jeudi 5 avril 2018

Les communistes à l’offensive : Faisons dérailler Macron !

Déclaration adoptée par le Conseil national des 30 et 31 mars 2018

Dans tout le pays se lève un vent de contestation contre la politique Macron.
Les patient·e·s, les personnels de l'hôpital public, des EHPAD refusent les logiques comptables et veulent des soins de qualité ; les enseignant·e·s et les parents d'élèves sont vent debout contre les fermetures de classes ; les étudiant·e·s manifestent pour une université de l’égalité et de la réussite, les usager·e·s et les cheminot·e·s tiennent à leur train et refusent la privatisation de la SNCF ; les locataires et leurs associations se mobilisent pour préserver le logement social, les usager·e·s et les personnels se lèvent pour des services publics de qualité et de proximité contre la braderie aux grands groupes du CAC 40 de l’eau, de l’énergie, des aéroports, de la Française des jeux… Les femmes revendiquent des moyens financiers et humains pour conquérir l’égalité sans tous les domaines. Les maires et les élu·e·s s'élèvent contre les politiques d'austérité qui frappent les collectivités locales. Les retraité·e·s se sont mobilisé·e·s le 15 mars pour faire valoir leur droit à une vie décente. La mobilisation du 22 mars, par son ampleur, sa diversité, nous a fait rentrer dans une nouvelle mobilisation sociale dans tout le pays.

Les communistes sont avec celles et ceux qui luttent. Elles et ils portent des propositions qui s'attaquent à la finance en proposant notamment une pétition pour que l’argent des banques et de la BCE soit mis à disposition des services publics. Ils travaillent à les rendre publiques, comme ils l'ont fait lors d'une conférence de presse le 20 mars pour la SNCF. Par leurs initiatives, ils cherchent à élargir le mouvement afin d’ouvrir un grand débat national posant l'avenir des services publics comme une réponse moderne aux besoins des habitant·e·s. C'est de notre République qu'il s'agit, de notre capacité collective à permettre l'exercice réel des droits fondamentaux pour toutes et tous les citoyens, quels que soient leur lieu de résidence et leur situation sociale.

Les communistes sont déterminé·e·s à agir avec les habitant·e·s, les organisations syndicales, les salarié·e·s, agents du service public, les forces politiques de gauche et écologistes et tous les élu·e·s attaché·e·s au développement de leur territoire pour s’opposer aux casses programmées, œuvrer au développement des services publics, construire des filières industrielles utiles pour le développement de la France. Notre proximité est une force, nous la mettons au service des luttes.

Les communistes appellent à faire du 19 avril une nouvelle grande journée de lutte et de mobilisation.


SNCF : la bataille du rail ne fait que commencer !
Les communistes soutiennent et seront aux côtés des cheminot·e·s lors des journées programmées, dont la première aura lieu le mardi 3 avril. Ils seront présent·e·s dans les 280 comités locaux de sauvegarde d’une gare, d’une ligne.
La bataille de l’opinion sera décisive. Près de 1 000 gares ont déjà fait l’objet d’au moins une distribution de tracts.
Nous appelons toutes les organisations du Parti à programmer et à poursuivre les distributions de tracts, à organiser des débats autour des propositions qui ont été présentées par notre secrétaire national et les parlementaires communistes, à participer à toutes les initiatives publiques pour la SNCF.
Concernant les collectes de solidarité, nous demandons aux organisations du Parti de se rapprocher systématiquement des responsables syndicaux cheminots de leur secteur pour voir concrètement les modalités à suivre.
Le badge « Mon train, j’y tiens » est devenu un outil à la fois de popularisation de la lutte et de solidarité concrète. Vendons-le massivement.
Appelons les fédérations, en lien avec les conseillères et conseillers régionaux communistes-Front de gauche, les Adecr à interpeller les présidences de Région. Soutenons nos élu·e·s, nos maires pour gagner la bataille de l’opinion publique.

Tour de France des hôpitaux et EHPAD
D’ici juin, les parlementaires communistes auront visité de très nombreux établissements. Le 21 avril, la commission Santé-Protection sociale propose une journée de travail pour élaborer un projet de financement de l’hôpital public. Le 5 juillet, une rencontre se tiendra à l’Assemblée nationale avec les actrices et les acteurs de l’hôpital. Un grand mouvement doit se lever pour marquer, à l'automne, de nouveaux choix budgétaires dans le cadre du PLFFS.

Énergie / Alstom
Le secteur Énergie se met en grève à partir du 3 avril.
Dimanche 8 avril, nous lançons notre campagne contre la privatisation des barrages hydrauliques à Sautet, dans l’Isère et à Éguzon dans l'Indre, et le 28 avril, nous serons dans les Pyrénées. Un cahier d’acteur énergie est en préparation. La tournée des sites d’Alstom par les parlementaires communistes se poursuit.

Les éboueurs / les Ford / les Carrefour / les Air France...
Dans tout le pays, les communistes rencontrent et soutiennent les salarié·e·s et leurs luttes pour défendre l'emploi, donc l'intérêt collectif.

Éducation nationale
Dans les universités, le mouvement s’amplifie. Les organisations communistes aident l’UEC, le MJCF qui jouent un rôle essentiel dans le mouvement. Les parlementaires communistes sont sollicités dans plusieurs assemblées générales de professeur·e·s, comme d’étudiant·e·s.
Conseils aux victimes, solidarités concrètes, mobilisations, les organisations du Parti ne céderont rien face aux attaques de groupuscules d’extrême droite.
Une pétition est en préparation pour la liberté d’expression, la liberté d’opinion face à l’interdiction de nombreux débats dans les facultés.
Dans ce moment de lutte dans l’Éducation nationale, le réseau École organise le samedi 26 mai une journée de travail pour enrichir nos propositions et nourrir les débats.
Face à la ségrégation dans les universités, nous appelons les organisations du Parti, en lien avec l’UEC et le MJCF, les Adecr, à agir pour la préparation des inscriptions post-bac avec des syndicalistes étudiant·es. Nous n’acceptons pas que des milliers de bachelier·e·s se retrouvent sans affectation, ou dans une filière qu'ils n’ont pas choisie.

