vendredi 7 juin 2019

CLIMAT. OBSTINÉMENT, LES BANQUES TREMPENT DANS LE CO2

Quatre ans après la COP21, l’observatoire Fair Finance relève que les combustibles fossiles comptent toujours pour 70 % des investissements opérés par les groupes français dans le secteur énergétique.
À quand des banques parfaitement droites dans leurs engagements climatiques ? Et à quand un État capable de leur imposer la netteté ? Publiée hier, une analyse réalisée par l’observatoire Fair Finance France (1) passe au crible les politiques énergétiques des principaux groupes français, mettant – une fois de plus – en lumière ce que leurs pratiques financières recèlent de contestable. Oxfam, ONG de développement active dans le champ de la lutte contre l’injustice climatique, saisit cette opportunité pour sommer le gouvernement de contraindre « les banques à publier immédiatement un plan de sortie des énergies fossiles », visiblement loin d’être gagné.
La note de Fair Finance épluche les investissements récemment opérés par six grandes banques. Elle se penche également sur les procédés financiers du Crédit coopératif et de la NEF, deux structures de moindre envergure, qui ont fait de l’éthique environnementale et sociale leur argument social. De ce côté-là, a priori, promesse est tenue.
La NEF, coopérative de finances solidaires, ne finance que des projets à impacts neutres et positifs – énergies renouvelables, agriculture biologique… – et en publie intégralement la teneur, relève la note, qui la déclare meilleure élève. Le Crédit coopératif, dont la vocation est de soutenir l’économie sociale et solidaire et qui exclut de son portefeuille les énergies fossiles, rate l’ex æquo faute d’afficher le bilan carbone des entreprises qu’il finance et de s’engager à le bonifier.

Oxfam somme l’État de prendre des mesures

BPCE-Natixis, sa maison mère, s’en tire en revanche nettement moins glorieusement, car elle « continue de financer des entreprises charbonnées », relève l’analyse. En pratique, en 2016 et 2017, « 5,6 milliards d’euros ont été financés par la banque dans les énergies fossiles et seulement 1,6 milliard d’euros dans les renouvelables ». Encore n’est-elle pas la pire des cancres (c’est le Crédit mutuel-CIC qui rafle cet honneur). Sensiblement mieux notées, Société générale, Crédit agricole et BNP Paribas n’en récoltent pas moins de sérieux malus. Même La Banque postale n’y coupe pas, péchant par ses investissements dans des actions d’entreprises exposées aux énergies fossiles.
Au final, pas une seule grande structure française ne s’en sort avec brio. Si, depuis la COP21 et la signature de l’accord de Paris, toutes ont fait mine de rejoindre la cause climatique, aucune n’affiche de « politique spécifique limitant de manière significative leur soutien aux énergies fossiles », déplore Oxfam. Et si toutes ont annoncé la fin de leurs financements aux projets de mines et centrales à charbon, le fossile d’entre tous le plus émetteurs de CO2 « compte en moyenne pour 8,5 % des énergies financées », déplore Oxfam, « tandis que le gaz et le pétrole en représentent 62,5 % ».
Constatant l’échec de l’approche volontaire accordée au secteur financier en matière de lutte contre le réchauffement, l’ONG somme l’État de prendre des mesures. « Tous ces chiffres ont de quoi faire douter que les banques s’inscrivent réellement dans la trajectoire de l’accord de Paris », explique Alexandre Poidatz, chargé du secteur financier pour Oxfam. D’autant, souligne-t-il, que toutes les données ne sont pas accessibles. « Par exemple, nous n’avons pas accès aux prêts bilatéraux, accordés directement par une banque à une entreprise. »
Obtenir la totale transparence des données serait un premier pas. Un second voudrait que le gouvernement contraigne les banques à publier un plan de sortie des énergies fossiles. En novembre, Bruno Le Maire avait demandé aux acteurs financiers d’avancer dans ce sens. « Si ces engagements ne sont pas respectés, nous les rendrons contraignants », avait ajouté le ministre de l’Économie et des Finances.« Il doit tenir sa promesse », assène aujourd’hui Alexandre Poidatz. Des failles existent dans les lois qui pourraient le lui permettre. « L’interdiction de spéculer sur les matières premières en est une », poursuit le chargé de dossier. Adoptée en 2017, la loi sur le devoir de vigilance des entreprises est un autre levier que le gouvernement pourrait, s’il le voulait, actionner.

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