Laure Drillat, déléguée CGT à la clinique du Dauphiné, ne cachait ni sa joie ni son soulagement à l’énoncé du jugement, ce samedi 16 novembre, en fin d’après-midi. Le tribunal administratif de Grenoble venait alors de rendre sa décision, quelques heures après l’audience devant la juge des référés, saisie par les salariés grévistes. Et c’est autant une victoire pour les requérants qu’un réel camouflet pour la préfecture de l’Isère et la direction de l’établissement.
« L’exécution de l’arrêté du 14 novembre 2024 portant réquisition de personnels est suspendue », ordonne en effet le tribunal. Avec cet arrêté, rappelle-t-il dans son jugement, le préfet par intérim avait « réquisitionné sept personnels infirmiers et quatre aides-soignants pour assurer la continuité des soins dans le cadre d’un mouvement de grève ». Lequel avait débuté le 11 novembre au soir avec une très forte mobilisation (plus de 95 % de grévistes).
Pour les salariés de la clinique psychiatrique, il s’agissait d’une grave atteinte au droit de grève. Un « droit constitutionnel qui présente le caractère d’une liberté fondamentale », ont-ils souligné, par la voix de leur avocat Me Pierre Janot. Dès lors, la « condition d’urgence » était bel et bien remplie, justifiant ainsi ce recours en référé, selon eux.
Une décision visant les réquisitions à venir et celles passées
Les requérants ont également battu en brèche les motifs invoqués dans l’arrêté préfectoral de réquisition. « Il ne peut être porté atteinte à ce droit pour assurer la continuité des soins qu’en l’absence de mesures alternatives ; or, quatre établissements sont en mesure d’accueillir les patients », ont-ils soutenu devant la juge.
Le préfet a par ailleurs « retenu que le personnel gréviste bloquait l’accès à l’établissement des personnels mis à disposition par le groupe Emeis » (anciennement Orpea), rapporte le tribunal. C’était même « l’argument principal » de la partie adverse, estime Laure Drillat. « On nous accusait de ne pas laisser entrer les gens, ce qui était faux », assure-t-elle, insistant sur les failles du dispositif de réquisition. Une mesure censée s’appliquer seulement « en dernier recours » et pour laquelle les salariés n’ont « pas été avertis », affirme la déléguée syndicale.
Concrètement, se félicite Laure Drillat, la décision du tribunal administratif « annule toutes les réquisitions à venir et déclare caduques celles qui sont passées » – sachant qu’en réalité, une seule personne réquisitionnée est venue travailler. L’État est en outre condamné à verser à l’ensemble des requérants « une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative » (pour les frais de justice), est-il indiqué dans le jugement.