Culture
L'appel de Montreuil à la tenue de nouveaux États généraux de la culture suscite une adhésion forte. Les communistes sont partie prenante des combats contre la casse du service public de la culture et la précarisation des artistes et acteurs culturels.

Fonction publique
Personnels de maisons d'arrêt, fonctionnaires territoriaux, fonctionnaires de justice… Nous sommes de tous les rassemblements pour porter leurs revendications.

Démocratie – Changement de Constitution
Les organisations du Parti, en lien avec nos groupes parlementaires, l'Anecr, prolongent localement les propositions du colloque du 5 mars organisé au Sénat. Tout changement constitutionnel ne peut se faire sans débat, sans information aux citoyen·nes.

Egalité femmes/hommes
Nous sommes de tous les mouvements et actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Les mouvements qui se lèvent en France et dans le monde contre toutes les violences faites aux femmes sont au cœur de nos combats quotidiens pour l'émancipation. Notre engagement et nos propositions nourrissent ce mouvement pour débarrasser notre société de la domination sexiste.

Les territoires oubliés : pour l’égalité et la dignité
Nous soutenons les élu·e·s locaux/ales qui s’investissent dans l’appel de Grigny. Le samedi 9 juin, les fédérations des Hauts-de-France, leurs élu·e·s appellent à marcher sur l’Élysée pour qu’aucun territoire ne soit oublié de la République. Toutes les organisations du Parti travaillent à créer les conditions de la participation la plus large possible à cette marche.

Retraite des agriculteurs
La proposition de loi du groupe GDR à l’initiative d’André Chassaigne et d'Huguette Bello pour revaloriser les retraites agricoles, votée à l’Assemblée nationale, a été présentée au Sénat le 7 mars par le groupe CRCE. Le gouvernement a organisé un vote bloqué empêchant le vote au Sénat le 7 mars.
Faisons signer largement la pétition qui circule dans les fédérations rurales, sous format papier et sur le site change.org. Nous devons porter un maximum de signatures à Matignon avant le 16 mai, date à laquelle le groupe CRCE présentera à nouveau la proposition de loi au Sénat.

Logement social : un droit pour tous
Les actions se multiplient contre la loi Élan. Les maires communistes ont pris de nouveaux arrêtés anti expulsions.

Libertés syndicales
Le Syndicat des avocats de France a recensé des centaines de syndicalistes menacés de licenciement pour faits syndicaux. Les communistes sont activement solidaires.

Loi asile – Immigration
De nombreux militant·e·s communistes sont des actrices, acteurs de solidarité envers les migrant·e·s. De nombreuses déclarations montrent la colère vis-à-vis de la loi asile-immigration.
En collaboration avec des associations et des militants solidaires, le Parti communiste a travaillé à l'écriture d'un manifeste pour une France hospitalière et fraternelle. Il sera présenté le 19 avril à Paris et permettra d'ouvrir le débat public sur la loi asile-immigration.


Le 1er mai, bien sûr, nous serons aussi dans la rue et nous appelons les cellules, les sections, les fédérations à organiser le maximum de points de vente du muguet.

mercredi 4 avril 2018

Accord entre la majorité du Sénat et le gouvernement pour la casse du service public ferroviaire

, Eliane Assassi (groupe CRCE Sénat) dénonce la proposition de loi Maurey qui" témoigne de la course contre la montre, engagée par la majorité sénatoriale, pour être la première chambre à entériner l’ouverture à la concurrence et les changements de statut au sein de l’entreprise publique SNCF, engageant sa vente à la découpe."
Après la téléphonie, l’énergie, le fret ferroviaire, ce sont maintenant les transports voyageurs ferroviaires qui sont visés par la libéralisation pour permettre aux entreprises privées de faire des profits, comme ce fut le cas avec la privatisation des autoroutes, explique la sénatrice de Seine-Saint-Denis.
Aux yeux des sénateurs du groupe communiste, le fer reste un outil puissant de désenclavement des territoires, de lien entre les territoires et les hommes.
Le train relève de l’intérêt général et nécessite un système d’exploitation unifié sur un réseau unique pour garantir une offre cohérente et performante, une péréquation à l’échelle nationale.
Les sénateurs du groupe CRCE ont donc voté contre cette proposition de loi.
Ils ont annoncé qu’ils seront si le gouvernement poursuit dans la voie des ordonnances, les plus farouches opposants à ces projets funestes pour le service public ferroviaire, les principaux opposants à cette balkanisation de l’entreprise historique, à la concurrence mortifère et des opposants au changement de statut de l’entreprise historique, prélude comme à chaque fois, de la privatisation et de sa soumission aux impératifs des marchés financiers contre l’intérêt des peuples.
Des opposants enfin, à la suppression du statut des cheminots, qui ouvre le piège du tous contre tous. Ils affirment que l’harmonisation sociale doit se faire par le haut. Alors que la politique mise en œuvre par le Président Macron est une politique de classe au service des plus riches, ils n’acceptent pas la mise en cause des agents du service public et l’idée que ce seraient eux les privilégiés.

L'union fait leur force

Ce premier jour de la grève unitaire à la SNCF a été très suivi, hier. Le signe d’une colère et d’une détermination qui déjouent les scénarios d’une « réforme » jouée d’avance.
Des quais vides de trains et de passagers. Les images saisissantes de gares désertées en disent plus long sur la réussite de la grève des cheminots que les chiffres fournis par la SNCF, selon laquelle ‘‘seul’’ un tiers des effectifs de l’entreprise publique (33,9 %) auraient cessé le travail hier, contre 35,4 % le 22 mars. Les trains qui n’ont pas circulé ce mardi fournissent un autre décompte : sept TGV sur huit annulés, quatre trains régionaux sur cinq (TER et Transilien) et entre 50 et 80 % des RER restés au dépôt. Pour expliquer ce décalage, la direction a fait valoir un taux de grévistes très supérieur chez les personnels indispensables à la circulation, soumis à déclaration préalable : 48 % auraient manifesté leur « intention » de cesser le travail, dont 77 % rien que chez les conducteurs. Un chiffre que la CGT cheminots, syndicat majoritaire, estimait pour sa part lundi soir à 83 %, et à 1 salarié sur 2 tous personnels confondus.
Reste une réalité incontournable : ce premier jour d’une grève appelée dans l’unité la plus complète par tous les syndicats représentatifs (CGT, Unsa, SUD et CFDT) contre un projet qui « vise à détruire le service public ferroviaire par pur dogmatisme », selon eux, a été particulièrement suivi. Le signe d’un mécontentement et d’une détermination qui déjouent les scénarios d’une « réforme » plus facile à mener qu’en 1995, par exemple. Pour cela, l’exécutif comptait, outre sur sa majorité très large à l’Assemblée nationale pour valider fissa les ordonnances, sur la bienveillance d’une opinion publique préparée depuis des années par le travail de division des salariés entre eux. Pourtant, à rebours de cette entreprise de conditionnement et malgré l’avalanche des reportages traditionnels sur la « galère des usagers », le sentiment d’une mobilisation justifiée gagne des points dans l’opinion : 46 % sont désormais de cet avis selon un sondage Ifop pour le Journal du dimanche, contre 42 % quinze jours auparavant selon ce même institut pour CNews et Sud Radio. C’est davantage que la grève des transports pour les « régimes spéciaux » de 2007 (37-38 % qui l’estimaient « justifiée »). Certes, une majorité (53 % ; - 5) reste pour l’instant plutôt de l’avis du gouvernement. Mais la dynamique n’est pas de son côté : 48 % ne souhaitent pas qu’ils mènent son projet à terme, et déjà, des secteurs cruciaux ont ‘‘basculé’’ majoritairement du côté des cheminots, à l’instar des moins de 35 ans et des catégories modestes.

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mardi 3 avril 2018

SOCIAL Grève : la situation pourrait dégénérer selon la CGT Cheminots


SOCIAL Grève : la situation pourrait dégénérer selon la CGT Cheminots

Le secrétaire général de la CGT Cheminots, Laurent Brun, n'exclut pas que la situation puisse dégénérer. "On espère garder notre calme", a-t-il précisé dans une interview accordée au Parisien.

Le secrétaire général de la CGT Cheminots n'exclut pas que la grève longue et dure des cheminots puisse dégénérer.
À cette question du Parisien, Laurent Brun a précisé : "oui, même si on espère garder notre calme", malgré les "sales coups" de la direction.
Dans un entretien publié lundi par le quotidien, Laurent Brun évoque notamment, la prime que la direction de la SNCF a décidé d'attribuer à certains de ses cadres pour les inciter à conduire des trains, mais aussi la proposition de "comptabiliser les jours de repos comme jours de grève".
Le numéro un de la CGT Cheminots accuse notamment la SNCF à "pousser à la faute" les grévistes. "Tout cela a pour but de casser la grève et traduit une perte totale de sang-froid de la part de la direction", estime-t-il. 
Les chiffres de la grève
Avec un TGV sur huit en moyenne ce mardi, les cheminots donnent le ton de cette grève longue distance qui a débuté lundi soir pour contrer le projet de réforme de la SNCF.
Chez les personnels tenus de se déclarer 48 heures avant la grève, la SNCF a recensé près d’un cheminot gréviste sur deux (48 % contre 35,4 % le 22 mars) et jusqu’à plus de trois sur quatre chez les conducteurs (77 %). Le trafic sera donc "très perturbé", a averti la direction de la SNCF.
Sur les grandes lignes, la SNCF prévoit un TGV sur huit en moyenne, l’axe Sud-Est étant le plus impacté (un sur 10). Même chose pour les Intercités, dont sept lignes ne seront carrément pas desservies. Le patron de la SNCF Guillaume Pepy avait averti que des lignes seraient "fermées".
Dans les régions, un TER et un Transilien sur cinq sont annoncés. En Ile-de-France, la circulation des RER sera variable selon les axes, allant d’un train sur deux à un sur cinq.
Certaines branches ne seront pas desservies.

Etudiants, salariés : tous en lutte avec les cheminots !

