LE MONDE 07.04.10
quelques jours de la remise du rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR), l'association Attac et la Fondation Copernic rendent public un appel, mercredi 7 avril, à la Bourse du travail de Paris.
Quelque 370 personnalités issues de la gauche syndicale, politique, associative mais aussi des milieux des économistes et des sociologues, y dénoncent "le coup fatal au système de retraites par répartition" et appellent à "une vaste mobilisation citoyenne" pour défendre une autre voie.
Les pétitionnaires s'en prennent sans ambages aux réformes du gouvernement envisageant la suppression de l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans, la remise en cause du calcul des pensions sur les six derniers mois d'activité dans le secteur public et l'allongement de la durée de cotisation.
Ils mettent également en cause les travaux du COR qui préconiseraient la mise en place d'un système par points. "Il s'agirait, dénonce le texte, de ne plus avoir à assurer un taux de remplacement de salaire défini à l'avance et de faire de la variation du niveau des retraites le moyen d'équilibre financier des régimes."
Pour ces contestataires, toutes ces pistes mèneraient à "une régression sociale", dues non aux contraintes démographiques invoquées mais à la logique de réduction des dépenses publiques à l'oeuvre depuis des mois. Ils suggèrent donc d'inverser le raisonnement économique pour renflouer le système et préconisent, notamment, "l'accroissement des prélèvements sur la richesse produite".
Les besoins supplémentaires de financement auraient été estimés par le COR, en 2007, de 1 à 2 points du produit intérieur brut (PIB) jusqu'en 2050. Une augmentation "réalisable" au regard de "l'explosion des dividendes", qui sont passés de 3,2 % à 8,5 % du PIB dans les dernières vingt-cinq années, insistent les signataires.
"Le financement des retraites est possible à condition d'en finir avec l'actuel partage éhonté de la richesse au bénéfice des revenus financiers", écrivent-ils encore. Ils appellent la gauche à faire "sauter ce tabou" et faire ainsi un choix politique "de justice et de solidarité".
L'appel, signé par les trois syndicats les plus en pointe sur le dossier - CGT, FSU et Solidaires - et la gauche radicale comme le PCF, le NPA et le Parti de gauche, a rallié également les Verts en la personne de Cécile Duflot, leur secrétaire nationale, et quelques figures socialistes, proches de Benoît Hamon, comme Razzy Hammadi, Régis Juanico ou le député européen Liem Hoang-Ngoc.
Le texte porte aussi les signatures de prestigieux sociologues tels Robert Castel, Luc Boltanski, le philosophe Patrick Viveret ou de personnalités tels l'écrivain Susan George, la présidente du Syndicat de la magistrature, Clarisse Taron, et l'animateur du collectif Sauvons la recherche, Georges Debrégeas.
Mais ce sont surtout les quelque 90 économistes présents qui donnent un crédit particulier à l'initiative. On y retrouve des noms connus du milieu de la recherche économique, peu habitués à ce type de démarche engagée : André Orléan, Olivier Favereau et François Eymard Duvernay, fondateurs de l'Ecole de la régulation, Henri Sterdyniak, spécialiste des retraites à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Jean Gadrey, ancien membre de la commission Stiglitz sur les indicateurs de richesse.
L'appel marque ainsi un retour des intellectuels dans le débat politique qu'on n'avait guère plus vus depuis l'appel de solidarité avec les grèves de 1995 de Pierre Bourdieu.
Au-delà de la collecte de signatures connues, les initiateurs entendent contribuer à "une vaste mobilisation citoyenne pour stopper cet engrenage". L'appel devrait servir de support à des réunions publiques et des comités locaux. "Nous cherchons à créer un courant d'opinion sur le fond du sujet capable de montrer qu'il y a d'autres solutions", explique Pierre Khalfa, de l'union syndicale Solidaires.
Reste que l'initiative risque de mettre en lumière les divisions de la gauche. Contactée, la direction du PS n'a pas donné suite. Difficile de trouver une position de consensus sur la défense du système existant quand François Hollande ou Manuels Valls se sont ouvertement prononcés pour un allongement de la durée de cotisation.
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