mardi 17 décembre 2024

« Mayotte n’a jamais vu une telle catastrophe » : les dégâts du cyclone Chido font craindre un lourd bilan humain


Le cyclone Chido a dévasté le 101e département français, où au moins 16 personnes sont mortes. La majeure partie de l’île était toujours coupée du monde dimanche soir, laissant craindre de nombreux autres dégâts. 

Il s’appelle Chido, « miroir » en shimaoré, mais a rendu Mayotte méconnaissable. En quelques heures, le cyclone d’une intensité exceptionnelle a complètement ravagé la petite île du canal du Mozambique. Dans le département le plus pauvre de France, des milliers de familles mahoraises ont tout perdu.

Comme à Kawéni, quartier nord du chef-lieu Mamoudzou, où ce qui est connu comme le « plus grand bidonville de France » a été complètement rasé par les vents de plus de 226 km/h, ne laissant qu’une colline désolée, couverte de débris et d’arbres tropicaux sans branches.

Dimanche soir, le préfet de Mayotte François-Xavier Bieuville n’a voulu évoquer que les 14 personnes décédées à l’hôpital. Un bilan qui « n’est pas plausible, je n’imagine pas que nous n’ayons pas plus de victimes ». Il a également levé l’alerte rouge sur l’île afin que « les gens circulent, reconstruisent et s’occupent des leurs », gageant que « Mayotte se relèvera ».

« Ce territoire n’a jamais vu une telle catastrophe »

Les scènes apocalyptiques sont visibles aux quatre coins de l’île, dont la majeure partie demeurait dimanche sans électricité, ni réseau mobile. À la Vigie, quartier de Petite-Terre lui aussi en hauteur, les cases en tôle ont été arrachées du sol, comme si elles n’avaient jamais existé.

Ne restent que des objets personnels noyés par les fortes pluies et la boue argileuse. Deux personnes y ont perdu la vie. À mesure que le cyclone tournoyait au-dessus de Mayotte, les comparaisons avec des événements plus anciens se sont égrenées : d’abord le cyclone de 1984, puis celui de 1934… Pour finalement conclure que « ce territoire n’a jamais vécu une telle catastrophe », des mots du géographe Saïd Saïd Hachim sur le plateau de France TV.

Même à Mamoudzou, seule ville à avoir retrouvé un réseau téléphonique parcellaire, les dégâts sont conséquents. Des toits d’habitations « en dur » se sont envolés, tout comme des lampadaires, des barrières, des arbres. L’une des barges qui relie Petite-Terre à Grande-Terre s’est échouée à côté du marché couvert, où les stands culinaires des « mamas brochettis » se sont volatilisés. La plupart des habitants ont dû compter sur la musada, l’entraide traditionnelle, pour se réfugier chez la famille ou les voisins qui habitaient un logement plus solide ou en contrebas. Plusieurs vidéos montrent des jeunes bien équipés aidants les plus âgés à se mettre à l’abri.

Sans nouvelles, toutes et tous craignent le pire

Toutes les communications étant coupées, de nombreux Mahorais angoissent pour leurs proches. Sans nouvelles depuis vendredi soir, ils se demandent s’ils sont vivants ou morts. Sur les réseaux sociaux, des milliers de publications fleurissent pour avoir des nouvelles des villages du Sud, de l’Ouest, et surtout du Nord, densément peuplé, où est passé l’œil du cyclone.

Deux autres victimes sont d’ailleurs à déplorer à Koungou, la deuxième commune de l’île. Une femme a été enterrée sur les lieux du désastre, alors que les habitants tentaient de reconstruire un abri de fortune pour la nuit, essayant de récupérer des morceaux de bois et de tôle.

Des centres d’hébergement d’urgence ont également été mis en place dans les écoles des villages, dont on ignore encore si elles ont tenu le coup. Le conseil départemental a appelé à la « solidarité » et à « l’engagement citoyen » de ses agents pour aider les familles réfugiées.

Des difficultés pour l’acheminement de l’aide

Même les bâtiments publics ont subi des dégâts. Le centre hospitalier de Mayotte a été inondé et déplorait 14 morts ce week-end, ainsi que de nombreux patients dans un état grave. La caserne de pompiers de Kawéni a perdu l’un de ses toits et « l’aéroport n’a plus de balisage, ni de tour de contrôle », ont signalé les autorités, précisant qu’il « est en état de marche pour les vols militaires ».

Depuis ce week-end et jusqu’à mercredi, « près de 800 personnes doivent arriver à Mayotte », a indiqué le ministre démissionnaire de l’Intérieur Bruno Retailleau. Mais les personnels, le matériel et les denrées en provenance de La Réunion, notamment, ne peuvent pas encore être acheminés de l’aéroport de Petite-Terre jusqu’en Grande-Terre, faute de barges en état de marche.

« Vous pouvez compter sur la solidarité, le soutien des Réunionnaises, des Réunionnais, des autorités », a écrit la présidente de la région La Réunion, Huguette Bello, à son homologue mahorais Ben Issa Ousseni. Le Secours populaire français a également lancé un appel aux dons financiers.

Une « multiplication des crises »

Dès dimanche, les travaux avaient débuté pour remettre les services publics en état de marche et dégager les routes afin que les secours puissent se rendre sur toute l’île. Les efforts se concentrent également sur le port de Longoni, au nord-est de l’île, porte d’entrée des porte-conteneurs. Les habitants devaient, eux, toujours rester confinés, mais le manque poussait de nombreuses personnes à faire la queue devant les quelques supermarchés ouverts pour se ravitailler.

Quant à l’eau, interrompue plusieurs fois par semaine depuis des années, François-Xavier Bieuville l’a « maintenue jusqu’à vendredi soir », avant de décider de la couper samedi, lors du passage du cyclone ! Comme d’habitude, l’État ne propose que l’urgence aux Mahorais, contraints de survivre dans des conditions inhumaines depuis des décennies. Lors d’une réunion interministérielle, samedi soir, le nouveau premier ministre François Bayrou a reconnu que le manque de services publics entraînait une « multiplication des crises » sur l’île.

Bruno Retailleau et son délégué aux Outre-mer, François-Noël Buffet, s’y rendront ce lundi. Peut-être pour répéter aux Mahorais, comme Emmanuel Macron l’a posté sur X, que « tout le pays est à leurs côtés ». Difficile de le croire sur le terrain, où des milliers de Français, malgré leur attachement à la République, ont perdu des proches et sont sans toit, ni biens, ni certitude que Chido sera leur dernier malheur.

François Gourand, prévisionniste à Météo France, a affirmé à l’AFP que le cyclone était « exceptionnel » car il a directement frappé l’archipel. Mais aussi que sa puissance provient des eaux particulièrement chaudes de l’océan Indien, à cause du changement climatique.

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