Ce numéro de Révolution paraît à la veille d’un mouvement social qui pourrait marquer un tournant dans l’évolution du rapport de force entre notre camp – la jeunesse et les salariés – et le camp d’en face, celui du grand patronat, dont le gouvernement Macron est l’organe exécutif.
La grève des cheminots, à compter du 3 avril, sera le cœur de la bataille. Mais pour nous comme pour nos ennemis, la signification de cette grève dépasse largement le sort de la SNCF et de ses salariés. Les cheminots sont l’un des bataillons les plus puissants et combatifs de notre classe. Ils occupent une position clé dans l’appareil productif : lorsque plus un train ne roule, toute l’économie en est affectée. Pour cette raison, mais aussi parce que les cheminots ont de grandes traditions de lutte, leur mobilisation peut jouer un rôle décisif dans la mise en mouvement d’autres secteurs du salariat. Il en fut ainsi lors de la grande grève de décembre 1995. Or, aujourd’hui plus encore qu’en 1995, tous les secteurs de notre classe – et la jeunesse étudiante – ont intérêt à se mobiliser, car tous sont brutalement attaqués par le gouvernement Macron.
C’est pour ces mêmes raisons que la bourgeoisie française est déterminée à infliger une défaite aux cheminots. Certes, pour le grand patronat, la privatisation de la SNCF et la destruction du statut des cheminots sont un enjeu économique important : d’énormes profits miroitent à l’horizon de ce projet de saccage industriel et social. Mais pour les capitalistes et leur gouvernement, l’enjeu est plus profond, plus général, plus politique : à travers les salariés du rail, Macron veut frapper tous les travailleurs ; il veut les affaiblir et les démoraliser, dans l’objectif de poursuivre au pas de charge sa politique de contre-réformes. A l’inverse, une victoire des cheminots encouragerait tous les autres secteurs du salariat. Elle jetterait le gouvernement sur la défensive et, au minimum, compliquerait la mise en œuvre de son programme réactionnaire. Cette grève n’est donc pas seulement une lutte entre les salariés de la SNCF et la direction de cette entreprise ; elle est au centre d’une lutte générale entre les deux classes fondamentales de la société.
Dès lors, il est clair que le gouvernement ne reculera pas facilement. Il garde en réserve quelques « concessions » fictives pour diviser le mouvement. Mais sur le fond des attaques, il « tiendra », du moins tant que la mobilisation sociale n’aura pas atteint un certain seuil. Lequel ? Il est impossible de l’anticiper avec précision. Mais ce qui est certain, c’est que le gouvernement reculera si la dynamique de la lutte menace de se propager à l’ensemble des secteurs de l’économie. C’est la peur d’un tel embrasement – d’un nouveau Mai 68, en somme – qui a fait reculer le gouvernement Juppé, en décembre 1995.

Comment vaincre ?

La stratégie d’une grève « perlée » des cheminots (deux jours sur cinq), avec son calendrier sur trois mois, a suscité des interrogations. Les cheminots sont partagés, sur cette question. Le syndicat Sud Rail appelle, lui, à une grève reconductible à compter du 3 avril. Le 22 mars, Gare du Nord, à Paris, une AG réunissant plusieurs centaines de cheminots et sous-traitants a voté le principe d’une grève reconductible. Ce qui nous semble clair, c’est qu’une grève perlée ne peut pas tenir pendant trois mois – et que le gouvernement, de son côté, ne cédera pas face à un mouvement de cette nature. Il misera sur son isolement et son épuisement. En conséquence, pour arracher la victoire, il faudra que la grève perlée ne soit qu’une phase transitoire vers un mouvement de grève reconductible.
Tout cela sera discuté dans les AG de cheminots. S’ils sentent que le rapport de force leur est favorable, ils seront disposés à entrer dans une grève reconductible. Mais leur décision ne dépendra pas seulement du rapport de force interne à la SNCF. Elle dépendra aussi de la mobilisation – ou non – d’autres secteurs du salariat. A l’heure où nous écrivons ces lignes, les fédérations CGT des services publics et des transports appellent les travailleurs qui collectent, transportent et traitent les déchets, à une grève reconductible à compter du 3 avril. Ces salariés, dont les conditions de travail sont très difficiles et dangereuses, ont leurs propres revendications, bien sûr. Mais si elle se concrétise sur le terrain, leur mobilisation aura d’autant plus de force et d’impact qu’elle se développera en même temps que celle des cheminots. Réciproquement, elle renforcera la grève des cheminots. C’est une évidence.
L’idéal serait que d’autres fédérations syndicales organisent un mouvement reconductible à partir du 3 avril – ou, au moins, dans les jours suivant cette date. Nous savons bien que de telles mobilisations ne se « décrètent » pas dans les bureaux des directions fédérales. Mais au minimum, celles-ci devraient en expliquer la nécessité aux travailleurs et tenter de mobiliser dans ce sens – ce qu’elles ne font pas, pour la plupart. Pourtant, les manifestations du 22 mars ont montré la combativité de nombreux secteurs de la Fonction publique (entre autres). Les directions syndicales devraient s’appuyer sur cet élan pour mobiliser. Au lieu de cela, une nouvelle « journée d’action » est annoncée pour le 19 avril, 16 jours après le début de la grève des cheminots. Même si elle est massive, cette journée d’action n’aura d’impact que sur la base d’une vague montante de grèves dans différents secteurs de l’économie. Sinon, ce sera trop peu et trop tard.

Le spectre de Mai 68

La grève des cheminots ouvre une « fenêtre de tir » à la jeunesse et à l’ensemble du mouvement ouvrier. Mais cette fenêtre de tir, par définition, est limitée – en l’occurrence à quelques jours, tout au plus quelques semaines. La cible, c’est toute la politique réactionnaire du gouvernement Macron. Jusqu’où pourrait aller un tel mouvement, s’il démarre ? On ne peut d’avance en fixer la limite. Il y a près d’un demi-siècle, le 13 mai 1968, une grève générale de 24 heures a ouvert les vannes de la plus grande grève générale illimitée de l’histoire : pendant plusieurs semaines, 9 millions de travailleurs ont fait grève et, souvent, occupé leur entreprise.
La bourgeoisie française est toujours hantée par le souvenir de cette crise révolutionnaire. Mais ce qui est remarquable, c’est que ses représentants, au gouvernement et dans l’appareil d’Etat, commettent aujourd’hui le même type d’erreurs qu’il y a 50 ans. N’oublions pas que c’est la violence policière contre des étudiants, début mai 68, qui a poussé les directions syndicales à organiser une grève générale de 24 heures. Or ces dernières semaines, les étudiants en lutte contre la sélection à l’université ont subi une violence policière croissante – et les assauts de nervis d’extrême droite, comme à Montpellier. Chaque fois, cette violence radicalise la jeunesse et massifie son mouvement, au lieu de l’intimider. Comme en mai 68 !
Le mois d’avril peut être décisif. En déclarant la guerre aux cheminots, Macron l’a déclarée à toutes les couches exploitées et opprimées de la population. Partout, les militants de gauche et les syndicalistes doivent en prendre la mesure et organiser une riposte massive, quitte à bousculer le conservatisme des directions syndicales – comme en mai 68.

lundi 2 avril 2018

Le 3 avril, le train des ripostes accélère

La mobilisation nationale des cheminots du 22 mars a tourné à la démonstration de force. Et la grève, à l’appel de l’intersyndicale CGT, CFDT, Unsa ferroviaire et SUD rail, s’annonce suivie le 3 avril. Le même jour, un débrayage est annoncé à Air France et dans la collecte des déchets, tandis que le 19 avril, la CGT passe à nouveau à l’action. Le gouvernement craint la contagion...
Des pétards qui détonent. Des sifflets de train, des sonos qui hurlent, des manifestants qui s’époumonent en scandant des slogans hostiles à la réforme ferroviaire, à la direction de la SNCF, au patronat, au gouvernement et au « président des riches ». Beaucoup de bruit, mais aussi des sourires et des rires qui traduisent un état d’esprit combatif. Le 22 mars, les cheminots ont massivement répondu à l’appel de la CGT, rejointe par la CFDT, l’Unsa et SUD rail. Ils sont 25 000, selon les organisateurs, à avoir battu le pavé parisien. Ils auraient pu être plus nombreux si la direction, inquiète de ce succès annoncé, n’avait pas annulé plusieurs trains de manifestants. Avec la grève suivie à 35,4 % alors que seuls SUD rail et l’Unsa avaient déposé un préavis essentiellement pour permettre aux manifestants de se rendre à Paris, la mobilisation a tourné à la démonstration de force.
Loin de les assommer, le déchaînement de propagande les désignant comme des « privilégiés » a attisé leur colère. Ce « cheminot bashing », comme le dénonce Emmanuel, strasbourgeois et syndiqué CFDT, a même pour effet de ressouder les salariés entre eux alors que la désunion syndicale et les cloisonnements internes de l’entreprise, fruits des restructurations incessantes imposées par la direction, ont contribué à les diviser ces dernières années. Dans le cortège dominé par les couleurs de la CGT, beaucoup de jeunes et de non-syndiqués à l’image de Laura, guichetière à Paris qui, à 30 ans, défile pour la première fois et dit son « ras-le-bol » d’être désignée « responsable de la situation alors que, nous, subissons la dégradation des conditions de travail ». Les cadres, sur lesquels la direction avait pris l’habitude de s’appuyer pour réduire les effets des conflits en leur faisant remplacer des grévistes, sont aussi très nombreux. « Du jamais-vu, mon service Ingénierie et Développement est en grève à 50 % », témoigne David, syndiqué l’Unsa, « révolté contre la casse de l’entreprise » et « bien déterminé à obtenir l’abandon de la réforme ». Les adhérents des syndicats dits « réformistes » sont au diapason de ceux de la CGT. « Le service public n’est pas négociable », assène ainsi Rémy, conducteur de train, syndiqué CFDT, venu d’Alsace. Les Nancéiens Lucie et Julien, qui dansent en agitant le drapeau de leur syndicat CGT, ne cachent pas leur joie. « Il y a une vraie prise de conscience dans la SNCF. À part la direction, il n’y a plus grand monde pour soutenir le gouvernement », expliquent-ils. Absentes de la mobilisation contre la réforme ferroviaire de 2014, pourtant inspirée par la même logique que celle de Macron, la CFDT et l’Unsa sont, cette fois-ci, partie prenante. « La culture de l’Unsa, c’est la négociation, mais nos mandants sont en colère », explique son secrétaire général, Roger Dillenseger.
Le gouvernement, qui a perdu la bataille idéologique dans l’entreprise, va-t-il remporter celle de l’opinion ? Si, selon un sondage Odoxa paru le 23 mars, 58 % des personnes jugent qu’« une grève reconductible et illimitée n’est pas justifiée », elles sont 50 % à estimer que « le gouvernement doit tout faire pour éviter cette grève, quitte à renoncer à certains points de sa réforme ». Enfin, selon une autre enquête du même institut parue le 21 mars, 55 % des personnes interrogées trouvaient « justifiée » la mobilisation du 22 mars. Malgré le torrent de propagande déversé, rien n’est donc acquis pour le gouvernement, comme en témoignent les prises de position nouvelles en faveur des cheminots. « Depuis le 22 mars, nous recevons de nombreux mails d’usagers nous encourageant », explique Bruno Poncet, de SUD rail, qui, récemment, rapportait au contraire dans « l’Humanité Dimanche » (n° 600 du 8 au 14 mars) des manifestations d’hostilité. Inédit, une trentaine d’écrivains, d’artistes et d’intellectuels, dont Annie Ernaux, Laurent Binet, Étienne Balibar ou encore le cinéaste Robert Guédiguian, ont aussi lancé sur Mediapart un appel à la solidarité financière baptisé « Une cagnotte pour les cheminots grévistes » (www.leetchi.com/fr/Cagnotte/31978353/a8a95db7).
L’état d’esprit combatif des cheminots est-il contagieux ? En tout cas, le secrétaire général de la CGT services publics, Baptiste Talbot, estime que « le fatalisme et le doute sur la possibilité de gagner, nourris par le passage en force de la loi El Khomri et des ordonnances Macron, reculent dans les têtes ». Le syndicaliste en veut pour preuve « une présence accrue des jeunes et non-syndiqués » aux 180 manifestations qui ont rassemblé 500 000 personnes en France (cheminots compris) à l’appel de l’intersyndicale (CGT, CFE-CGC, FSU, FO, Solidaires, FA-FP, CFTC et CFE-CGC). Un nombre en progression par rapport à la précédente mobilisation (400 000, selon la CGT). Le ministère de l’Intérieur a compté, lui aussi, plus de manifestants (323 000, le 22 mars, contre 209 000, le 10 octobre).
Après le succès du 22 mars, le gouvernement assure qu’il ne reculera pas. En déplacement à Bruxelles le jour-même, Emmanuel Macron a affirmé que « l’impact (des mouvements sociaux) n’existe pas » et qu’ils ne sont pas de nature à conduire le gouvernement à revenir sur ce qui a commencé à être mis en œuvre ». Reste que cette sérénité affichée cadre mal avec l’attitude du gouvernement. Ainsi, selon la CGT, l’exécutif a tenté de minimiser la mobilisation dans la fonction publique en faisant « disparaître les grévistes ». Alors que le nombre de manifestants est en hausse, les taux de grévistes annoncés sont en léger recul par rapport au 10 octobre (12,8 % dans la fonction publique d’État, 8,11 % dans la territoriale et 10,9 % dans l’hospitalière). Symptôme de la fébrilité qui le gagne, le gouvernement lâche aussi du lest. Après la « correction » de la hausse de la CSG pour 100 000 retraités, annoncée le 21 mars par le premier ministre Édouard Philippe, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé, le 23 mars, qu’il proposerait « des rattrapages » de salaires aux métiers « mal payés » de la fonction publique.
Ces manœuvres visent à désamorcer la crise sociale qui couve. Le succès de la manifestation nationale des cheminots annonce une grève fortement suivie les 3 et 4 avril prochains. C’est aussi le 3 avril qu’a choisi l’intersyndicale d’Air France pour une nouvelle grève sur les salaires (voir page 19). C’est la même date que les fédérations CGT des transports et des services publics ont choisie pour appeler les éboueurs à une grève reconductible pour « la reconnaissance de la pénibilité ». L’exécutif n’en a pas fini non plus avec les fonctionnaires, dont l’intersyndicale devait se réunir le 27 mars au soir. Enfin, la CGT a annoncé une journée d’action interprofessionnelle le 19 avril prochain pour « les services publics, l’emploi et les salaires ».

