Caroline de Haas , ancienne dirigeante de l'Unef et d'Osez
le féminisme vient de quitter le PS. Dans la lettre ci-dessous, publiée sur son
blog, tout est dit. Comme elle j'espère que "les chemins de toutes et tous
les militants de gauche finiront par se retrouver pour construire ensemble un
projet politique qui fasse reprendre à notre société la marche du
progrès".
"Premier Secrétaire du Parti socialiste
10, rue de Solférino
75007 PARIS
Objet : Démission
Cher Harlem ou celui (celle ?) qui te remplacera,
Je souhaite mettre fin aux mandats que j’exerce au Parti
socialiste. Après 13 ans de militantisme, je rends ma carte.
Je me suis engagée en politique convaincue que les
injustices et les inégalités n’étaient pas la faute à pas de chance mais le
produit de choix politiques qui ont toujours favorisé quelques-uns au profit de
tous les autres. J’ai adhéré au Parti socialiste convaincue que nous pouvons
transformer le réel et que l’organisation collective d’individus doués de
raison est le meilleur moyen de contrer un ordre établi qui creuse les
inégalités, fragilise nos sociétés et porte en son sein le rejet des autres,
quels qu’ils soient.
Depuis deux ans que la gauche est au pouvoir, j’ai le
sentiment que nous avons plus géré que transformé. Comme si le pouvoir nous
avait changés au point que nous ayons abandonné toute analyse des rapports de
forces. La société est traversée par des intérêts contradictoires, notamment
économiques : nous devons choisir pour qui nous voulons agir et nous battre.
C’est bien d’une bataille dont il s’agit. Car dans ces rapports de force
sociaux, la gauche est – devrait être – du côté des salariées et salariés, des
femmes et des hommes qui ne détiennent pas le pouvoir, les codes culturels ou
les richesses. Nous devrions être leur porte-voix et leurs défenseurs.
Nous avons cessé ce combat. La liste de nos renoncements est
si longue ces derniers mois que cela donne le tournis. Au lieu de construire un
rapport de force et de nous dégager des marges de manœuvres politiques et
économiques pour mieux répartir les richesses, nous avons – presque
méticuleusement – remis en cause nos fondements politiques.
Nous avons fait reculer la gauche dans les têtes et dans les
faits lorsque nous avons parlé de coût du travail ou lieu de parler de la
richesse qu’il constitue et du coût – exorbitant – du capital. Nous avons fait
reculer la gauche quand nous avons hésité ou capitulé face à des
ultra-conservateurs minoritaires. Nous avons fait reculer la gauche lorsque
nous avons entériné une réforme des retraites contre laquelle nous étions
descendus dans la rue dix-huit mois auparavant. Nous avons fait reculer la
gauche lorsque nous avons choisi de parler de « ras-le-bol fiscal » ou du «
trop d’impôts » plutôt qu’engager la fameuse réforme fiscale promise en 2012.
Nous allons faire reculer la gauche avec le « pacte de responsabilité » qui
demande aux salariés et salariées de financer des exonérations pour les
entreprises, sans qu’aucune contrepartie solide soit exigée.
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