La gauche a une longue histoire tumultueuse qui, après la
scission de Tours, a cependant réuni le PS et le PC à plusieurs reprises,
permettant des avancées sociales importantes: en 1936, à la Libération, en
1981-1983 et, pour une part, avec le gouvernement Jospin. Ces conquêtes
communes ont contribué à remodeler le capitalisme dans un sens plus humain et,
on peut le dire, social-démocrate au sens vrai de ce terme. Mais elles n'ont
été possibles qu'en raison d'un même fond idéologique basé sur le marxisme et
sa critique du capitalisme, en tout cas jusqu'à la chute du système soviétique:
la rupture du Congrès de Tours ne portait pas sur ce fond doctrinal mais sur le
rapport à l'URSS et à la 3ème Internationale. Or tout cela, qui aurrait pu
continuer, est en train de s'écrouler depuis l'arrivée de Hollande au pouvoir
et les élections municipales nous montrent sans conteste l'échec total qui en
résulte. Pourquoi?
La première raison tient évidemment au tournant non
social-démocrate mais social-libéral auquel le PS a procédé (voir mon article
précédent), qui revient à faire du capitalisme l'horizon définitif de la
politique, quitte à l'aménager à la marge dans un sens plus social. Ayant
identifié à tort le socialisme au système soviétique, les socialistes ont cru, comme
beaucoup, que l'échec du second signifiait l'impossibilité du premier,
l'histoire ayant soi-disant tranché: erreur théorique énorme que j'ai dénoncée
dans mon livre "Retour à Marx. Pour une société post-capitaliste"
(Buchet-Chastel, 2013). D'où leur refus, désormais assumé par la majorité du
PS, de changer de société: au mieux on changera la société, par exemple sur un
plan sociétal, mais certainement pas en modifiant en profondeur sa structure
socio-économique avec son exploitation du travail humain et ses rapports de
classes - sans toucher donc à la vie individuelle du plus grand nombre, marquée
par la souffrance. D'où, aussi, des effets de plus en plus visibles de cette
orientation: l'aggravation des inégalités, l'augmentation de la pauvreté et donc
une paupérisation absolue d'une grande partie de la population, classes
moyennes comprises, désertification de régions, abandon de communes, souffrance
au travail provoquée par une une culture libérale du résultat à tout prix (avec
ses suicides en chaîne), chômage enfin.
La deuxième raison est la conséquence concrète de cette
vision politique: le PS depuis des années n'a cessé de s'intégrer pratiquement
à l'ordre capitaliste, sans le moindre recul critique. Faisant du marché et de
la libre concurrence son dogme de base, il a créé le piège dans lequel il est
enfermé, c'est-à-dire dans lequel il s'est enfermé lui-même: l'Europe actuelle
avec son traité constitutionnel, pourtant refusé par les français et qu'on leur
a imposé à l'iniative de la droite et
avec elle par un artifice juridique. Or celle-ci n'est guère démocratique et,
surtout, elle n'a d'autre finalité que de créer un vaste marché économique
permettant de valoriser le Capital par sa libre circulation et son
investissement dans les pays où le "coût du travail" est bas, quitte
à produire du malheur social dans les pays plus développés où les travailleurs
étaient jusqu'à présent plus protégés. On pourrait multiplier les angles
d'attaque, en montrant par exemple comment les acquis de l'Etat social sont laminés
peu à peu dans ces pays.
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