Barrage de la Rance: les salariés contre la privatisation de la production hydraulique en France

Une cinquantaine de salariés EDF ont manifesté ce hier matin sur le barrage hydroélectriques de la Rance. Ils protestent contre la privatisation d'une partie des barrages en France suite  à la mise en application d'une directive européenne.
Bruxelles réclame depuis plusieurs années à la France l'ouverture à la concurrence de la production d'électricité hydraulique. Et les choses pourraient désormais s'accélérer avec l'accord donné par Emmanuel Macron. Le Président se met à dos la maison EDF. Il a accepté l’impensable aux yeux des électriciens : confier les clés d’une partie des barrages hydrauliques français - les plus grands et les plus rentables - à des opérateurs privés.

Faire "barrage à la privatisation des barrages"


Les salariés EDF des barrages se donc sont mobilisés ce matin pour faire "barrage à la privatisation des barrages"a l’appel de l’intersyndicale CGT-CFDT-CGC-FO.
A Dinard, sur le barrage de la Rance, une cinquantaine de manifestants ont exprimé leur inquiétude. Une partie d'entre eux est grimpé sur le toit du bâtiment EDF.


EDF exploite 433 barrages en France. 150 ouvrages seraient potentiellement reprenables par des opérateurs privés français ou étrangers dans les quatre prochaines années. Se sont les barrages dont les concessions arrivent à échéance. Le barrage de la Rance n'est pas concerné par cette première vague. A Dinard, la concession coure jusqu'en 2043.  Mais avec l'ouverture du marché à la concurrence, les salariés craignent l'étouffement des petits barrages, les barrages les moins rentables.

Gaza. Dimanche sous haute tension à la frontière avec Israël

Palestiniens de Gaza et militaires israéliens s'apprêtaient à une nouvelle journée sous haute tension dimanche à la frontière, tandis qu'à l'ONU, les Etats-Unis ont bloqué un projet de déclaration appelant à la retenue après la sanglante journée de vendredi.
Des milliers de Gazaouis ont pris part samedi aux funérailles des manifestants tués la veille lors d'affrontements avec l'armée israélienne, qui ont fait 16 morts côté palestinien, le bilan le plus meurtrier depuis la guerre de 2014. Des centaines de manifestants sont retournés samedi sur plusieurs zones près de la frontière entre Gaza et Israël pour poursuivre "la marche du retour", une protestation censée durer six semaines. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, ainsi que la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini, ont réclamé une "enquête indépendante" sur l'usage par Israël de munitions réelles.
Les Etats-Unis qui se sont dits "profondément attristés par les pertes humaines à Gaza", ont néanmoins bloqué samedi soir un projet de déclaration du Conseil de sécurité appelant "toutes les parties à la retenue et à prévenir toute escalade supplémentaire" et demandant une enquête sur les affrontements. Israël a défendu son armée qui, selon elle, a tiré contre des manifestants lançant des pierres et des cocktails Molotov sur les soldats, ou tentant d'endommager la clôture et de s'infiltrer en Israël. "Bravo à nos soldats", a écrit le Premier ministre Benjamin Netanyahi dans un communiqué. "Israël agit fermement et avec détermination pour protéger sa souveraineté et la sécurité de ses citoyens".
Les Palestiniens ont dénnoncé l'usage disproportionné de la force par Israël et des organisations de défense des droits de l'Homme ont questionné la nécessité de ces tirs à balles réelles. Le président palestinien Mahmoud Abbas a décrété samedi jour de deuil national et tenu Israël pour seul responsable des morts. Dans plusieurs villes de la bande de Gaza, une foule compacte a accompagné les cercueils de manifestants tués la veille. 
Selon le ministère de la Santé de Gaza, 35 personnes ont été blessées samedi lors de heurts le long de la frontière, mais leurs vies ne sont pas en danger. Des affrontements entre Palestiniens et forces israéliennes ont également éclaté à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie, tandis qu'une petite manifestation a eu lieu à Naplouse, plus au nord. Une grève générale est par ailleurs en cours dans Gaza "au bord de l'effondrement" selon l'ONU ainsi qu'en Cisjordanie.
La tension est vive depuis vendredi, lorsque l'armée israélienne a ouvert le feu sur des Palestiniens qui s'étaient approchés à quelques centaines de mètres de la barrière ultra-sécurisée séparant l'Etat hébreu de la bande de Gaza. Selon le ministère de la Santé de Gaza, 16 Palestiniens ont été tués et plus de 1.400 blessés, dont 758 par des tirs à balles réelles. Aucun mort ni blessé n'ont été signalés côté israélien. Le mouvement de protestation prévoit des rassemblements le long de la barrière de sécurité pour exiger le "droit au retour" des réfugiés palestiniens et dénoncer le strict blocus imposé par l'Etat hébreu à Gaza. La journée de vendredi a été la plus meurtrière depuis 2014, date de la dernière guerre entre Israël et le Hamas, qui observent depuis un cessez-le-feu tendu.
Des organisations de défense des droits de l'Homme se sont pour leur part interrogées sur la réaction des forces de sécurité israéliennes. "Les allégations israéliennes de violences par certains manifestants ne changent rien au fait que l'utilisation de la force meurtrière est interdite par le droit international, sauf pour faire face à une menace imminente", a affirmé l'ONG Human Rights Watch, jugeant le nombre de morts et de blessés "choquant".
La "grande marche du retour" a été lancée à l'occasion de la "Journée de la Terre", qui marque chaque 30 mars la mort en 1976 de six Arabes israéliens lors de manifestations contre la confiscation de terrains par Israël. Les Arabes israéliens sont les descendants de Palestiniens restés sur place à la création de l'État d'Israël en 1948.

dimanche 1 avril 2018

Carrefour : le bras de fer a commencé

Échirolles/Meylan/Saint-égrève - Hier, pour protester contre le plan Bompard, PDG du groupe, la grande majorité des salariés était en gréve.

C’était la grande effervescence hier, aux abords du Carrefour d’Échirolles. Dès l’ouverture du magasin, de nombreux grévistes étaient positionnés à l’entrée pour clamer haut et fort leur rejet du “plan Carrefour 2022”. Distribution de tracts, explications, déambulations dans la galerie marchande, chansons revisitées ont ensuite rythmé toute la journée.
Si les trois syndicats (Force ouvrière, Confédération française démocratique du travail, Confédération autonome du travail) étaient mobilisés, une grande majorité de salariés non syndiqués était aussi à leurs côtés. Au final, la mobilisation était quasi générale. « Nous sommes plus de 80 % de grévistes sur les 530 salariés que compte le magasin », estimait hier Frédéric Massicard, élu FO. Le jour de grève était un choix fort puisque le samedi du week-end pascal est l’un des plus fréquentés de l’année. Pour autant, de nombreuses caisses étaient ouvertes ce jour-là. « Elles étaient tenues par du personnel administratif et des jeunes en CDD », selon les grévistes. Quant à la clientèle, de toute évidence moins présente, elle s’est frayé un passage au travers des grévistes.

« Nous ne sommes pas transparents »

Ce mouvement puise ses origines dans les annonces du “plan Bompard”, du nom du PDG du groupe. En jeu, des fermetures de magasins, des restructurations, des réductions de surface, l’automatisation de certains postes… « En tout, 5 200 emplois sont supprimés. Il ne faut pas nous raconter des salades. Les actionnaires n’ont jamais fait autant d’argent », poursuivait la syndicaliste CAT. « Si on constate que les résultats sont moins bons que par le passé, ils restent toujours bons, expliquait Frédéric Massicard. Ce n’est pas une situation critique. Et puis, les actionnaires se sont quand même partagé 350 millions d’euros. Mais la goutte qui a fait déborder le vase est la prime de participation : 57 euros pour nous cette année, alors qu’elle tournait autour des 600 euros auparavant. Pas d’annonce, nous l’avons découvert le jour même. Il y a eu beaucoup d’incompréhension et de colère, de l’écœurement aussi. » La suite ? « Aujourd’hui, nous revendiquons notre mécontentement, notre désarroi. Ce n’est que le début de la crise à Carrefour ! Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu des gens motivés comme ça », indiquait la porte-parole de la CFDT. « On vient de rentrer dans un bras de fer. La direction ne peut pas faire la sourde oreille à nos revendications. Nous ne sommes pas transparents, soufflait M. Massicard. Les chiffres vont tomber. Nous verrons si d’autres actions seront menées. »

