Emmené par des députés Renaissance soutenus par LREM, le Parlement européen a voté en faveur de projets gaziers et de l’accord commercial avec le Vietnam. « A chaque fois qu’il faudrait remettre en cause le Business as usual, ces députés font primer les intérêts économiques sur l’urgence écologique et sociale », dénonce l’économiste Maxime Combes dans cette tribune.
Le Green Deal, ce fameux « pacte vert », devait servir de boussole à la nouvelle Commission européenne. Celle-ci promettait que l’urgence climatique, instaurée comme la super priorité du mandat, allait irriguer l’ensemble des politiques européennes – énergie, industrie, transports, agriculture... – pour atteindre la « neutralité carbone » d’ici 2050. En deux votes au Parlement européen ce mercredi, les députés viennent de mettre un sérieux coup de canif à cette ambition.
Par 443 voix (droite conservatrice, libéraux et centristes principalement) et 169 voix contre, ils ont d’abord entériné une liste de « projets d’intérêt commun en matière énergétique » (liste PCI) pour les années à venir. Plus d’un tiers de ces projets concernent la construction d’infrastructures gazières. Ces 55 nouveaux projets avoisinent un montant global de 29 milliards d’euros. Ils représentent l’équivalent de 338 gigawatts (GW) de capacités supplémentaires, qui viendraient s’ajouter aux 2000 GW déjà existants, alors que l’UE est en surcapacité : les scénarios climatiques de long terme de la Commission européenne indiquent que la consommation de gaz devrait diminuer de 29% d’ici à 2030, et de 60 à 90% d’ici à 2050.
Si ces projets devaient effectivement être construits, la dépendance au gaz de l’économie européenne serait aggravée pour de nombreuses décennies, retardant ainsi la transition énergétique en Europe. Parmi ces projets inutiles se trouvent le gazoduc trans-adriatique (TAP) traversant l’Italie, l’Albanie et la Grèce, le terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) Shannon en Irlande, pour importer du gaz des États-Unis, le terminal flottant de GNL croate sur l’île touristique de Krk ou encore le gazoduc Eastmed reliant Israël à Chypre et à la Grèce.
Le droit du commerce contre les exigences climatiques et écologiques
Plutôt que s’opposer à cette liste de projets gaziers, le président de la commission environnement du Parlement européen, Pascal Canfin, a voté en faveur de ces projets. Au motif que la Commission européenne s’est engagée oralement à évaluer ces projets dans les mois à venir. Pascal Canfin essaie de faire croire que voter pour des projets gaziers aujourd’hui serait le meilleur moyen de les arrêter demain. Ce vote offrait pourtant la possibilité d’envoyer un message clair à l’industrie gazière, qui ne cesse de faire du lobbying à ce sujet, en faisant la démonstration que leurs projets inutiles ne seraient plus acceptés et financés sur fonds publics. Alors que des millions de jeunes mobilisés pour le climat exigent des mesures immédiates, la grande majorité des députés de la liste Renaissance, soutenue par LREM et le Modem, et les députés de droite, ont préféré reporter à plus tard ce qui aurait pu être décidé ce mercredi.
Ce même jour, une alliance similaire regroupant la droite conservatrice, les libéraux et la majeure partie du groupe socialiste et démocrate, a voté en faveur des accords de commerce et d’investissement entre l’UE et le Vietnam. Le 15 janvier dernier, le Parlement européen avait pourtant voté une résolution sur le Green deal exigeant que « tous les accords internationaux en matière de commerce et d’investissement comportent des chapitres solides, contraignants et applicables en matière de climat et d’environnement ».
Les accords UE-Vietnam votés à peine un mois plus tard ne satisfont pas cette exigence : les chapitres sur le développement durable ne sont ni contraignants ni exécutoires, et ces accords font toujours primer le droit du commerce et de l’investissement sur les exigences climatiques et écologiques. Dans une déclaration publiée en amont du vote, 68 ONG, associations et syndicats appelaient à ne plus « ratifier des accords de commerce qui concourent à approfondir la mondialisation des échanges et l’aggravation des émissions de gaz à effet de serre et la crise écologique », qui plus est lorsque c’est « avec des pays qui ne respectent pas les droits humains et sociaux et les libertés fondamentales ».
En votant massivement pour cet accord, la droite conservatrice alliée aux libéraux et centristes, dont les députés Renaissance élus avec l’appui d’Emmanuel Macron, font la démonstration que leurs engagements de campagne visant à « faire évoluer la politique commerciale européenne » n’étaient que des paroles sans lendemain. Conséquence, le « Green Deal » qui devait révolutionner l’Union européenne est déjà remisé : à chaque fois qu’il s’agit de prendre des décisions qui pourraient remettre en cause le Business as usual, ces députés choisissent toujours de faire primer les intérêts économiques au détriment de l’urgence écologique et sociale.
À se demander si la Commission n’a pas seulement repris le terme « Green Deal » pour le vider de sa substance, et en faire un fanion agité partout pour tenter de masquer qu’il s’agit, en réalité, de ne surtout rien changer aux règles qui organisent cette fabuleuse machine à réchauffer la planète qu’est notre système économique.
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