Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’aggravation de la crise sanitaire, qui s’étend désormais à tout le territoire national, notre pays doit faire face à un lourd danger.
Mon groupe, à l’instar du Sénat tout entier, se tient aux côtés des malades et des familles touchées au cœur. Nous soutenons le personnel hospitalier, du chef de service à l’aide-soignante et au personnel chargé du nettoyage : ils sont debout, avec des moyens si faibles face à l’ampleur du mal qui s’abat. Nous saluons leur courage, leur dévouement, leur prise de risque terrible.
De même, nous saluons tous les salariés, artisans et agriculteurs qui continuent à faire vivre le pays, souvent sans protection – j’y reviendrai – et sous la menace d’une remise en cause programmée de leurs droits. Nous saluons les fonctionnaires, notamment pompiers et policiers, qui travaillent sans relâche à garantir la sécurité du pays.
Reste que l’examen par l’Assemblée nationale des textes instaurant l’état d’urgence sanitaire a confirmé nos craintes.
Pourquoi une telle dérogation démocratique pour l’état d’urgence sanitaire, beaucoup plus importante que pour l’état d’urgence classique ? Nous ne comprenons pas. Associer le Parlement et les forces politiques au combat contre la maladie devrait être considéré non comme un handicap, mais comme un atout ! C’est pourquoi nous avons proposé la mise en place d’un comité de suivi national et pluraliste. Si nous sommes tous unis dans la lutte contre le Covid-19, toutes les opinions doivent être entendues pour agir au mieux, rassembler et se faire comprendre.
Prévoir par dérogation que, pour la crise en cours, l’accord du Parlement sur les mesures prises ne sera pas nécessaire pendant une période de deux mois, contre douze jours lors des précédents états d’urgence, n’est pas acceptable. Nous refusons de confier les pleins pouvoirs au Gouvernement pendant deux mois dans de telles conditions ! Ce qui, du reste, ne paraît pas conforme à l’esprit de la Constitution.
Dans cette lutte, la démocratie est la grande oubliée – elle qui, dans ces moments difficiles, devrait au contraire être constamment convoquée.
Notre conviction est d’autant plus forte que l’Assemblée nationale a renforcé encore les prérogatives du Premier ministre.
Nous refusons également l’instauration d’une sorte d’état d’urgence sanitaire de droit commun, d’une durée d’un mois, inscrit dans le code de la santé publique.
Nos craintes sur les mesures sociales du projet de loi sont, elles aussi, confirmées - nous ne sommes plus dans l’état d’urgence sur ce point. En effet, même si l’article 7 du projet de loi permet des accords d’entreprise ou de branche, il prévoit encore des dérogations profonde au droit du travail, qui pourront – sauf si quelqu’un me prouve le contraire maintenant… –, s’étendre sur des années, voire devenir permanentes.
Temps de travail, congés payés, travail le dimanche : dans tous les secteurs, ce sont encore une fois les salariés que vous voulez mettre à contribution pour sauver les trésoreries des entreprises, certainement pas les actionnaires ! Votre refus de rétablir l’ISF dans le projet de loi de finances rectificative est à ce titre symbolique.
Aujourd’hui, c’est la vie des familles, du monde du travail qu’il faut protéger. Le confinement – c’est une évidence – doit être respecté, sans écart ; mais nous désapprouvons les sanctions disproportionnées votées dans la précipitation de l’Assemblée nationale.
Au moment même où le gouvernement italien annonce l’arrêt de toute activité de production non essentielle, Mme Pénicaud se félicite de pouvoir contraindre les salariés du BTP à reprendre le travail, tandis que M. Le Maire pousse dans le même sens en agitant l’idée d’une prime de 1 000 euros. Non ! Il faut stopper l’activité là où c’est possible, en maintenant le revenu de tous durant cette période.
Surtout, où est l’urgence sanitaire ? Ce texte ne peut être dissocié du projet de loi de finances rectificative. Où sont les moyens pour l’hôpital ? Où est l’effort déterminant pour la mise à disposition de matériels ? L’inquiétude sur le manque de masques, de médicaments et de tests pour la population et même pour les personnels de santé devient criante : le Gouvernement entend-il vraiment leur désespoir ? Où sont les réquisitions d’entreprises pour la sauvegarde nationale ? Quand allez-vous rouvrir et nationaliser des sociétés indispensables, comme l’usine Luxfer, productrice du matériel pour l’oxygénothérapie ? Quand allez-vous annoncer un plan pour l’hôpital digne de ce nom ?
Comme je l’ai souligné en première lecture, l’heure est à l’action et à la mobilisation générale pour la protection de tous. Avec détermination, nous serons de ce combat.
Le débat sur les causes profondes de cette situation de catastrophe dans un pays aussi riche que la France aura lieu. Une chose est certaine : la solidarité et la santé devront faire partie de nos priorités au cœur de la reconstruction à venir.
Monsieur le ministre, ce texte, parfaitement conforme à votre projet politique, sollicite largement les travailleurs, parmi lesquels les plus exposés, alors que les forces de l’argent sont encore et toujours protégées. C’est donc en toute responsabilité que, à l’exception de deux de nos membres rattachés, nous voterons contre ce texte clairement déséquilibré et qui, de surcroît, n’est pas à la hauteur de la crise sanitaire !
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