rève

Universités. La colère monte dans les facs

Dans un contexte de fortes tensions, à la suite des violences de la semaine dernière, la fronde contre le « plan étudiant » du gouvernement prend de l’ampleur. Elle pourrait franchir un cap avec la journée de mobilisation du 3 avril.
Ils allaient peut-être un peu vite en besogne, ceux qui, au gouvernement et ailleurs, pensaient pouvoir se frotter les mains en observant un mouvement contre le « plan étudiant » qui peinait à prendre son envol. Cette semaine, plusieurs facs ont bel et bien franchi un cap dans la mobilisation – et beaucoup d’éléments semblent réunis pour que les choses ne s’arrêtent pas là.
À Toulouse, le blocage du campus Jean-Jaurès (sciences humaines) est effectif depuis le début du mois et une assemblée générale (AG) monstre, rassemblant quelque 2 500 étudiants, a voté, le 26 mars, la poursuite du mouvement. Il faut dire que la situation dans cette université (anciennement le Mirail) est particulièrement tendue : en grève depuis trois mois contre un projet de fusion des trois campus de la Ville rose, Jean-Jaurès a vu la ministre Frédérique Vidal démettre sa direction et nommer un administrateur provisoire, le 20 mars.
À Nantes, ils étaient 600 en AG le 22 mars, puis 1 000 le 27. Le même jour, on a compté des AG de 200 personnes à Rouen ou Poitiers, plus de 300 à Strasbourg, 700 à Lille, entre 600 et 700 à Bordeaux… D’autres AG se sont tenues dans des universités restées plutôt calmes jusque-là, comme à Angers ou Grenoble. À Nancy, les étudiants de l’université de Lorraine se sont retrouvés à près de 1 000 en AG ; 600 ont voté en faveur du blocage de la fac, 300 contre. Président de l’Unef sur le campus lorrain, Luc Duponcel explique : « Le but n’est pas d’empêcher les gens d’aller en cours, mais de montrer à ce gouvernement que les étudiants ne veulent pas de son plan. Il faut aussi permettre à ceux qui ne prennent pas part au mouvement de comprendre que leurs ennemis ne sont pas les bloqueurs, mais le gouvernement et sa loi pour l’université. » Ce syndicaliste étudiant dénonce au passage les tentatives pour dresser les uns contre les autres, telle cette page Facebook « anti-blocages » créée, selon lui, par des « Jeunes avec Macron »…

« Les étudiants s’intéressent, prennent et lisent le tract »

De fait, il semble qu’il ne se passe plus de mouvements dans les universités sans qu’une opposition très concrète, voire physique, se fasse jour. Les événements survenus à la fac de droit de Montpellier dans la nuit du 22 au 23 mars (lire ci-contre) en constituent l’exemple le plus retentissant. D’autres violences se sont produites depuis dans les facs de Lille ou de Tolbiac (Paris-I). Des faits « révélateurs des difficultés qu’affrontent désormais les étudiants quand ils veulent s’exprimer dans les facs ou protester contre la loi ORE (orientation et réussite des étudiants – NDLR) du gouvernement et sa volonté d’instaurer une sélection à l’entrée de l’université », analyse Antoine Guerreiro, secrétaire général de l’Union des étudiants communistes.
Il ne faut sans doute pas aller chercher ailleurs une des principales raisons du regain de vigueur dans les AG. « Les étudiants sont en colère », explique-t-on à l’Unef. Lola, étudiante en licence de sociologie à Toulouse Jean-Jaurès et membre de l’UEC, le constate également : « Depuis les violences de la semaine dernière, les étudiants ont envie de s’impliquer aussi pour s’opposer à ces groupuscules fascisants », assure-t-elle. « Jamais personne ne devrait se faire frapper dans une université pour ce qu’il dit, pour ses opinions. Du coup, les étudiants s’intéressent, ils prennent et lisent le tract qu’ils auraient refusé dans d’autres circonstances, ils viennent aux AG alors qu’ils n’y seraient pas venus sinon », constate Antoine Guerreiro. Pour lui, « le potentiel de mobilisation que la loi ORE n’avait pas suffi à réveiller est en train de se concrétiser ».

« Nous observons une vraie dynamique »

C’est également l’analyse de Lilâ Le Bas, la présidente de l’Unef. « On observe une vraie dynamique avec plus d’une quinzaine d’universités en mouvement, y compris des établissements comme Strasbourg qui n’ont pas forcément l’habitude de se mobiliser. Les étudiants viennent à la fois pour refuser la mise en place de la sélection à la fac, mais aussi pour manifester leur opposition à toute forme de violence qui voudrait les empêcher de s’exprimer. » Seule la Fage (Fédération des associations générales étudiantes, aujourd’hui la première organisation sur les campus), relativise le mouvement actuel. « Les mobilisations de jeunes prennent souvent plus sur les émotions », se contente de commenter son président, Jimmy Losfeld, qui n’a guère varié dans son soutien à la loi ORE.
Il faut dire qu’il y a de quoi en avoir, de l’émotion, face à l’état des facs, quelque dix ans après les premières lois de libéralisation de l’université. Le manque de moyens y est devenu insupportable et aujourd’hui « on doit affronter les premières conséquences du baby-boom des années 2000 », souligne Antoine Guerreiro, avec un afflux massif de bacheliers qui ne fait que commencer. Dernier élément qui risque de jouer sur la mobilisation : le projet de révision des modalités de validation de l’année universitaire et de la compensation entre les différentes matières. Une réforme qui va toucher non pas les futurs étudiants, mais ceux qui passent leurs examens dans quelques semaines.
Autant de facteurs qui pourraient faire du mardi 3 avril un rendez-vous important. La Coordination nationale étudiante a en effet adopté, cette semaine, un appel à une mobilisation nationale à cette date. Qui est aussi le premier jour du mouvement de grève nationale des cheminots. Et on a déjà observé par le passé, notamment en 1995, que les facs se mobilisent d’autant plus vigoureusement qu’elles se sentent moins seules…