En France comme ailleurs, la plupart des grands médias (télés, radios et journaux) sont la propriété soit de milliardaires, soit de l'Etat, qui lui-même défend les intérêts des milliardaires. Dès lors, il faut beaucoup de naïveté – ou d'hypocrisie – pour parler de médias « libres » et « indépendants ». Comme le dit un proverbe anglais : celui qui paye l'orchestre commande la chanson. Et en effet, les grands médias chantent, jour et nuit, les vertus du « libre marché », la nécessité de « favoriser l'investissement » (en cassant nos droits sociaux), de « sauvegarder le système de retraites » (en le détruisant), d'« encourager les chômeurs à trouver un emploi » (en les affamant), etc.
Un système
Bien sûr, les milliardaires qui possèdent les grands médias privés – les Bouygues, Bolloré, Drahi, Niel, Arnault et compagnie – n'ont pas besoin de se pencher par-dessus l'épaule des journalistes pour vérifier qu'ils défendent bien l'ordre établi. Comme l'expliquait Marx, « les idées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les idées dominantes ; autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. » La plupart des journalistes sont eux-mêmes imprégnés de ces idées. Après tout, elles forment le pain quotidien des écoles de journalisme, de Sciences Po et des universités.
Plus on monte dans la hiérarchie du journalisme, moins l'idéologie bourgeoise est remise en cause. Tout en haut, sur les plateaux de télévision, circulent Arlette Chabot, Christophe Barbier, David Pujadas et toute l'avant-garde éclairée du grand Capital. Leur métier ne consiste plus à informer la population, mais à défendre et conseiller le pouvoir. Entre ces chiens de garde et les « petites mains » du journalisme, il y a tout un système pyramidal où les consignes, les préjugés, la censure et, plus souvent, l'autocensure, garantissent l'homogénéité idéologique du champ médiatique. La franche et directe contestation de l'ordre établi est limitée aux chroniques des humoristes, un peu à la façon des bouffons du Roi sous l'Ancien Régime.
Le réformisme
On entend parfois des militants de gauche se plaindre de la « toute puissance des médias », comme si leur pouvoir de former l'opinion était indestructible. Mais ce n'est pas le cas, heureusement. Le pouvoir des médias n'est pas absolu ; il est relatif. Lorsque la lutte des classes s'intensifie, un nombre croissant de jeunes et de salariés développent une défiance de plus en plus forte à l'égard de la propagande médiatique officielle. Ils cherchent alors des idées alternatives du côté des organisations du mouvement ouvrier (partis de gauche et syndicats). Mais c'est là que se pose un nouveau problème : la plupart des dirigeants du mouvement ouvrier sont eux-mêmes influencés, à des degrés divers, par les « idées de la classe dominante ». Le réformisme, c'est précisément cela : le résultat des pressions matérielles et idéologiques de la bourgeoisie sur les sommets du mouvement ouvrier.
Conclusion : il faut combattre la propagande des médias bourgeois, bien sûr ; mais il faut aussi – et surtout – doter le mouvement ouvrier de directions imperméables aux idées de nos adversaires de classe. Car nous ne pourrons pas les vaincre avec leurs armes idéologiques.
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