En poursuivant ses ventes d’armes, utilisées par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis dans leur guerre au Yémen, l’une des pires tragédies humanitaires du moment, le gouvernement actuel viole-t-il allègrement les engagements internationaux de la France ? Si la ministre des Armées continue de le nier, les preuves du contraire s’accumulent avec les récentes révélations d’un groupe de médias allemands et internationaux. Pire : le gouvernement français a fait pression sur l’Allemagne pour une levée de son embargo afin que les exportations d’armes de fabrication commune puissent reprendre.
dimanche 31 mars 2019
samedi 30 mars 2019
LOGEMENT . EXPULSIONS : LE SCANDALE REDÉMARRE LE 31 MARS
Malgré l’annonce de dernière minute du maintien de 6 000 places d’hébergement, la fin du plan hiver et la gestion au thermomètre vont encore se solder par plus de sans-abri.
Le scandale se renouvelle chaque 31 mars. Malgré l’obligation de continuité de l’accueil, l’État profite de la baisse d’intérêt liée au redoux du printemps pour fermer des milliers de places d’hébergement d’urgence à fin de la trêve hivernale. Cette année pourrait être pire que les autres. Réagissant au signal d’alarme tiré par les associations, Julien Denormandie, le ministre du Logement, a finalement annoncé jeudi, à trois jours de la date fatidique, la pérennisation de 6 000 des 14 000 places ouvertes au plus fort de l’hiver. « Un effort significatif et nécessaire mais qui ne sera pas suffisant », estime Florent Gueguen, de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).
Malgré ce geste d’une ampleur sans précédent, près de 8 000 de ceux qui ont été abrités pour l’hiver vont se retrouver sans solution. Et ça n’est pas tout. Avec la transformation, par la loi asile et immigration, des centres d’hébergement d’urgence migrants (Chum) en centres d’accueil réservés aux seuls demandeurs d’asile, environ 1 500 migrants – déboutés du droit d’asile, dublinés ou réfugiés – vont eux aussi être jetés à la rue. « La rue tue aussi en été », rappelle pourtant le collectif Les morts de la rue. Le nombre réel de SDF décédés excède largement les 566 qu’il a recensés cette année, et leur espérance de vie, autour de 49 ans, est de près de quinze ans inférieure à celle du reste des Français.
S’ajoute à ces sans-abri saisonniers la grande masse de ceux qui n’ont intégré aucun dispositif d’hébergement, même en hiver. Faute d’un recensement national depuis l’enquête de l’Insee en 2012, leur chiffre reste un mystère. L’État, qui dépense 2 milliards par an pour l’hébergement d’urgence, fait la politique de l’autruche et reste sourd aux appels en faveur de la mise en place d’une nouvelle enquête nationale. Mais plusieurs indicateurs, comme le faible taux de prise en charge par le 115 (6 % seulement d’appels décrochés à Toulouse, par exemple) ou les plus de 3 600 SDF décomptés à Paris lors de la Nuit de la solidarité laissent penser qu’ils sont des milliers.
« Il n’y a jamais eu autant de gens à la rue, analyse Bruno Morel, directeur général d’Emmaüs Solidarité. Il y a une conjonction de facteurs entre la massification de la pauvreté, la multiplication des ruptures familiales, l’accroissement du nombre de migrants et le fait que l’emploi n’est plus une protection contre la rue. » Parmi ces personnes sur le bitume, nombre de sans-papiers qui ne seront jamais renvoyés chez eux mais qu’on prive, faute de régularisation, de moyens de sortir de l’assistance. Une situation dénoncée même par le député LaREM Nicolas Démoulin. Dans un rapport récent sur l’hébergement d’urgence, il a estimé « nécessaire aujourd’hui d’accélérer les régularisations des familles sans papiers, dont il est certain qu’à moyen terme, elles seront régularisées ».
La gestion au thermomètre plonge bénéficiaires et associations dans l’instabilité. « Ici on est bien, mais on nous a dit que ça allait fermer le 31 mars, alors on s’inquiète. Ça fait plusieurs nuits que je n’ai pas dormi »,résume Awa. La jeune femme, enceinte, a passé deux mois dans la rue avant d’arriver dans cet immense hangar de Pantin prêté par la SNCF à Emmaüs Solidarité. Elle craint plus que tout de devoir y retourner. Pour les associations aussi, ce mouvement perpétuel est un casse-tête. En quinze jours, l’équipe d’Emmaüs Solidarité a dû créer un endroit fonctionnel et aussi convivial que possible dans cet immense espace quasiment sans ouvertures et surplombé d’un plafond en métal, où, depuis le 24 décembre 2018, 328 personnes sont hébergées. Il a fallu installer des blocs sanitaires, des tentes pour loger les familles, une cuisine et même une bibliothèque et une salle de jeux pour les enfants. Une équipe de dix travailleurs sociaux s’est ensuite attelée à réaliser dans l’urgence les diagnostics sociaux, indispensables pour pouvoir retrouver une place à la fermeture du lieu.
À la veille de la fin de la trêve, 158 personnes du centre de Pantin avaient déjà pu être réorientées. Il en reste 170. Pour elles, comme pour les autres laissées-pour-compte du plan hiver, trouver une solution, même avec la rallonge budgétaire qui vient d’être annoncée, sera compliqué. Le parc de places pérennes est déjà occupé à 95 %. « C’est incroyable en termes de gestion, cette politique publique qui crée un climat anxiogène... On se permet ça uniquement parce que ce sont des personnes exclues ! » s’étrangle Florent Gueguen.
Cette instabilité a des conséquences concrètes. Seye par exemple, une Sénégalaise de 40 ans à l’allure longiligne et élégante, a dû se lever tous les matins aux aurores pour continuer à scolariser ses cinq enfants dans le 11 e arrondissement de Paris où elle avait d’abord atterri. Elle a pu s’appuyer sur un système de navettes mis en place par Emmaüs, mais la situation a compliqué l’apprentissage des petits. « Si on avait été stables, je les aurais mis dans des écoles du quartier. Mais là, je n’ai rien pu faire parce qu’on ne va pas rester ici et que je ne sais pas où on va aller », soupire-t-elle.
Les orientations budgétaires renforcent la gestion au jour le jour. Tous les ans, le budget de l’urgence est sous-dimensionné et doit être réévalué en cours d’année. Une façon de refuser de voir l’ampleur du problème, tout en faisant mine de rester dans les clous budgétaires. Le gouvernement se vante d’une hausse de 15 % des fonds alloués à l’hébergement d’urgence. Mais il oublie d’ajouter les rallonges votées tous les ans pour corriger le budget initial. Compte tenu de l’accroissement des besoins, ces fonds ne permettent pas d’assurer la qualité de l’accueil qui, de fait, se dégrade. « Ici, on héberge sous tentes, ce qu’on n’aurait jamais fait il y a quelques années », commente Bruno Morel en faisant visiter le site de Pantin.
L’accent mis sur l’augmentation des crédits de l’hébergement d’urgence s’est surtout fait au détriment de ceux des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Ces structures, qui offrent un accueil de long terme avec un meilleur accompagnement social, ont vu leur budget baisser de 20 millions l’an dernier. Et il a fallu la pression des associations pour que le gouvernement accepte de ne leur prélever que 2 millions en 2019, au lieu des 12 millions initialement prévus. L’alibi est l’investissement dans le programme « Logement d’abord ». Mais, comme le rappellent les associations, même en admettant que ce plan fonctionne, ce qui est loin d’être garanti, il faudra encore des années avant d’atteindre le nombre de logements nécessaires. En attendant, les personnes à la rue ont plus que jamais besoin d’un accueil durable qui leur permette de sortir de l’assistance et de reconstruire leur vie.
Camille Bauer
vendredi 29 mars 2019
« Si on reprend le boulot, on sait que ce sera pire » : 365ème jour de grève pour des postiers des Hauts-de-Seine
Dans le département des Hauts-de-Seine, 150 postiers et postières sont en grève depuis... un an ! Mobilisés contre le licenciement d’un de leurs représentants, Gaël Quirante, autorisé en mars 2018 par la ministre du travail Muriel Pénicaud, ils dénoncent également la dégradation de leurs conditions de travail et l’accélération des cadences. Confrontés, selon eux, au silence de la direction et du pouvoir politique, ils poursuivent leurs actions et engrangent les soutiens en espérant toujours « remporter une victoire ». Reportage.
jeudi 28 mars 2019
Au Parlement européen, les votes méprisants du FN et de Marine Le Pen à l’égard des travailleurs
Dans le cadre de la campagne présidentielle, le Front national et sa candidate Marine Le Pen cherchent à labourer les terres de la gauche en se posant en défenseurs des travailleurs et des protections sociales. Pendant ce temps, au Parlement européen, les eurodéputés frontistes montrent un tout autre visage : ils se désintéressent des accords de libre-échange et de leurs conséquences, refusent de lutter contre les délocalisations, soutiennent le « secret des affaires » qui protège les multinationales, s’opposent à l’égalité femmes-hommes au travail, freinent la prévention des cancers professionnels ou la lutte contre l’évasion fiscale. Les votes des députés d’extrême-droite démontrent qu’ils ne se préoccupent pas des intérêts des travailleurs, et ne souhaitent pas une société moins injuste.
L’affaire des « faux » assistants parlementaires du Front national au Parlement européen, qui valent aujourd’hui à Marine Le Pen une demande de levée de son immunité parlementaire, a mis en lumière combien le parti d’extrême-droite a su profiter matériellement de sa présence à Bruxelles et à Strasbourg. Avec une vingtaine de sièges d’eurodéputés remportés en 2014, le FN a mis la main sur une manne qui lui a permis de rémunérer élus et permanents. Mais qu’en a-t-il fait politiquement ?
Dans sa campagne électorale, le Front national et sa candidate Marine Le Pen cherchent à attirer le vote des travailleurs et des déçus de la gauche, en s’appropriant certains symboles comme la retraite à 60 ans. Ils ne cessent de dénoncer les délocalisations, la finance et les lobbys. L’Union européenne et la monnaie unique sont présentées comme la source exclusive de tous nos maux économiques et sociaux. Voilà pour les grands discours frontistes.
L’historique des votes des eurodéputés FN au Parlement européen raconte une toute autre histoire. Qu’il s’agisse de libre-échange, d’améliorer la sécurité des travailleurs, d’égalité professionnelle, de secret des affaires ou de droits syndicaux, les parlementaires frontistes ratent rarement une occasion de démontrer leur dédain total pour les travailleurs et leurs intérêts. Ils se montrent particulièrement actifs pour saborder les modestes efforts des parlementaires de Bruxelles pour promouvoir une Europe plus sociale. Le bilan des élus frontistes au Parlement européen met en lumière le vrai visage économique et social de l’extrême-droite : le mépris pour les salariés, français et étrangers.
Accords de libre-échange : le FN s’en moque
Premier constat : sur les grands sujets que la candidate Marine Le Pen met en avant en France pour dénoncer l’Europe et ses « diktats », comme la directive travailleurs détachés ou les accords de libre-échange type Tafta ou Ceta, les eurodéputés frontistes ne paraissent pas franchement mobilisés. Entre les discours fervents à destination des électeurs français et la réalité des votes au Parlement, c’est parfois le grand écart. Déjà, en avril 2014, lors de la précédente législature, Marine Le Pen avait choisi de s’abstenir, plutôt que de voter contre la directive sur les travailleurs détachés, malgré ses critiques virulentes contre ladite directive en France. En mars 2016, à nouveau, l’eurodéputé LR Jérôme Lavrilleux a publiquement dénoncé l’absence de l’ensemble des frontistes lors d’un débat au Parlement sur les travailleurs détachés.
Même observation en ce qui concerne les accords de libre-échange. Le 28 mai 2015, la commission « Commerce international » – dont Marine Le Pen est membre titulaire – se prononce sur le projet d’accord de libre-échange transatlantique, ce fameux Tafta que la patronne du FN ne cesse de pourfendre dans ces discours. Mais elle n’a pas jugé bon de faire le déplacement. Ni d’ailleurs son suppléant d’alors, Aymeric Chauprade. Bis repetita en janvier 2017, lorsque la commission Commerce international est saisie de l’accord de commerce entre Europe et Canada, le Ceta, qui contient les mêmes dispositions controversées que le Tafta. Marine Le Pen veut bien faire le déplacement pour voter contre le Ceta en plénière devant les caméras, mais quand il s’agit de mener les batailles concrètes en commission, elle a visiblement mieux à faire. Pendant ce temps, organisations non gouvernementales, mouvements sociaux et eurodéputés de gauche et écologistes se mobilisaient.
mercredi 27 mars 2019
Comment un contrat signé avec les chantiers navals de Cherbourg est lié à la quasi-faillite du Mozambique
C’était un banal contrat conclu par le Mozambique pour la construction de chalutiers à Cherbourg, destinés à la pêche au thon. Cinq ans plus tard, le pays est sur-endetté et frappé par l’austérité, sa population s’est appauvrie. Si les chalutiers ont bien été livrés, les navires n’ont pas été utilisés. Et les crédits contractés par le pays pour financer ce contrat, ainsi que d’autres projets, se sont en partie évaporés. Récit d’un scandale politico-financier dans lequel apparaissent les noms de cadres d’une banque suisse, des responsables mozambicains corrompus et un cadre d’une holding dont le PDG est un influent homme d’affaires franco-libanais.
L’histoire réunit tous les ingrédients d’un scénario de roman policier : un ministre des finances suspecté de corruption, des banques suisse et russe, un cadre d’une holding libanaise, des intérêts stratégiques français en Afrique, un contrat passé entre les chantiers navals de Cherbourg et l’État mozambicain, des emprunts douteux qui atteignent deux milliards de dollars, et, enfin, un pays, le Mozambique, qui se retrouve en quasi-faillite.
