Écrivain, scénariste, cinéaste, Jean Vautrin est mort ce
mardi 16 juin. Tout au long d’un parcours exceptionnel, il a livré une œuvre
passionnée, riche et populaire, à laquelle Roger Martelli rend hommage.
Jean Herman, dit Jean Vautrin, était un sacré zigue. La
passion de ses œuvres a jalonné ma vie. De Billy Ze-Kick à Boro…
C’était un touche-à-tout talentueux. Il démarra brillamment
au cinéma, tourna avec les meilleurs, Roberto Rossellini, Jacques Rivette,
Vincente Minnelli. Réalisateur à part entière, il dirigea des têtes d’affiche,
Alain Delon, Danièle Darrieux, Charles Bronson, Suzanne Flon, Brigitte Fossey,
Jean Rochefort, Robert Blin.
Tout son talent dans l’écriture
Vautrin sut mettre en valeur ces ainsi nommés
"seconds" rôles, qui constituent les figures les plus populaires et
les plus attachantes du cinéma français, Bernard Fresson, Paul Crauchet, Henri
Virlojeux, Paulette Dubost et tant d’autres. On aime ou on n’aime pas le cinéma
populaire "à la française". Mais si Jean Herman ne fut pas le plus
connu de ses représentants, il fut l’un des plus subtils et des plus originaux.
Il aurait pu être un grand de la pellicule. Au bout du
compte, lui qui adapta à l’écran Raymond Queneau déploya tout son talent dans
l’écriture. Il fut et resta un scénariste prolixe pour Georges Lautner, Claude
Pinoteau, Jacques Deray, Yves Boisset ou Gilles Béhat. Mais il préféra avant
tout suivre les traces d’Alexandre Dumas et d’Eugène Sue. La nouvelle et le
roman policier n’avaient pas de secret pour lui. On connaissait un peu Herman
le cinéaste. On ne cessa de reconnaître Vautrin l’écrivain. Billy Ze-Kick le
projeta sur le devant de la scène. Il ne le quitta plus.
Il est de ceux qui ont donné leur lettre de noblesse au
roman populaire contemporain. Il a poursuivi la veine du roman-feuilleton, un
peu oublié après les grandes sagas radiophoniques et loufoques de Pierre Dac.
Qui avait commencé, en 1987, à arpenter les rues du Berlin de
l’entre-deux-guerres avec Boro, reporter photographe, ne pouvait que
l’accompagner, séducteur avec canne, à Paris, en Espagne et jusqu’en Palestine,
traquant sans relâche la peste brune, avec élégance, distance et sans jamais
perdre l’espoir.
Écrivain populaire
D’âme libertaire, Vautrin se passionnait pour le peuple de
Paris. Boro fut le personnage fétiche de la dernière partie de sa vie. Mais
c’est la Commune de Paris qui révéla pleinement son talent. Son roman de 1998,
Le Cri du peuple, nous fit suivre, haletants, les aventures du bel Antoine
Tarpagnan, du ténébreux Horace Grondin et de l’éblouissante Gabriella Pucci,
présentée comme le modèle de L’Origine du monde, le tableau sulfureux du
communard Courbet. En roman, ce Cri du Peuple était déjà un monument à la
gloire du Paris communard. Mais que dire quand, à la verve de Vautrin, s’ajouta
le trait de plume subtil et rageur de Tardi ? Rarement s’est opérée une telle
symbiose entre un scénariste et un dessinateur.
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