques a rendu son rapport mondial. Cette instance est surnommée le « Giec de la biodiversité ». Comme le Giec, il réunit des scientifiques issus de 110 pays. Leur rapport adressé aux dirigeants du monde a été approuvé par consensus. Cela donne d’autant plus de force à leur alerte. Message crucial : la sixième extinction des espèces est commencée. Un million d’espèces animales et végétales sont menacées de disparition c’est-à-dire une sur huit. Cela concerne 25% des mammifères, 40% des amphibiens, 33% des coraux, 27% des crustacés ou 19% des reptiles. Le taux d’extinction aujourd’hui constaté parmi les espèces vivantes est, pour les scientifiques entre des dizaines et des centaines de fois supérieur à la moyenne des derniers 10 millions d’années. L’homme est à l’origine de cette catastrophe. Pour le président de la plateforme intergouvernementale : « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ».
Car cette perte à grande vitesse de biodiversité aura bien des conséquences sur nos modes de vie jusqu’à les menacer gravement. D’abord pour la sécurité alimentaire de milliards d’êtres humains. 75% des cultures agricoles dépendent de la pollinisation. La disparition des insectes pourrait faire brutalement chuter les rendements agricoles, dans le contexte d’une pression démographique intense. 2 milliards d’êtres humains dépendent du bois pour leurs besoins énergétiques. Mais la surface de la Terre a perdu un tiers de son couvert forestier par rapport à la période préindustrielle. 4 milliards d’autres se soignent par des médecines naturelles. Ainsi, le rapport mondial sur la biodiversité souligne que la pente prise, si elle ne s’infléchit pas, empêchera l’Humanité d’atteindre les « objectifs de développement durable » fixés par l’ONU en 2015. La réduction de la pauvreté, de la faim dans le monde, l’amélioration de l’accès à l’eau ou à la santé seront impossibles dans un contexte de disparition de masse des espèces.
Par ailleurs, ce désastre écologique mènera aussi au chaos géopolitique. Le rapport pointe 2500 conflits en cours pour l’accès aux ressources fossiles, à l’eau, à la nourriture ou aux terres arables. J’ai abordé ce thème en meeting à Pau en novembre dernier. J’affirmais alors que la question écologique était centrale pour la paix au 21ème siècle. J’avais alors donné l’exemple du lac Tchad. Cette réserve naturelle a perdu 95% de sa superficie depuis 50 ans. Les 20 millions de personnes qui vivent là sont les premières victimes de cette catastrophe. C’est aussi le terrain privilégié sur lequel prospère le groupe terroriste islamiste Boko Haram que nous combattons au Sahel. Sans compter les centaines de millions de personnes qui vont se déplacer à cause de la disparition de la biodiversité, bouleversant totalement l’ordre des frontières.
Les scientifiques font l’inventaire des milieux naturels détruits ou altérés par les activités humaines. Il s’agit de 75% des milieux terrestres, 66% des milieux marins et de 85% des zones humides. La destruction pure et simple des milieux naturels pour changer leur usage est la première cause de la sixième extinction. Il s’agit par exemple de la déforestation pour transformer des espaces en terres d’agriculture, comme cela est le cas en Amérique du Sud. Cela ne dérange pas l’Union européenne et Macron, les hypocrites de l’écologie qui négocient quand même un accord de libre-échange avec le Mercosur. Les activités minières sont un autre responsable de cette destruction. Là encore, les yeux se tournent vers Macron et sa désastreuse montagne d’or en Guyane. On pourrait aussi pointer le bétonnage pratiqué dans l’hexagone avec les nombreux projets validés par le « champion de la Terre » : Europa City, grand contournement ouest de Strasbourg etc.
Les pollutions sont aussi en cause, et notamment les pesticides. Leur utilisation massive dans l’agriculture tue massivement les espèces animales et végétales. Là aussi, le bilan de Macron est déplorable. D’abord, il a perdu contre l’Allemagne et Bayer-Monsanto au niveau européen sur le glyphosate. Il défendait une interdiction dans 3 ans et, finalement, le glyphosate a été réintroduit pour 5 ans au moins. Puis, il a refusé trois fois à l’Assemblée nationale d’appliquer une interdiction en France sur proposition des insoumis. Enfin, alors que ses ministres paradaient un vendredi dans une marche climat, sa majorité votait la prolongation pour 3 années supplémentaires de la production en France de pesticides interdits à la vente en Europe.
En vérité, Macron nous fait perdre du temps pour faire face sérieusement à l’effondrement de la biodiversité. La sortie des pesticides et le passage à l’agriculture biologique sont urgents. Pour cela, il faut rompre avec le libre-échange et instaurer un protectionnisme solidaire. Il faut mettre un coup d’arrêt au bétonnage à outrance et à l’étalement urbain. Pour protéger la biodiversité, il faut sortir de la logique de l’argent aux commandes et passer à celle des biens communs.

