A l’heure des bilans, il y a si peu à dire sur le logement. Les Français ont beau y consacrer 25,4% de leurs revenus (contre 15% il y a 30 ans), les pouvoirs publics sont étonnamment amorphes sur le sujet. Comme si, à la différence des transports ou des banques, le domaine ne relevait pas des politiques publiques. Comme si la hausse de ce poste de dépense ne contribuait pas à la baisse du pouvoir d’achat. Comme si le logement était un marché comme un autre, un bien dont on pouvait se passer.
Mesure phare de la loi Boutin votée en début d’année, la «maison à 15 euros par jour» n’a généré que dix constructions (pour 7500 dossiers en cours). Faute d’appartements disponibles, le Droit au logement opposable (DALO) reste une chimère. Les accédants propriétaires ne bénéficient toujours d’aucun secours lorsqu’ils font face à un accident de la vie (divorce, perte d’emploi, etc.). Quant aux maires qui ne respectent pas les 20% de logements sociaux dans leur commune, ils ne sont nullement dissuadés de bafouer la loi.
Benoist Apparu, nommé secrétaire d’Etat, ne semble pas parti pour prendre les choses en main. Il se dit dans son entourage que sept lois sur le logement en sept ans, cela suffit bien. Et que c’est donc sur la question de l’hébergement des sans-abri que le secrétaire d’Etat entend laisser une trace. Comme si le logement et l’hébergement ne constituaient pas une seule et même chaîne.
Ce désintérêt se mesure à l’examen du budget de l’Etat. Depuis 2000, le taux d’effort des pouvoirs publics pour le logement est passé de 2,03% du PIB à 1,1%. La baisse atteint près de 20% pour
la période 2008-2011.
L’aide à la construction de logements sociaux a chuté de 800 millions d’euros en 2008 à 480 millions en 2010. La subvention par logement social est en baisse de 60%. Le budget du 1% logement
a été ponctionné pour subvenir au désengagement de l’Etat, alors que ces deux ressources s’additionnaient jusqu’à présent.
Mais qu’aurait donc fait le gouvernement s’il n’avait pas déclaré le logement «Chantier national prioritaire» ? Aurait-il détruit des quartiers d’habitation au bulldozer pour y planter des pommes de terre ?
Défiscalisation
Pour juguler la crise du logement, à peine atténuée dans les zones tendues par la baisse des prix de l’immobilier, l’Etat semble penser qu’il suffit de poursuivre les aides aux personnes (les allocations
logement), qui augmentent mécaniquement (+8% cette année) lorsque la situation économique des ménages se dégrade.
De l’avis de tous les spécialistes, il manque pourtant 900.000 logements aujourd’hui en France. En Ile-de-France, le déficit s’alourdit de 30.000 logements chaque année. Sur l’ensemble du pays, et tous logements confondus, l’Etat espérait 500.000 constructions en 2009. Sans qu’on puisse le reprocher au pouvoir en place, la crise est passée par là : en un an, seulement quelque 300.000 constructions auront été entamées.
Or que fait le gouvernement ? Il propose un seul dispositif, le Scellier, voté en janvier, dans la lignée des Méhaignerie, Périssol, Besson, de Robien et Borloo, afin de soutenir le secteur de la construction et ses emplois. Mais le Scellier fait plus fort que ses prédécesseurs : il permet à un propriétaire de défiscaliser 25% de son investissement s’il loue son appartement pendant les neuf premières années. Le tout sans contrepartie sociale.
Selon les calculs de la fondation Abbé-Pierre, «la loi Scellier permet une réduction maximale qui varie entre 75.000 et 111.000 euros selon les durées et s’il y a ou non couplage avec d’autres dispositifs». En clair, «la dépense moyenne de l’Etat pour un logement social (36.482 euros), qui appartient ensuite quasiment au patrimoine de l’Etat, est deux fois moins importante que la perte de recettes pour inciter fiscalement à la production d’un logement locatif privé» .
Seul problème : alors que 60% des Français sont éligibles au logement social, il semblerait, au vu des plafonds pratiqués et selon les calculs de la Fondation, que ne se logeront dans le Scellier que les 25% des ménages les plus riches.
Faut-il également rappeler que la loi TEPA votée en 2007 permet des crédits d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour l’acquisition d’une résidence principale ? En 2009, le coût budgétaire de cette mesure a été de 1,2 milliard d’euros, soit trois fois plus que l’aide à la construction de logements sociaux en 2010.
Il serait donc faux de dire que l’Etat laisse le marché immobilier se réguler, et que, par idéologie, il n’intervient pas. Il intervient. Pour aider ceux qui en ont le moins besoin.
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