Tout commence avec des arrestations sur trois continents. Le 29 décembre 2018, l’ancien ministre des Finances mozambicain, Manuel Chang, est intercepté par la police sud-africaine à l’aéroport de Johannesburg. Le 3 janvier suivant, trois anciens banquiers du Crédit Suisse [1] sont à leur tour interpellés, à Londres cette fois. La veille, un haut cadre d’une société libanaise, Privinvest, est arrêté à l’aéroport de New-York. Privinvest est une holding internationale qui dispose d’un siège au Liban et un autre aux Émirats arabes unis. Elle possède notamment des chantiers navals à Cherbourg. Son PDG est l’homme d’affaires franco-libanais Iskandar Safa, 81ème fortune française et par ailleurs propriétaire de l’hebdomadaire très à droite Valeurs actuelles.
Accusés d’avoir détourné au « moins 200 millions de dollars » en pots-de-vin
Quel est le lien entre ces anciens banquiers, le haut-cadre de Privinvest et un ancien ministre des Finances mozambicain ? Ils ont été interpellés suite à leur inculpation par un tribunal fédéral de New-York. La justice leur reproche d’avoir violé une loi fédérale de lutte contre la la corruption et le blanchiment d’argent à l’étranger (le Foreign Corrupt Practices Act), et d’avoir « escroqué les investisseurs et possibles investisseurs », dont des citoyens états-uniens. Les prévenus sont accusés de s’être servi de projets d’investissement « comme des façades pour collecter de l’argent et s’enrichir » et d’avoir « dévié intentionnellement des portions des recettes des crédits pour payer au moins 200 millions de dollars en pots-de-vin pour eux-mêmes, des officiels du gouvernement mozambicains, et d’autres », détaille l’acte d’accusation.
mardi 26 mars 2019
A la mémoire de la Commune (Lénine)
Nous republions cet article écrit en 1911 par Lénine pour le 40ème anniversaire de la Commune de Paris, qui commença le 18 mars 1871.
Quarante ans se sont écoulés depuis la proclamation de la Commune de Paris. Selon la coutume, le prolétariat français a honoré par des meetings et des manifestations la mémoire des militants de la révolution du 18 mars 1871 ; à la fin de mai, il ira de nouveau déposer des couronnes sur la tombe des communards fusillés, victimes de l’horrible « semaine sanglante » de mai et jurer une fois de plus de combattre sans relâche jusqu’au triomphe complet de leurs idées, jusqu’à la victoire totale de la cause qu’ils lui ont léguée.
Pourquoi le prolétariat, non seulement français, mais du monde entier, honore-t-il dans les hommes de la Commune de Paris ses précurseurs ? Et quel est l’héritage de la Commune ?
La Commune naquit spontanément ; personne ne l’avait consciemment et méthodiquement préparée. Une guerre malheureuse avec l’Allemagne ; les souffrances du siège ; le chômage du prolétariat et la ruine de la petite bourgeoisie ; l’indignation des masses contre les classes supérieures et les autorités qui avaient fait preuve d’une incapacité totale ; une fermentation confuse au sein de la classe ouvrière qui était mécontente de sa situation et aspirait à une autre organisation sociale ; la composition réactionnaire de l’Assemblée nationale qui faisait craindre pour la République, tous ces facteurs, et beaucoup d’autres, poussèrent la population de Paris à la révolution du 18 mars qui remit inopinément le pouvoir entre les mains de la Garde nationale, entre les mains de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie qui s’était rangée de son côté.
Ce fut un évènement sans précédent dans l’histoire. Jusqu’alors, le pouvoir se trouvait ordinairement entre les mains des grands propriétaires fonciers et des capitalistes, c’est-à-dire d’hommes de confiance à eux, constituant ce qu’on appelle le gouvernement. Mais après la révolution du 18 mars, lorsque le gouvernement de M. Thiers s’enfuit de Paris avec ses troupes, sa police et ses fonctionnaires, le peuple devint le maître de la situation et le pouvoir passa au prolétariat. Mais dans la société actuelle, le prolétariat, économiquement asservi par le capital, ne peut dominer politiquement s’il ne brise les chaînes qui le rivent au capital. Et voilà pourquoi le mouvement de la Commune devait inévitablement revêtir une couleur socialiste, c’est-à-dire chercher à renverser la domination de la bourgeoisie, la domination du capital, et à détruire les assises mêmes du régime social actuel.
Au début, ce mouvement fut extrêmement mêlé et confus. Y adhéraient des patriotes qui espéraient que la Commune reprendrait la guerre contre les Allemands et la mènerait à bonne fin. Il était soutenu par les petits commerçants menacés de ruine si le paiement des traites et des loyers n’était pas suspendu (ce que le gouvernement leur avait refusé, mais que la Commune leur accorda). Enfin, au début, il bénéficia même en partie de la sympathie des républicains bourgeois qui craignaient que l’Assemblée nationale réactionnaire (les « ruraux », les hobereaux sauvages) ne restaurât la monarchie. Mais dans ce mouvement, le rôle principal fut naturellement joué par les ouvriers (surtout par les artisans parisiens) parmi lesquels une active propagande socialiste avait été menée durant les dernières années du second Empire et dont beaucoup appartenaient même à l’Internationale.
Les ouvriers seuls restèrent fidèles jusqu’au bout à la Commune. Les républicains bourgeois et les petits bourgeois s’en détachèrent bientôt : les uns effrayés par le caractère prolétarien, socialiste et révolutionnaire du mouvement ; les autres lorsqu’ils le virent condamné à une défaite certaine. Seuls les prolétaires français soutinrent sans crainte et sans lassitude leur gouvernement ; seuls ils combattirent et moururent pour lui, c’est-à-dire pour l’émancipation de la classe ouvrière, pour un meilleur avenir de tous les travailleurs.
Abandonnée par ses alliés de la veille et dépourvue de tout appui, la Commune devait inéluctablement essuyer une défaite. Toute la bourgeoisie de la France, tous les grands propriétaires fonciers, toute la Bourse, tous les fabricants, tous les voleurs grands et petits, tous les exploiteurs se liguèrent contre elle. Cette coalition bourgeoise soutenue par Bismarck (qui libéra 100 000 prisonniers français pour réduire Paris) réussit à dresser les paysans ignorants et la petite bourgeoisie provinciale contre le prolétariat parisien et à enfermer la moitié de Paris dans un cercle de fer (l’autre moitié étant investie par l’armée allemande).
Dans certaines grandes villes de France (Marseille, Lyon, Saint-Etienne, Dijon et ailleurs), les ouvriers tentèrent également de s’emparer du pouvoir, de proclamer la Commune et d’aller secourir Paris, mais ces tentatives échouèrent rapidement. Et Paris, qui leva le premier le drapeau de l’insurrection prolétarienne, se trouva réduit à ses seules forces et voué à une perte certaine.
Pour qu’une révolution sociale puisse triompher, deux conditions au moins sont nécessaires : des forces productives hautement développées et un prolétariat bien préparé. Mais en 1871 ces deux conditions faisaient défaut. Le capitalisme français était encore peu développé et la France était surtout un pays de petite bourgeoisie (artisans, paysans, boutiquiers, etc.). Par ailleurs, il n’existait pas de parti ouvrier ; la classe ouvrière n’avait ni préparation ni long entraînement et dans sa masse, elle n’avait même pas une idée très claire de ses tâches et des moyens de les réaliser. Il n’y avait ni sérieuse organisation politique du prolétariat, ni syndicats ou associations coopératives de masse…
Mais ce qui manqua surtout à la Commune, c’est le temps, la possibilité de s’orienter et d’aborder la réalisation de son programme. Elle n’avait pas encore eu le temps de se mettre à l’oeuvre que le gouvernement de Versailles, soutenu par toute la bourgeoisie, engageait les hostilités contre Paris. La Commune dut, avant tout, songer à se défendre. Et jusqu’à la fin, survenue entre les 21 et 28 mai, elle n’eut pas le temps de penser sérieusement à autre chose.
Au demeurant, malgré des conditions aussi défavorables, malgré la brièveté de son existence, la Commune réussit à prendre quelques mesures qui caractérisent suffisamment son véritable sens et ses buts. La Commune remplaça l’armée permanente, instrument aveugle des classes dominantes, par l’armement général du peuple ; elle proclama la séparation de l’Église et de l’État, supprima le budget des Cultes (c’est-à-dire l’entretien des curés par l’État), donna à l’instruction publique un caractère tout à fait laïque et par là même porta un coup sérieux aux gendarmes en soutane. Dans le domaine purement social, elle n’eut pas le temps de faire beaucoup de choses, mais le peu qu’elle fit montre avec suffisamment de clarté son caractère de gouvernement ouvrier, populaire : le travail de nuit dans les boulangeries fut interdit ; le système des amendes, ce vol légalisé des ouvriers, fut aboli ; enfin, la Commune rendit le fameux décret en vertu duquel toutes les fabriques, usines et ateliers abandonnés ou immobilisés par leurs propriétaires étaient remis aux associations ouvrières qui reprendraient la production. Et comme pour souligner son caractère de gouvernement authentiquement démocratique et prolétarien, la Commune décida que le traitement de tous les fonctionnaires de l’administration et du gouvernement ne devait pas dépasser le salaire normal d’un ouvrier et en aucun cas s’élever au-dessus de 6 000 francs par an.
Toutes ces mesures montraient assez clairement que la Commune s’avérait un danger mortel pour le vieux monde fondé sur l’asservissement et l’exploitation. Aussi la société bourgeoise ne put-elle dormir tranquille tant que le drapeau rouge du prolétariat flotta sur l’Hôtel de Ville de Paris. Et lorsque, enfin, les forces gouvernementales organisées réussirent à l’emporter sur les forces mal organisées de la révolution, les généraux bonapartistes, battus par les Allemands et courageux contre leurs compatriotes vaincus firent un carnage comme jamais Paris n’en avait vu. Près de 30 000 Parisiens furent massacrés par la soldatesque déchaînée, près de 45 000 furent arrêtés dont beaucoup devaient être exécutés par la suite ; des milliers furent envoyés au bagne ou déportés. Au total, Paris perdit environ 100 000 de ses fils et parmi eux les meilleurs ouvriers de toutes les professions.
La bourgeoisie était contente. « Maintenant, c’en est fait du socialisme, et pour longtemps ! », disait son chef, le nabot sanguinaire Thiers, après le bain de sang qu’avec ses généraux il venait d’offrir au prolétariat parisien. Mais ces corbeaux bourgeois croassaient à tort. À peine six ans après l’écrasement de la Commune, alors que nombre de ses combattants croupissaient encore au bagne ou languissaient en exil, le mouvement ouvrier renaissait déjà en France. La nouvelle génération socialiste, enrichie par l’expérience de ses aînés et nullement découragée par leur défaite, releva le drapeau tombé des mains des combattants de la Commune et le porta en avant avec assurance et intrépidité aux cris de « Vive la révolution sociale ! Vive la Commune ! » Et quelques années plus tard, le nouveau parti ouvrier et l’agitation qu’il avait déclenchée dans le pays obligeaient les classes dominantes à remettre en liberté les communards restés aux mains du gouvernement.
Le souvenir des combattants de la Commune n’est pas seulement vénéré par les ouvriers français, il l’est par le prolétariat du monde entier. Car la Commune lutta non point pour quelque objectif local ou étroitement national, mais pour l’affranchissement de toute l’humanité laborieuse, de tous les humiliés, de tous les offensés. Combattante d’avant-garde de la révolution sociale, la Commune s’acquit des sympathies partout où le prolétariat souffre et lutte. Le tableau de sa vie et de sa mort, l’image du gouvernement ouvrier qui prit et garda pendant plus de deux mois la capitale du monde, le spectacle de la lutte héroïque du prolétariat et de ses souffrances après la défaite, tout cela a enflammé l’esprit de millions d’ouvriers, fait renaître leurs espoirs et gagné leur sympathie au socialisme. Le grondement des canons de Paris a tiré de leur profond sommeil les couches les plus arriérées du prolétariat et donné partout une impulsion nouvelle à la propagande révolutionnaire socialiste. C’est pourquoi l’oeuvre de la Commune n’est pas morte ; elle vit jusqu’à présent en chacun de nous.
La cause de la Commune est celle de la révolution sociale, celle de l’émancipation politique et économique totale des travailleurs, celle du prolétariat mondial. Et en ce sens, elle est immortelle.
Lénine, avril 1911
lundi 25 mars 2019
« Minimiser les impacts catastrophiques d’un accident nucléaire est en passe de devenir un grand classique »
« Il est possible de mener une vie normale » dans les zones contaminées par la radioactivité, assure le ministre japonais de la Reconstruction, huit ans après l’accident nucléaire majeur de Fukushima. Ce discours de « normalisation », qui vise à minimiser le risque nucléaire et les conséquences d’un accident n’est pas l’apanage des autorités japonaises : on le retrouve en France depuis le lancement du programme nucléaire ou en Biélorussie après Tchernobyl. Sezin Topçu, historienne et sociologue des sciences, décrypte pour Basta !cette stratégie de communication, qui accompagne des politiques exonérant les exploitants de centrales nucléaires de leurs responsabilités. Entretien.
Basta ! : Lors des lancements des programmes nucléaires civils, aux États-Unis ou en France, la filière est clairement jugée à très haut risque. Comment les industriels qui se lancent dans l’aventure vont-ils être, en quelque sorte, en partie dédouanés de ces risques ?
