Les élections législatives qui se sont déroulées en Grèce dimanche 7 juillet ont vu une victoire importante de la droite libérale, conservatrice et sécuritaire de la «Nouvelle Démocratie» qui avec 40% des voix obtient la majorité absolue des sièges au Parlement et qui vient de former un gouvernement dirigé par Kyriákos Mitsotákis, pur produit d’une droite clientéliste et clanique et s’est rapprochée de courants d’extrême droite. Syriza obtient 31% des voix, ce qui représente néanmoins un niveau relativement élevé par rapport aux annonces. Notons que parmi les 17-25 ans, Syriza a obtenu 38% des voix, contre 30% à la droite. Le paysage politique est très polarisé, car les autres partis sont très loin derrière: KINAL (social-libéral), 8% ; KKE, 5,3% ; Solution grecque (extrême droite), 3,7% et Mera25 (Varoufakis): 3,4%.
C’est donc la fin du gouvernement Syriza. Il y a évidemment une analyse à mener sur les raisons de cet échec annoncé. L’échec du gouvernement d’Alexis Tsipras est un échec pour la gauche européenne. Lors de la confrontation majeure des premiers mois de 2015, personne en Europe ne fut réellement en mesure de venir en aide au gouvernement grec, qui dirige un pays qui ne représente que 2% du PIB de la zone Euro, et qui fut humilié et écrasé par la Troïka et les gouvernements des 27 autres pays de l’UE qui ont voulu faire de la Grèce une démonstration politique pour y écraser la gauche. Le rejet massif par la population grecque des conditions imposées par la Troïka lors du référendum du 5 juillet 2015 ne fut pas suffisant pour ouvrir une brèche réelle dans le talon de fer de l’austérité européenne. Car le gouvernement grec fut laissé seul pour mener la bataille. Et il a été battu et contraint de mettre en œuvre le 3e mémorandum, tout en étant porté à nouveau au pouvoir en septembre 2015. Ce n’est qu’à la sortie du mémorandum, en août 2018, que le gouvernement Tsipras a été en mesure de commencer à apporter des mesures correctives. D’ailleurs, des ministres comme Georges Katrougalos, et Alexis Tsipras lui-même lors de la réunion du comité central de Syriza en mars 2019, ont reconnu que ce n’est qu’à partir d’août 2018 que le gouvernement a pu commencer à mettre en place des mesures de gauche.
Celles-ci ont eu un impact non négligeable, tout en ouvrant de nouvelles contradictions dans la société grecque. La spirale de la dégradation sociale a été stoppée par des mesures prises en faveur des plus défavorisés. Mais les conditions de vie globales ne se sont pas améliorées. Un exemple: le salaire minimum a été relevé, mais le salaire moyen a continué à baisser. Il est fort à craindre que le retour de la droite au pouvoir signifie le réenclenchement de cette spirale infernale.
Les questions qui se posent à la gauche européenne sont de deux ordres: d’une part, comment expliquer la faiblesse de la gauche qui a été incapable d’aider réellement le gouvernement grec? Et, d’autre part, cela pose à nouveau la question de l’exercice du pouvoir par la gauche et du très haut niveau de rapports de force nécessaire pour faire bouger les lignes dans l’Europe libérale dans des conditions non révolutionnaires. Ces questions clés nécessitent un vrai travail d’élaboration politique d’une part et de construction de rapports de force au niveau européen d’autre part. Elles ne se posent pas seulement en Grèce. Mais elles ont pu aussi se poser à Chypre, quand AKEL gouvernait le pays. Elles se posent, dans des conditions différentes, dans la construction sous des formes variées de majorités parlementaires soutenant de l’extérieur et de manière critique des gouvernements sociaux-démocrates, comme c’est le cas au Portugal et désormais aussi au Danemark. Elles peuvent se poser demain en Espagne.
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