Emmanuel Macron et Nathalie Loiseau réclament le renforcement de la militarisation des frontières de l’Europe. Le Président a ainsi plaidé pour « une police des frontières communes ». On peine à comprendre le sens exact de cette proposition étant donné que l’agence Frontex existe déjà. En revanche, on comprend que lui et madame Loiseau sont d’accord avec Jean-Claude Juncker pour renforcer son contingent de 10 000 hommes.
Ils sont engagés sur le sujet dans une course avec Marine Le Pen. D’ailleurs, les macronistes et le rassemblement national votaient parfois ensemble à l’Assemblée nationale sur la loi asile immigration. Ce fut notamment le cas sur la possibilité d’enfermer en centre de rétention pendant 90 jours des enfants. Les deux ne comprennent pas que la hauteur du mur, la taille des barbelés importent peu pour ceux dont l’exode est une question de survie. 15 000 personnes mortes par noyade en Méditerranée en 3 ans ne suffit pas à décourager. Nous, les insoumis ne cessons de répéter l’évidence : la seule discussion rationnelle à avoir sur le sujet de l’immigration est celle des raisons du départ. L’Union européenne a sa part de responsabilité lorsqu’elle détruit l’agriculture vivrière et les chances de développement en imposant des accords commerciaux inégaux. Les désordres causés par l’OTAN et ses guerres aussi. Sans parler de la première cause de déplacement de populations : le réchauffement climatique.
Mais il y a un autre angle mort dans l’approche commune des libéraux et des nationalistes. C’est celle de l’émigration à l’intérieur de l’Union européenne. Aveuglés qu’ils sont par leur mépris pour les pays du Sud, ils ne voient pas que l’exode et l’exil sont des phénomènes qui touchent des populations européennes. C’est le cas pour l’Est du continent. Là-bas, le départ des jeunes et des qualifiés est bien le premier sujet, pas l’invasion fantasmée par Le Pen et Salvini. En effet, quand on interroge par sondage les habitants de ces pays sur leur inquiétude quant à l’arrivée de migrants ou au départ de nationaux, une majorité se dit plus inquiète des départs vers l’Ouest et le Nord de l’Europe. Il faut dire que pour certains pays c’est une catastrophe. La Roumanie et la Bulgarie ont perdu de l’ordre de 20% de leur population en 10 ans. La population vivant en Croatie a diminué de 13% depuis 1991. Et les choses ne vont pas mieux depuis que le pays des Balkans a rejoint l’Union européenne. Si les tendances actuelles se prolongent, il pourrait perdre un quart de ses habitants dans la prochaine décennie. C’est au point qu’en Pologne ou en Roumanie, une majorité de la population dit qu’elle soutiendrait des mesures pour interdire aux jeunes d’émigrer.
Pour ces pays, l’appartenance à l’Union européenne a plutôt été un accélérateur de leur désertification. L’absence d’harmonisation sociale, interdite par les traités européens, les a contraints à se maintenir dans des niveaux de salaires et de protection sociale extrêmement bas. Des dispositions comme la directive sur les travailleurs détachés les ont même incités à voir la misère de leurs travailleurs comme un avantage comparatif. Dans le même temps, ils n’ont pas bénéficié des investissements publics importants pour développer une base productive propre. Au contraire, puisque les États ont été poussés à privatiser leurs industries et leurs infrastructures. Le résultat est que, pour les jeunes générations, l’avenir paraît plus intéressant à l’Ouest ou au Nord de l’Europe que dans leur pays. Dans le cœur de l’Europe, certains ont par ailleurs organisé le pillage de la main d’œuvre de l’Est. C’est notamment le cas de l’Allemagne elle-même en déprise géographique. Outre-Rhin, des entreprises, des communes ou même des Landers organisent des campagnes de recrutement dans à l’Est et dans les Balkans. Les maisons de retraites allemandes embauchent ainsi une grande partie de leur personnel en Croatie.
Il n’y a pas que l’Est. Depuis la crise de la dette, les pays du Sud et l’Irlande ont aussi été frappé par le fléau de l’émigration. Pendant la crise, 400 000 personnes ont quitté la Grèce, 700 000 sont parties d’Espagne, 485 000 du Portugal et 200 000 d’Irlande. Cet exil forcé a fortement marqué ces sociétés. Lui aussi est directement causé par l’Union européenne. La Commission a imposé aux gouvernements serviles de ces pays la baisse des salaires, les coupes dans les services publics, le licenciement des fonctionnaires et les privatisations avec un rythme et une intensité jamais vus auparavant en Europe. L’immigration et l’émigration sont donc d’abord des problèmes européens. À l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe, ce sont les politiques libérales qui déstructurent les sociétés et poussent à l’exode. L’exil est toujours une souffrance pour celui qui le subit. S’il trouve refuge chez nous, l’humanité commande de lui fournir le meilleur accueil possible. Mais dans le même temps, notre objectif d’internationalistes doit être de permettre à chacun de mener une vie digne chez lui. « Vivre et travailler au pays » est une revendication qui commence en Europe.