Sezin Topçu [1] : Le caractère ingérable des dégâts provoqués par un accident nucléaire majeur est reconnu par les experts nucléaires dès les années 1950, bien avant le passage au stade industriel. Ils étaient d’accord sur le fait que de très vastes territoires allaient être contaminés pendant des centaines voire des milliers d’années ; et qu’il faudrait, en théorie, évacuer un nombre très important de personnes. Il est même envisagé de désigner des zones d’exclusion pour l’implantation des sites nucléaires. Des calculs effectués en 1957 à la demande de la commission à l’énergie atomique aux États-Unis (Atomic Energy Commission) imaginent alors un coût financier de l’ordre de 7 milliards de dollars.

Le Japon fait figure d’exception vis à vis de cette atténuation des responsabilités, puisque l’exploitant doit dès le départ mettre de côté une réserve financière très élevée. Qu’a dû payer l’exploitant de Fukushima ?
Effectivement. La loi japonaise de 1961 relative à la responsabilité civile contraint tout exploitant à débloquer une « réserve de sécurité » d’un milliard d’euros, avant même de se lancer dans l’exploitation des centrales nucléaires. C’est une somme assez importante, égale à onze fois le montant imputé à EDF en cas d’accident. Cela dit, quand la catastrophe de Fukushima frappe le Japon en mars 2011, l’exploitant nucléaire privé Tepco aurait pu s’exonérer de toute responsabilité car la loi de 1961 prévoit aussi de rendre nulle la responsabilité de l’exploitant en cas de « catastrophes naturelles majeures ». Face à l’ampleur des réactions suscitées dans la population japonaise, Tepco a finalement décidé de ne pas demander d’exonération.
« Le coût d’un accident nucléaire majeur en France est estimé à environ 430 milliards d’euros » |
Les sommes à débourser sont telles – les estimations oscillent entre 250 et 500 milliards d’euros jusqu’à récemment – que l’État a en fait avancé une partie des indemnités versées aux victimes, sans que l’on sache si Tepco remboursera un jour. Les consommateurs ont également été mis à contribution via une augmentation du prix du kWh. Ainsi, même dans un contexte où a priori l’exploitant porte une « responsabilité illimitée », des ajustements sont apportés au cadre législatif existant. Le « fossé » entre ce qu’un industriel est censé – et surtout est « en mesure » de – payer et ce qu’il faut réellement débourser pour prendre en charge correctement les dommages, impose une limitation forcée des responsabilités de l’industriel. Cela engendre une ré-organisation des charges à imputer à l’État et à la collectivité.
En France, au moment où le programme nucléaire est lancé dans les années 1970, plusieurs centaines de physiciens dénoncent une mauvaise évaluation du risque nucléaire. Comment se fait-il que leur avis n’ait pas été pris en compte ?
Le lancement du programme nucléaire français – le plus ambitieux du monde – ne s’est pas du tout fait dans des eaux tranquilles. Il y a alors de très grandes controverses. En février 1975, des physiciens du Centre national de recherche scientifique (CNRS), du Collège de France, de l’Institut de physique nucléaire, et d’autres encore, se mobilisent via une pétition qui met en garde contre le plan nucléaire du gouvernement. Ils conseillent à la population de ne pas accepter ce programme tant que les risques ne sont pas mieux évalués. Ils dénoncent un recours massif à l’énergie nucléaire – la France prévoyait alors 100 % d’électricité d’origine nucléaire – qui est selon eux extrêmement dangereux, d’autant qu’à l’époque la filière nucléaire n’était pas éprouvée. Ils critiquent aussi la technocratie propre à ce secteur. Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et EDF décident alors de tout, en lien avec les ministères de l’économie, de l’industrie et de l’énergie. En dehors de ce noyau, aucun scientifique n’est intégré.
Il n’était pas banal qu’autant de savants – 4000 au total – s’opposent à un tel programme. A ce moment, EDF a réellement peur de devoir stopper son programme nucléaire. Ces savants sont immédiatement désignés comme illégitimes, parce que ne connaissant pas, soit disant, le secteur. Cette stigmatisation est habituelle, en France, pour disqualifier les mouvements anti-nucléaires. EDF et le gouvernement les ont toujours présentés comme des partisans irrationnels du retour à la bougie, opposés au progrès. Dans la période actuelle, on observe un retour à ce discours de dénigrement des opposants anti-nucléaires, notamment à Bure [lieu d’un projet d’enfouissement à grande profondeur de déchets radioactifs, ndlr]. Avec un interventionnisme très important de l’État, qui oppose les « habitants citoyens » aux « opposants casseurs ».
Vous évoquez également une façon de gouverner par l’urgence, et la très alléchante taxe professionnelle pour faire accepter les projets nucléaires…
Dans les années 1970, le suivi de l’opinion publique devient un enjeu majeur pour le gouvernement et pour EDF. A partir d’études de comportement de la population à l’échelle locale comme nationale, notamment via les enquêtes d’opinion, EDF est avertie que les critiques d’un projet diminuent au fur et à mesure qu’un chantier avance. C’est logique : on a moins envie de s’opposer à un projet une fois qu’il est terminé. Il faut donc aller le plus vite possible dans la mise en chantier. C’est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup de chantiers sont lancés avant d’avoir les autorisations de construction.
Les nombreuses plaintes déposées par des habitants ou des communes contre ces travaux non autorisés ont cependant toutes été classées, avec une régularisation a posteriori. Nous sommes confrontés à l’irréversibilité des projets techniques. On rend d’abord les projets irréversibles, ensuite on les régule. Cela estompe les possibilités de contestation. C’est la même chose avec les pesticides, qu’on tâche aujourd’hui de réguler alors qu’ils sont déjà disséminés partout dans l’environnement.
La taxe professionnelle joue également un rôle important pour rendre les projets nucléaires acceptables, avec d’autres avantages matériels, comme l’aménagement de piscines olympiques ou la réfection des routes. Des communes entières sont ainsi modernisées au fur et à mesure du déploiement du programme nucléaire. La région de La Hague, dans le Nord Cotentin, est un des bons exemples de ces avantages. C’est le visage scintillant de la modernité nucléaire. Aujourd’hui, le même phénomène se produit dans la région de Bure où on trouve des salles des fêtes immenses et toutes neuves, même dans des communes dépeuplées. Il y a toujours eu beaucoup d’investissements pour que les populations soient hospitalières vis à vis du nucléaire.

EDF n’a-t-elle pas également beaucoup investi dans la communication ?
Si bien sûr. L’aspect informationnel – certains diraient propagande étatique – joue un rôle central dans le fait de rendre le nucléaire acceptable. On accentue ses avantages, qui font rêver : une énergie illimitée, zéro coût, avec un risque quasi-nul. Nous savons désormais que les conséquences immenses d’une catastrophe ont conditionné des lois d’exception pour ce secteur. Mais dans la France des années 1970, on pouvait entendre dire que la chute d’une météorite était plus probable qu’un accident nucléaire. Des sommes très importantes sont investies dans la publicité pour « éduquer » le public, notamment les opposants, ceux et celles « qui ne comprennent pas ».
dimanche 24 mars 2019
Didier Lallement : le nouveau préfet de police de Paris bientôt convoqué par ses propres flics ?
Après le nouvel épisode de violences sur les Champs-Élysées en marge de "l'acte XVIII" des gilets jaunes samedi, le gouvernement a annoncé ce lundi le remplacement de Michel Delpuech par Didier Lallement à la tête de la préfecture de police de Paris. Lequel pourrait intéresser les enquêteurs dans l'affaire des marchés de la Société du Grand Paris.
« Est-ce une décision prise très vite ? En tout cas, je ne pensais pas que l’on retrouverait Didier Lallement comme préfet de police de Paris. Ce ne sont pas vraiment ses réseaux qui sont aujourd’hui au pouvoir », juge un haut fonctionnaire qui connaît bien « ce cynique froid ». Il faut dire que la nomination, annoncée ce lundi 18 mars par Edouard Philippe, de l’actuel préfet de Nouvelle-Aquitaine au poste très convoité, est assez inattendue.
« Un frangin », selon la description qu’en font les auteurs de Bienvenue place Beauvau, qui dispose encore de très bonnes entrées malgré son parcours atypique dans la préfectorale où la case ENA n’est pas cochée. Mais également de casseroles… Cela a-t-il échappé à Matignon et à l’Elysée ? Le futur patron de la PP pourrait bientôt être entendu dans le cadre de l'enquête sur les soupçons de favoritisme qui pèsent sur les marchés de la Société du Grand Paris. Comme Marianne l’a récemment révélé, le parquet national financier PNF a été saisi de cette affaire par le parquet près de la Cour des comptes.
ACTUALITÉ DES MARQUES
Le plus grand chantier d’Europe, 38 milliards d’euros de travaux pour la construction du nouveau métro de la capitale, semble en effet avoir été un peu léger dans l'attribution de ses mégas marchés. Marchés « pour lesquels les procédures et les grands principes de mise en concurrence n’avaient pas été respectés, soit attribuant un marché à une entreprise dont l’offre aurait dû être rejetée pour irrecevabilité, soit en modifiant en cours de procédure les modalités de calcul des offres financières, ce qui a eu pour effet de modifier l’ordre de sélection des candidats », note le rapport de la Cour des comptes, réalisé à la fin 2017.. Autrement dit : des faits constitutifs d'un possible délit de favoritisme.
Au cœur des dysfonctionnements, on retrouve la Commission d’examen des offres (CEO), qui fut présidée par… Didier Lallement, alors lui-même en service à la Cour des comptes. Or note le rapport, «le fonctionnement et le rôle de la CEO sont insatisfaisants à plusieurs titres et ne permettent pas de disposer d'une assurance externe suffisante sur la régularité et les conditions d'attribution des marchés, l'équilibre concurrentiel et la préservation des intérêts économiques de la SGP ». Pas non plus de procès-verbaux des réunions, mais une simple feuille blanche avec une croix pour dire oui/non. Selon nos informations, si la question d’une procédure disciplinaire au sein même de la vénérable institution de la rue Cambon, procédure extrêmement rare, a été évoquée, celle-ci a finalement été écartée. Détail croustillant : le préfet de police pourrait donc se voir convoqué par la brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), l’une des sept « brigades du fric », laquelle a été saisie par le PNF. Des flics qui sont désormais sous ses ordres….
samedi 23 mars 2019
DIPLOMATIE. BOLSONARO PRÊTE ALLÉGEANCE À TRUMP
En visite officielle aux États-Unis, le président du Brésil acte son alignement sur Washington dans le cadre de la guerre commerciale avec la Chine
La diplomatie brésilienne avait la réputation d’être aussi discrète qu’efficace. Mais ça, c’était hier, avant l’élection de Jair Bolsonaro. Avec l’avènement de l’extrême droite à la présidence, la voix originale du Brésil fait désormais place à un alignement total sur Washington, comme l’avait d’ailleurs annoncé Jair Bolsonaro au mépris de ses partenaires commerciaux chinois et argentin. Son premier déplacement officiel à l’étranger a confirmé ce virage, en montrant que sa visite aux États-Unis marquait une « nouvelle ère » et la fin d’un cycle des « présidents (brésiliens) antiaméricains ». Avant de rencontrer Donald Trump à qui il voue une « admiration », Jair Bolsonaro s’est fait voir en compagnie de Steve Bannon. Ce suprémaciste, qui entend fédérer les extrêmes droites en Europe, fut l’ancienne éminence grise de Donald Trump durant sa campagne électorale, et a activement participé à l’ascension de Jair Bolsonaro. Ce dernier s’est même payé le luxe de visiter le siège de la CIA, dont l’implication dans les sales guerres du sous-continent donne la mesure du rapprochement sécuritaire à l’œuvre.
Félicitations de Bolsonaro pour le mur
Lundi soir encore, le locataire du palais du Planalto a félicité son homologue états-unien et son action pour ériger un mur à la frontière avec le Mexique. « L’immense majorité des immigrants potentiels n’ont pas de bonnes intentions (…). Ils ne souhaitent pas du bien aux Américains », a-t-il osé déclarer sur les plateaux de Fox News.
Son entrevue avec Donald Trump à la Maison-Blanche, mardi, a été le point d’orgue de ce séjour. À cette occasion, les deux hommes ont rappelé leur souhait de déloger Nicolas Maduro, la « marionnette cubaine », du pouvoir au Venezuela, le locataire du bureau ovale allant jusqu’à réitérer que « toutes les options étaient sur la table ».En matière de coopération, les États-Unis pourraient à l’avenir utiliser la base d’Alcantara, dans l’État de Maranhão, afin de procéder au lancement de satellites civils.
Le Brésil bientôt partenaire de l’Otan ?
Dans le domaine économique, Brasilia est pour ainsi dire repartie bredouille, son second partenaire commercial se taillant la part du lion des accords souscrits. Le géant latino pourrait certes faire son entrée à l’OCDE, selon le calcul des États-Unis, qui entendent ainsi fragiliser la Chine au sein de l’OMC dans le cadre la guerre commerciale que se livrent Washington et Pékin. D’une pierre deux coups, la première puissance mondiale espère ainsi ébranler le multilatéralisme des pays émergents, et particulièrement des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Preuve de l’asymétrie des échanges commerciaux convenus : le Brésil prévoit une nette augmentation des importations de farine états-unienne de l’ordre de 750 000 tonnes dans un pays pourtant considéré comme un grenier du monde. La nouvelle a d’ailleurs été fraîchement accueillie par le puissant lobby de l’agrobusiness, qui a pourtant joué un rôle clé dans l’élection de Bolsonaro, mais voit d’un mauvais œil cette pression sur les prix nationaux. Autre signe du tournant suiviste : le Brésil est pressenti pour devenir un pays partenaire de l’Otan, au même titre que le fidèle allié militaire colombien dans la région. « C’est un problème international, s’inquiète le diplomate chevronné Celso Amorim. Le Brésil a toujours été un membre des groupes des non-alignés dans la Conférence du désarmement, qu’il a présidée à deux reprises. »
vendredi 22 mars 2019
En Algérie, Bouteflika lâché par son entourage
Gradés de l'armée, FLN, partis alliés : tous prennent leur distance vis-à-vis du Président. Malgré le renfort de figures historiques algériennes, les mobilisations ne s'essoufflent pas et le chef d'Etat se retrouve isolé.
- En Algérie, Bouteflika lâché par son entourage
Le navire Bouteflika prend l’eau de toutes parts. Les lâchages se multiplient, incluant les soutiens traditionnels les plus solides de la présidence algérienne. Dernier en date mercredi, le Front de libération nationale (FLN), le parti d’Abdelaziz Bouteflika, a affirmé soutenir le mouvement actuel de contestation et le «changement» qu’il réclame. Tout en prônant le «dialogue» initié par le chef de l’Etat pour sortir l’Algérie de la crise, Mouad Bouchareb, le patron du FLN, a souligné par ailleurs que le gouvernement «n’était pas entre les mains du parti», tentant de dissocier le régime de sa formation, ancien parti unique et au pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Le mouvement s’est accéléré ces derniers jours, surtout depuis le signal donné par le chef de l’armée lundi. Après avoir exprimé sa «confiance absolue en la sagesse du peuple», le général Ahmed Gaïd Salah a salué les «nobles objectifs» des manifestants. «A la lumière de cette conscience de la grandeur et de l’éminence de la patrie, de sa sécurité et de sa stabilité, je tiens à réitérer aujourd’hui mon engagement devant Allah, devant le peuple et devant l’histoire, pour que l’Armée nationale populaire demeure, conformément à ses missions, le rempart du peuple et de la nation dans toutes les conditions et les circonstances», a déclaré le général, qui est également vice-ministre de la Défense. Des propos qui ont clairement été reçus comme une prise de distance vis-à-vis de la présidence Bouteflika.
Outre le FLN, des défections sont enregistrées parmi les autres partis politiques, dits de «l’allégeance», qui ont soutenu la candidature du président handicapé à un cinquième mandat.
Un message présidentiel bientôt diffusé
Le Rassemblement national démocratique (RND), influente formation de la coalition gouvernementale et jusqu’ici soutien fidèle de Bouteflika, a dénoncé mercredi la décision du président de rester au pouvoir. Son chef, Seddik Chihab a qualifié la dernière candidature d'«énorme erreur». Le RND rejoint ainsi le camp des politiques, syndicalistes et hommes d’affaires qui ont décidé ces derniers jours de ne plus soutenir le chef de l’Etat.
Face à ces abandons, le pouvoir a tenté d’en appeler à ses soutiens internationaux. Le récemment nommé vice-Premier ministre Ramtane Lamamra s’est rendu à Rome, puis à Moscou et Berlin. Il a réaffirmé que le président Bouteflika ne cédera le pouvoir qu’après l’élection d’un nouveau président suite à la conférence nationale de consensus et l’élaboration d’une nouvelle constitution. Parmi les dernières cartouches également tirées par le régime, l’appel à certaines figures historiques algériennes respectées internationalement. Lakhdar Brahimi, 85 ans, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien haut représentant de l’ONU, est venu à Alger mettre en garde ses concitoyens contre un dérapage à l’irakienne. Tout en niant vouloir ainsi «faire peur» aux contestataires, «il faut avoir conscience des dangers qui existent : parler de l’Irak ou de la Syrie, ce n’est pas essayer de dire à la population ne bougez plus. […] On leur dit : avancez les yeux ouverts», a-t-il ajouté.
Malgré l’opacité qui entoure le cercle du pouvoir en Algérie, les signaux de détresse sont détectés par les Algériens. Selon le site d’information Algériepart, s’appuyant sur des «sources sûres» au palais présidentiel, «un message présidentiel devra être diffusé jeudi 21 mars, à savoir à la veille du vendredi 22 mars qui promet d’être une autre journée de grande mobilisation populaire». Dans cette lettre, Abdelaziz Bouteflika pourrait annoncer «son départ au lendemain du 28 avril prochain, date à laquelle son mandat présidentiel arrive à terme», avance Algériepart.
jeudi 21 mars 2019
Depuis le 1er mars, les grandes entreprises sont obligées de publier un « index de l’égalité salariale », une note sur 100 censée évaluer leur bonne ou médiocre performance en matière de non discrimination entre hommes et femmes. Une note trop basse peut être synonyme de sanctions financières. Problème : cet index est fait pour que la plupart des entreprises aient d’excellentes évaluations, quelle que soit l’ampleur des inégalités en leur sein. Une invention gouvernementale qui permet de masquer des discriminations persistantes.
Depuis le 1er mars 2019, les entreprises de plus de 1000 salariés sont obligées d’afficher un « index de l’égalité salariale » entre hommes et femmes. Cet index se présente comme une note sur 100. A en croire les scores qu’affichent les grandes entreprises françaises, elles atteindraient quasiment toutes la quasi perfection. Le groupe pharmaceutique Sanofi affiche ainsi une note de 94/100, Arcelor Mittal 89/100, BNP-Paribas 87/100, Carrefour 80/100 ! [1]
De la métallurgie à la finance en passant par l’agro-alimentaire, ces champions du CAC 40 seraient donc aussi des modèles en matière d’égalité salariale entre hommes et femmes. La réalité est pourtant bien différente. Dans le cas de BNP Paribas par exemple, si les femmes sont plus nombreuses que les hommes au sein de la banque [2], ceux-ci y sont payés en moyenne 23 % de plus que leurs collègues féminins [3]. Au sein de la direction et du comité exécutif, ne siègent que trois femmes pour dix-sept hommes [4]. Bref, ce n’est pas brillant. A quoi correspond donc l’excellente note de 87/100 qu’obtient la banque ?
Prévu dans la loi « Avenir professionnel » votée l’été dernier, cet index de l’égalité salariale – et sa note sur 100 – sont calculés selon cinq critères : la suppression des écarts de salaire (40 points), la chance égale pour les femmes et les hommes d’obtenir une promotion (15 points) ou une augmentation (20 points), l’augmentation du salaire au retour d’un congé maternité (15 points) et au moins quatre femmes dans les plus hautes rémunérations d’une société (10 points). Les entreprises doivent obtenir 75 points sur 100 pour éviter des sanctions pécuniaires. Celles-ci peuvent atteindre 1 % de la masse salariale si la note demeure en deçà des 75 points au bout de 3 ans. 1400 entreprises de plus d’un millier de salariés sont concernées.
Bienvenue dans le monde des baromètres gouvernementaux qui ne signifient plus rien
Dès la publication du détail de calculs de l’index, le 21 décembre dernier, les syndicats ont protesté, regrettant des modalités qui occultent en fait les inégalités. « Il suffit d’avoir 75/100 pour ne pas être sanctionné. Or le barème retenu est très progressif et les cinq critères se compensent. Il sera donc possible de ne pas être sanctionné, tout en ayant un écart de rémunération de 15% », déploraient ensemble les cinq confédération syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC) dans un courrier adressé à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
Les calculs sont des plus alambiqués. Les écarts de salaires, par exemple, pèsent en théorie 40 points dans la note. On pourrait croire qu’une entreprise où cet écart est de 15 % perdrait ses 40 points. Pas du tout, elle n’en perd que 10 (l’écart de 15 % moins cinq points). Si elle remplit les autres critères, qui ne sont pas très compliqués à atteindre, elle peut se prévaloir d’une note de 90/100, malgré une discrimination salariale conséquente entre hommes et femmes. Bienvenue dans le monde des baromètres gouvernementaux qui ne signifient plus rien, à part masquer la réalité.
Dans le courrier adressé en décembre à Muriel Pénicaud, les syndicats demandaient pourtant que le barème soit revu, pour garantir qu’il ne soit pas possible d’avoir plus de 5 % d’écart de rémunération sans être sanctionné. Autre évaluation biaisée : « Pour le retour du congé maternité : au lieu de vérifier l’application de la loi et de s’assurer que les femmes ont bénéficié du même montant d’augmentation que les autres salarié-e-s, on se contente de regarder si elles ont toutes été augmentées, sans s’intéresser au montant, comme la loi l’impose », détaille la CGT.
mercredi 20 mars 2019
MOBILISATION. À L’HEURE DES ARBITRAGES, LES SYNDICATS DONNENT DE LA VOIX
Après les mobilisations sociales et environnementales de samedi, les syndicats prennent le relais et appellent à la grève et à la mobilisation, ce mardi 19 mars, pour faire entendre leurs revendications sur les salaires et les services publics, alors que le grand débat touche à sa fin.
À l’heure des conclusions, alors que le grand débat s’est officiellement achevé ce vendredi, les syndicats veulent « se faire entendre » et ne pas rester « spectateurs, ni caution de décisions qui pourraient être prises en matière sociale », revendique Yves Veyrier, secrétaire général du syndicat Force ouvrière, qui fait son grand retour chez les « contestataires », renforçant ainsi l’intersyndicale CGT, Solidaires, Unef, UNL, UNL-SD. Des syndicats qui, pour ne pas participer à l’« enfumage », ont boycotté les rendez-vous thématiques du grand débat organisés la semaine dernière, regrettant que « le gouvernement reste enfermé dans ce qu’il pense être un véritable débat, alors que, concrètement, les réponses ne sont pas en phase avec le mouvement social ». Pour la CGT, l’heure est désormais à « la mobilisation générale ».
Un mois après la première journée de convergence avec les gilets jaunes, le 5 février, qui a vu défiler plus de 300 000 personnes, les syndicats souhaitent amplifier le mouvement. D’autant que, depuis plusieurs semaines, les militants sur le terrain s’activent de débats publics en initiatives sur la défense des services publics, de distributions de tracts en rédaction de cahiers revendicatifs dans les entreprises. En tête des doléances, la hausse des salaires, mais également la défiance sur la future réforme des retraites, l’exigence d’une plus grande justice fiscale – via la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité et la remise en vigueur de l’ISF – ou encore l’attachement réaffirmé aux services publics de proximité… Autant de revendications qui rejoignent les attentes des gilets jaunes. « Cela confirme que nous ne sommes pas en dehors de ce que vivent les salariés », relève Sandra Buaillon, membre de la commission exécutive de la CGT.
Les luttes dans les entreprises restent encore timides
Dans ce contexte social tendu, où la mobilisation pour le climat s’ajoute désormais aux manifestations hebdomadaires des gilets jaunes, les convergences se multiplient. Mais alors que la colère monte chaque jour un peu plus, l’enjeu est désormais qu’« elle s’exprime de façon plus construite », analysait début mars dans les colonnes de l’Humanité Dimanche Philippe Martinez, secrétaire général de la centrale.
Car si les liens continuent indéniablement de se tisser localement entre militants syndicaux et gilets jaunes, les luttes dans les entreprises restent, pour leur part, encore timides. D’ailleurs, poursuit Sandra Buaillon, « le patronat est actuellement bien trop tranquille et c’est à nous de remettre le débat là où il doit être, c’est-à-dire dans l’entreprise ». Timides certes, les luttes dans les entreprises n’en sont pas pour autant inexistantes : « Geodis Calberson à Gennevilliers, Fonderie du Poitou, Ford Blanquefort, les postiers de Plaisance-du-Touch, Peugeot à Hérimoncourt, Solvarea à Croissy-Beaubourg, la centrale thermique de Provence à Gardanne, les salariés d’Avermes de Manitowoc, ceux de l’usine Saint Louis Sucre à Marseille », la CGT dresse la liste des entreprises mobilisées, auxquelles s’ajoute un secteur public à bout de souffle, dans les finances publiques ou chez les douaniers.
Porter la colère dans les entreprises et agir par la grève est, selon Yves Veyrier, « le seul moyen d’action pour les syndicats quand ils n’ont pas été entendus. Dans les entreprises, on observe que la grève, quand il y a revendication sur les salaires, permet d’obliger les employeurs à se mettre autour de la table ». Si ce 19 mars semble « bien parti », le secrétaire général de Force ouvrière estime toutefois que si toutes les organisations « s’étaient associées, cela aurait donné, évidemment, plus de force ».
Les organisations syndicales mises sur la touche par le gouvernement
Car, à contre-courant, la CFDT semble tracer son chemin. Ainsi depuis novembre, le premier syndicat a toujours pris ses distances avec le mouvement des gilets jaunes, y voyant entre autres « une forme de totalitarisme » et poussant au grand débat pour s’afficher comme le « meilleur opposant » à Emmanuel Macron. Et alors que les organisations syndicales sont mises sur la touche par le gouvernement, des ordonnances Macron à la réforme de l’assurance-chômage, Laurent Berger veut encore faire croire au dialogue et n’hésite pas à tacler « certaines organisations syndicales », en prenant le soin de ne pas les nommer. Des syndicats qui, selon le cédétiste, seraient responsables de « fragiliser la démocratie sociale et, par ricochet, le syndicalisme » en « s’opposant à tout ». Le secrétaire général de la CFDT exposait ainsi la semaine dernière à Nicolas Hulot 66 propositions pour « un pacte social et environnemental », sans que ni la CGT, ni l’association Attac, entre autres, ne soient associées. Et celui qui voit l’implication de la jeunesse dans la lutte environnementale d’un bon œil, jugeant la « cause juste », l’oppose dans la foulée aux « mouvements qui parlent de tel article, de telle loi, et qui auront beaucoup moins d’impact sur leur vie que le réchauffement climatique ». Une prise de position à rebours des organisations qui appellent aujourd’hui à l’action et pour qui les jeunes, « dont les difficultés ne cessent de croître », sont au contraire pleinement concernés. La « réforme du lycée et de la voie professionnelle », la « progression de la précarité étudiante » et le « gel des prestations sociales ne font qu’attaquer le droit d’étudier ».
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