L’Allemagne et le Royaume-Uni sont à la peine. Au deuxième trimestre, le PIB de ces deux grandes puissances a reculé de 0,1% et 0,2 % respectivement. Outre-Rhin, le repli s'explique surtout par la mauvaise dynamique des exportateurs allemands. Ils souffrent de l'impact de la guerre commerciale imposée par Donald Trump, qui a dans son collimateur la Chine, mais aussi l’Europe. L'Allemagne "fait les frais" de ces tensions "car son industrie est très orientée à l'exportation", comme dans l'automobile, a expliqué le ministre allemand de l'Economie, Peter Altmaier, rapporte l’AFP. Dans le quotidien populaire Bild, il a évoqué un trimestre qui sonne comme un "signal d'alarme" et un "avertissement". Si la première puissance européenne devait accuser lors du troisième trimestre en cours une nouvelle contraction de son activité, elle basculerait dans ce qui est techniquement défini comme une récession, à savoir deux trimestres consécutifs de contraction du PIB. Un funeste sort, auquel elle n’avait échappé que de justesse l’an dernier.
La situation du Royaume-Uni n’est pas plus reluisante. Le PIB a accusé son premier trimestre de baisse de l'activité depuis fin 2012, alors que les analystes prévoyaient une croissance nulle. Si les chiffres du PIB représentent un coup d'oeil dans le rétroviseur, l'horizon n'est guère plus réjouissant dans la mesure où les chances d'un Brexit sans accord (no deal Brexit ou hard Brexit) "se sont renforcées avec le gouvernement de Boris Johnson", souligne Joe Manimbo de Western Union, cité par l’AFP. Boris Johnson, qui a remplacé Theresa May à la tête du Parti conservateur et du gouvernement britannique, a promis que le Brexit aurait lieu le 31 octobre prochain quoi qu’il arrive, avec ou sans accord de divorce, malgré l'opposition de nombreux députés à un hard Brexit. Un scénario de nature à plomber la croissance du Royaume-Uni.

Risque élevé de récession en Allemagne et au Royaume-Uni à l’issue du trimestre en cours

Les indicateurs avancés du troisième trimestre 2019 sont “encore plus mauvais que ceux du deuxième, tant outre-Manche qu’outre-Rhin”, rapporte l’économiste Marc Touati, président du cabinet ACDEFI. Dans ces conditions, il “est clair qu’un nouveau recul du PIB est inévitable pour le troisième trimestre”, selon lui. Et ce, pour de multiples et diverses raisons. “Deux des origines de cette descente aux enfers sont communes. La première est relative à l’effondrement de l’activité industrielle, en particulier dans le secteur automobile. La seconde, qui est d’ailleurs aussi l’une des causes de la première, tient à la baisse du commerce mondial, elle-même liée à l’exacerbation des tensions protectionnistes à travers la planète”, explique l’expert.
Les autres facteurs explicatifs de la baisse des PIB allemand et britannique divergent. Au Royaume-Uni, les incertitudes et les atermoiements autour des conditions du Brexit ont bien sûr un impact sur l’économie. Et malheureusement, les évolutions récentes indiquent que ces déboires sont loin d’être terminés. “Le PIB pourrait encore chuter davantage au cours des prochains trimestres. N’oublions pas qu’un hard Brexit - c’est-à-dire sans accord précis et avec instauration de visas et de barrières douanières contraignantes - pourrait coûter au bas mot 1 point de PIB par an”, juge Marc Touati.
En Allemagne, les incertitudes sur l’avenir de l’Union européenne pèseront sur l’activité, mais c’est surtout le ralentissement économique du monde émergent - et de la Chine en particulier - qui pèse sur la dynamique de croissance. Une dynamique que les Allemands ont basé “sur leur suprématie industrielle et leurs avantages compétitifs à l’international. Dès lors que le commerce mondial et les pays émergents souffrent, l’économie allemande peine encore plus que ses consœurs occidentales”, relève l’économiste. L’Allemagne ne peut pas gagner à tous les coups : “les atouts qui lui ont permis d’être plus forte que les autres en 2010-2017 (une période d’expansion économique exempte de guerre commerciale, NDLR), en l’occurrence son industrie et ses échanges internationaux, sont désormais devenus des handicaps”, souligne-t-il.

L’économie française ne devrait pas s’en sortir indemne

Pour l’heure, l’économie française se porte mieux que celle de l’Allemagne. Cette meilleure santé relative est toutefois à relativiser. En effet, il ne faut pas oublier que depuis le point bas de 2009, le PIB allemand a progressé de 21,3% alors que celui de la France a augmenté de 14,4%. Surtout, “il serait vain de croire qu’à l’image du nuage de Tchernobyl, qui devait s’arrêter à la frontière française, la baisse du PIB ne passera pas le Rhin. En effet, l’Allemagne demeure notre premier partenaire commercial et représente plus de 30% du PIB de la zone euro. Dès lors, un mouvement de contagion est inévitable”, met en garde Marc Touati.
Les indicateurs avancés de la zone euro et de la France ont déjà fortement reculé ces derniers mois. De plus, un hard Brexitaffecterait aussi l’économie française et celle de la zone euro. D’ailleurs, depuis le vote en faveur du Brexit lors du référendum du 23 juin 2016, la forte dépréciation de la livre Sterling “a déjà nettement réduit les exportations françaises vers le Royaume-Uni, qui est, rappelons-le, le sixième partenaire commercial de la France avec près de 7% de ses exportations. Parallèlement, les investissements britanniques vers la France se sont également réduits”, rappelle Marc Touati. Or, un choc sur la conjoncture dans l’Hexagone serait malvenu, alors que notre pays doit déjà composer avec la difficile équation d’une croissance molle et d’une dette publique élevée, égale au PIB !