Dans une tribune, Éric Toussaint, maître de conférences à
l’université de Liège, président du CADTM Belgique, membre du Conseil
scientifique d’Attac nous explique comment enrayer le fléau de la spéculation
sur les monnaies.
Les banques sont les principaux acteurs sur le marché des
devises et elles entretiennent une instabilité permanente des taux de change.
Plus de 95 % des échanges de devises sont de type spéculatif. Une infime partie
des transactions quotidiennes en devises concerne des investissements, du
commerce de biens et de services liés à l’économie réelle, des envois de
migrants. Le volume quotidien des transactions sur le marché des devises
tournait en 2013 autour de 5 300 milliards de dollars ! Les banques qui disposent,
comme les fonds de placement mutuel, de très importantes liquidités en usent et
en abusent en poussant des monnaies à la baisse ou à la hausse afin d’obtenir
des gains sur les différentiels de taux de change. Les banques jouent également
de manière déterminante sur des dérivés de change qui peuvent provoquer des
pertes considérables, sans compter les méfaits de l’instabilité des monnaies
pour l’ensemble de la société. À partir de mai 2013, les monnaies de grands
pays dits émergents (Inde, Brésil, Afrique du Sud, Russie, Turquie, Argentine…)
ont été soumises à des attaques spéculatives et ont perdu dans certains cas
jusqu’à 20 % de leur valeur. Le taux de change entre le dollar et l’euro est aussi
l’objet de la spéculation.
Le marché des changes constitue le compartiment du marché
financier global qui, aux côtés du marché des dérivés, a enregistré la plus
forte croissance. Entre 1970 et 2013, le volume des transactions sur les
monnaies a été multiplié par plus de 500 (passant d’un peu plus de 10 milliards
à 5 300 milliards de dollars par jour). Alors qu’en théorie, la fonction
principale des marchés des changes est de faciliter les échanges commerciaux
internationaux, en 2013, le montant des transactions liées aux échanges de
marchandises ne représentait même pas 2 % du montant des transactions quotidiennes
sur le marché des changes.
En 1979, il fallait l’équivalent de 200 journées d’activité
sur les marchés de change pour atteindre le volume annuel des exportations
mondiales. En 2013, 3,5 journées d’activité sur les marchés de change
suffisaient à atteindre le volume annuel des exportations mondiales de
marchandises. Cela indique à quel point les activités des marchés monétaires
sont déconnectées de l’économie productive et du commerce des marchandises.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire