Une
défaite de Marine Le Pen à la présidentielle, pour laquelle se mobilise
la France républicaine, ne dégagerait pas complètement l’horizon. Le
parti d’extrême droite doit être désarmé, y compris aux élections
législatives. Comme les politiques qui le promeuvent.
Depuis plusieurs jours court sur la Toile cet extrait de
Contre le fascisme : 1922-1940, de Léon Trotski, qui résume l’état
d’esprit de nombreux électeurs de gauche : « Si l’un de mes ennemis
m’empoisonne chaque jour avec de faibles doses de poison, et qu’un autre
veut me tirer un coup de feu par-derrière, j’arracherai d’abord le
revolver des mains de mon deuxième ennemi, ce qui me donnera la
possibilité d’en finir avec le premier. » Tout est question de priorité.
Si Marine Le Pen doit être battue, c’est qu’elle porte un projet
autoritaire de nature fasciste, qui se lit dans son aversion pour
l’étranger (lire notre édition d’hier), mais plus encore dans cette
citation de Gilles Lebreton, conseiller de la candidate frontiste,
interrogé par le Canard enchaîné : « Si la nouvelle assemblée nous est
hostile, nous changerons la loi électorale par un référendum organisé
dès l’été prochain, puis la présidente dissoudra l’Assemblée
nationale. » La nouvelle serait élue selon les règles édictées par le FN
dans sa révision constitutionnelle : proportionnelle intégrale avec
« prime majoritaire de 30 % des sièges à la liste arrivée en tête ». La
démocratie au pied-de-biche en quelque sorte…
Dans la foulée de l’élection présidentielle, le retour
d’un groupe FN à l’Assemblée nationale, comme entre 1986 et 1988, serait
une très mauvaise nouvelle. Même une poignée d’élus d’extrême droite
négociant ses votes, pour un budget de l’État par exemple, pourrait
obtenir des garanties pour l’application de sa propre politique. Au
Danemark par exemple, « pendant dix ans, en échange du soutien (du Parti
populaire danois, troisième parti du pays – NDLR) indispensable pour
gouverner, la majorité (Venstre, parti libéral – NDLR) a fait appliquer
des mesures ultraradicales sur l’immigration jusqu’alors jamais vues en
Europe », notaient les auteurs du documentaire le Populisme au féminin,
sorti fin 2013. La priorité nationale votée malgré un FN minoritaire ?
Possible…
La logique de précarisation des travailleurs...
Enfin, la légitimation d’une opposition Front national
sans rapports de forces avec une gauche revendicative dédouanerait les
libéraux, de droite ou de gauche, qui pourraient poursuivre des
politiques antisociales au nom du « moins pire », dans la continuité de
celles menées sous les quinquennats Sarkozy et Hollande. Ils n’auraient
pas trop à se forcer, à lire les prises de position frontistes au moment
du débat parlementaire sur la loi El Khomri. Car si Marine Le Pen, ces
derniers jours, répétait tout le mal qu’elle pense de cette loi qu’elle
dit vouloir « abroger », ses représentants au Sénat, Stéphane Ravier et
David Rachline, avaient déposé des amendements renforçant la logique de
précarisation des travailleurs : suppression aussi bien du compte
pénibilité que de l’article sur le harcèlement sexuel, doublement des
seuils sociaux (de 50 à 100 salariés) afin de repousser une meilleure
prise en considération des salariés, réduction à deux mois de la période
de difficultés économiques permettant les licenciements du même nom,
défiscalisation des heures supplémentaires, exonération des cotisations
sociales… Preuve que quand le FN s’active dans l’Hémicycle, le sort des
travailleurs est sacrifié au bien-être du capital. Dans les villes qu’il
dirige, c’est la même logique qui est à l’œuvre. À contresens de la
communication frontiste sur sa gestion (« Choisir une mairie FN, c’est
l’adopter », dit-il), celles et ceux qui vivent au quotidien les
humiliations et la chasse aux pauvres racontent pour l’Humanité l’avenir
en brun que nous promet Marine Le Pen.
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