mercredi 27 mars 2019

Comment un contrat signé avec les chantiers navals de Cherbourg est lié à la quasi-faillite du Mozambique

C’était un banal contrat conclu par le Mozambique pour la construction de chalutiers à Cherbourg, destinés à la pêche au thon. Cinq ans plus tard, le pays est sur-endetté et frappé par l’austérité, sa population s’est appauvrie. Si les chalutiers ont bien été livrés, les navires n’ont pas été utilisés. Et les crédits contractés par le pays pour financer ce contrat, ainsi que d’autres projets, se sont en partie évaporés. Récit d’un scandale politico-financier dans lequel apparaissent les noms de cadres d’une banque suisse, des responsables mozambicains corrompus et un cadre d’une holding dont le PDG est un influent homme d’affaires franco-libanais.
L’histoire réunit tous les ingrédients d’un scénario de roman policier : un ministre des finances suspecté de corruption, des banques suisse et russe, un cadre d’une holding libanaise, des intérêts stratégiques français en Afrique, un contrat passé entre les chantiers navals de Cherbourg et l’État mozambicain, des emprunts douteux qui atteignent deux milliards de dollars, et, enfin, un pays, le Mozambique, qui se retrouve en quasi-faillite.
Tout commence avec des arrestations sur trois continents. Le 29 décembre 2018, l’ancien ministre des Finances mozambicain, Manuel Chang, est intercepté par la police sud-africaine à l’aéroport de Johannesburg. Le 3 janvier suivant, trois anciens banquiers du Crédit Suisse [1] sont à leur tour interpellés, à Londres cette fois. La veille, un haut cadre d’une société libanaise, Privinvest, est arrêté à l’aéroport de New-York. Privinvest est une holding internationale qui dispose d’un siège au Liban et un autre aux Émirats arabes unis. Elle possède notamment des chantiers navals à Cherbourg. Son PDG est l’homme d’affaires franco-libanais Iskandar Safa, 81ème fortune française et par ailleurs propriétaire de l’hebdomadaire très à droite Valeurs actuelles.

Accusés d’avoir détourné au « moins 200 millions de dollars » en pots-de-vin

Quel est le lien entre ces anciens banquiers, le haut-cadre de Privinvest et un ancien ministre des Finances mozambicain ? Ils ont été interpellés suite à leur inculpation par un tribunal fédéral de New-York. La justice leur reproche d’avoir violé une loi fédérale de lutte contre la la corruption et le blanchiment d’argent à l’étranger (le Foreign Corrupt Practices Act), et d’avoir « escroqué les investisseurs et possibles investisseurs », dont des citoyens états-uniens. Les prévenus sont accusés de s’être servi de projets d’investissement « comme des façades pour collecter de l’argent et s’enrichir » et d’avoir « dévié intentionnellement des portions des recettes des crédits pour payer au moins 200 millions de dollars en pots-de-vin pour eux-mêmes, des officiels du gouvernement mozambicains, et d’autres », détaille l’acte d’accusation.

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