Les ouvriers sont le plus souvent absents des conseils
municipaux. Même dans les territoires ruraux où ils constituent le premier
groupe d’actifs, ils y sont très peu représentés. Avant les élections
municipales de mars 2014, Terrains de luttes poursuit l’exploration des
conditions de la marginalisation politique des classes populaires. Nous
republions un entretien avec Julian Mischi, sociologue qui travaille sur le rapport
populaire au politique.
Des ouvriers maintenus à distance de la vie politique locale
Quelles sont les caractéristiques de la « classe ouvrière
rurale » que vous évoquez dans vos travaux ?
Julian Mischi : En France, la majorité de la population
active se trouve en ville, mais lorsqu’on se penche sur la répartition des
actifs selon les types d’espaces, la proportion des ouvriers en milieu rural
est supérieure à celle que connaissent les zones urbaines (32% contre 20%). Le
déclin des classes populaires est en outre une fausse idée car, sur un plan
global, l’addition des ouvriers et des employés, c’est 55 % de la population
active de notre pays.
Quelles sont les spécificités de cette classe ouvrière
rurale par rapport aux ouvriers dit urbains?
J.M : En milieu rural, on trouve les fractions les plus
fragiles en matière d’emploi, avec des emplois mal rémunérés et beaucoup moins
qualifiés qu’en ville. Ces ouvriers travaillent le plus souvent dans de petites
unités de productions où les rapports hiérarchiques sont resserrés entre salariés
et patrons. A la différence de la catégorie des cadres, les ouvriers ruraux
vivent et travaillent souvent dans le même espace. Si les ouvriers partagent
des mêmes conditions de travail et de vie, ils partagent de moins en moins la
même culture de classe. Celle-ci a été fragilisée par des systèmes de
rémunération au mérite, une individualisation et une atomisation des conditions
au travail. De plus, les réseaux associatifs, d’éducation populaire et
d’organisations ouvrières perdent en influence. Ce phénomène s’est accentué
dans les campagnes.
L’ancrage local des ouvriers semblait être un facteur majeur
d’engagement au sein des conseils municipaux ; quels processus ont amené au
déclin de la représentation municipale des ouvriers ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire