vendredi 6 septembre 2019

Les agents des finances publiques fortement mobilisés contre le plan Darmanin

Les agents des finances publiques ont vu leurs effectifs fondre de 40 000 postes depuis quinze ans… Et 20 000 autres pourraient disparaître d'ici 2022, à grand renfort de mobilités forcées et de la fermeture de la plupart des trésoreries. En territoires, on commence à réaliser l'étendue des ravages du plan Darmanin.
« Même plus l'impôt sur les os », le slogan des agents des finances publiques, surmonté d'une tête de mort, s'est invité depuis plusieurs semaines sur les façades et dans les bureaux des trésoreries. Sous forme de drapeaux noirs ou d'autocollants, portés sur les tee-shirts ou installés comme écrans de veille sur les postes de travail, il s'est répandu comme une traînée de poudre cet été au fur et à mesure qu'étaient dévoilés les projets du gouvernement.
Des manifestations diverses ont ainsi pu être organisées, à l'image du barbecue de lutte tenu chaque jeudi à Lille devant la direction régionale des finances publiques. À travers toute la France, l'intersyndicale Solidaires-CGT-FO-CFDT-CFTC s'est aussi adressée aux élus locaux qui ont peu à peu pris conscience que le nouveau réseau de proximité des finances publiques du plan Darmanin – du nom du ministre de l'Action et des Comptes publics –, que leur avait vendu la communication gouvernementale, était un leurre.
Il signifiait en réalité la quasi-disparition de toutes les trésoreries (il n'en resterait que deux par département environ), et de leurs personnels contraints notamment à des mobilités forcées. De fait, des élus de tous bords ont aussi commencé à se joindre aux manifestations locales, sachant que la disparition de ces services publics aurait des répercussions en termes d'emplois, mais aussi de gestion pour les administrations territoriales.

Fausse proximité et vrai démantèlement

Depuis juin 2019, la DGFIP (Direction générale des finances publiques) a publié les nouvelles cartes des points d'entrée des usagers (sauf pour l'Île-de-France, la Corse et l'outre-mer). La géographie redessinée par Gérald Darmanin est cependant totalement tronquée pour donner l'illusion de la proximité. En réalité, des administrations de plein exercice (les trésoreries) sont remplacées par des accès qui n'ont plus rien à voir avec l'existant.
Parmi ces points d'entrée des buralistes, désormais habilités à encaisser l'impôt en numéraire, des accueils éventuellement dispensés par des fonctionnaires territoriaux — et dont le métier n'est pas l'impôt — ou encore les nouvelles Maisons France Service que le gouvernement veut mettre en place. Ces Maisons France Service seraient ainsi habilitées à accueillir « en même temps » les finances publiques, de même que ce qui relevait précédemment de la Sécu, de La Poste, de la retraite, de Pôle emploi, du ministère de l'Intérieur, de la Justice, etc.
Bref, un véritable bazar où on trouverait de tout, de la charpente en or à la montre en bois des services publics. Mais, à bien y réfléchir, une telle métamorphose ne peut se traduire que par une numérisation maximale alliée à un contact humain minimum. Et, au final, la réforme censée rapprocher l'administration de l'usager, de l'assuré social ou du contribuable n'aura pour effet que de rendre quasi inaccessible un agent humain compétent ayant en charge le suivi d’un dossier.
Pour le dénoncer, la CGT a commencé à dresser les « vraies cartes ». Celle de la région Pacaest de ce point de vue assez éclairante sur l'éloignement réel des usagers qui va s'opérer, si par malheur le gouvernement parvenait à ses fins.

Une administration exsangue

Fanny De Coster, dirigeante du syndicat CGT Finances, déplore une situation intenable : « Nous avons perdu 40 000 postes en quinze ans, et le plan gouvernemental prévoit d'en supprimer encore 20 000 d'ici la fin du mandat. Contrairement à ce qui est répandu, nous continuons à accueillir énormément de public. Nous avons reçu 15 millions de personnes en 2017. Le 7 juin 2019, la CGT avait déjà appelé seule à une action. Mais, pour le 16 septembre, c'est l'ensemble des syndicats qui appelle à la grève. Nous demandons non seulement l'abandon du plan Darmanin, mais aussi des embauches. »
En effet, loin de se tarir, la charge de travail des agents des finances publiques s’est alourdie avec la mise en place du prélèvement à la source. Est-ce provisoire ? Pas vraiment, selon la syndicaliste : « Aujourd'hui, nous avons réalisé le plus facile, mais nous n'avons pas encore effectué un cycle complet avec la phase des régularisations. On sait que de nombreux employeurs ne paient pas leur TVA. Qu'adviendra-t-il quand ils ne paieront pas l'impôt issu du prélèvement ? C'est l'inconnu, mais il est probable qu'on demande aux salariés eux-mêmes de justifier qu'ils ont bien été prélevés. On peut donc s'attendre à de nombreuses réclamations au guichet… »

Le 16 septembre 2019, nouvelle étape de mobilisation

Chauffée à blanc tout cet été, une forte mobilisation s'est ancrée dans les administrations et l'appel de l'intersyndicale pour débuter une grève le 16 septembre devrait faire mouche. Les fermetures annoncées, les mutations forcées (dont les règles ont récemment évolué) motivent les agents des services des finances à organiser partout des AG et des grèves.
Qu'ils soient syndiqués ou non, tous les agents des finances ont conscience que cette réforme n'est pas une énième réforme, mais qu'elle constitue un démantèlement des missions, du réseau et des emplois des finances publiques. Sans doute, l'action nationale CGT du 24 septembre 2019 permettra-t-elle aussi de prolonger cet élan.

Des risques de corruption accrus

Les salariés ne sont toutefois pas les seuls mobilisés. Bien que les nouvelles soient peu relayées au niveau national, des citoyens et leurs élus sont aussi dans l'action dans de nombreuses villes, là où les trésoreries sont en danger. Parmi les raisons qui fondent la mobilisation des élus locaux — et qui ont fait notamment réagir l'Association des maires de France — figure la question de la séparation ordonnateur/comptable.
L'AMF a en effet émis de vives réserves sur les dispositions de la loi de Finances pour 2019, qui introduit la possibilité de création d'agences comptables. Ces agences comptables permettraient non seulement un transfert de charges non compensé au détriment des collectivités, mais surtout constituent un risque de mise en cause de ce principe de séparation.
« Nous sommes comptables publics, explique Fanny De Coster, nous vérifions et contrôlons les deniers de l'État. Les trésoreries assurent ce rôle en proximité et en confiance avec les élus. Elles peuvent aussi les conseiller, c'est pourquoi les élus sont attachés à cette sécurisation. Or, aujourd'hui, la mise place d'agents itinérants, qui pourraient être amenés à disparaître, ou encore des agences comptables comportent un risque de dérive. »
Ouverte à candidatures début 2019, l'expérimentation gouvernementale de la mise en place des agences comptables débutera en 2020 avec quatre agences. Parmi les huit premières collectivités ayant postulé, on compte les villes de Bobigny et Levallois-Perret, lesquelles, fort heureusement, n’ont quand même pas été retenues.

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