Cinquante « recours en indemnisation » ont été envoyés par des parents d’élèves de Pantin (Seine-Saint-Denis) pour protester contre le non-remplacement des enseignants sur la commune. Les propositions de Luc Chatel -étudiants et retraités en lieu et place de profs- agacent.
La pile de lettres trône sur un bord de table, prête à être postée. « Elles devraient arriver demain sur le bureau de Luc Chatel », sourit Fatima, une mère de famille. Mardi matin, cinquante « recours préalables en indemnisation » ont ainsi été envoyés par des parents d’élèves de cinq écoles de Pantin (Seine-Saint-Denis) pour protester contre le non-remplacement chronique des enseignants sur la commune. Le ministre de l’Éducation a deux mois pour leur répondre. Au risque, sinon, d’être attaqué devant le tribunal administratif.
Les parents demandent une réparation symbolique d’un euro par jour d’école non remplacé. « L’objectif n’est pas pécuniaire, il s’agit de faire reconnaître la faute de l’Etat et de voir les moyens humains arriver rapidement », explique Daniel Garault, délégué FCPE à l’école Joliot-Curie. Il avait déjà déposé plainte contre Luc Chatel mi-février pour les mêmes raisons (lire l’Humanité du 13/02/2010). Mais avait été débouté pour vice de forme. « Cette fois, nous nous sommes entourés d’avocats, précise Daniel Garault. Et nous nous dirigeons vers une condamnation de l’État. »
Ces recours s’appuient notamment sur les articles L.311-1 et suivants du Code de l’éducation selon lesquels il appartient à l’État « d’organiser les conditions de mise en oeuvre de l’obligation scolaire » à laquelle sont soumis tous les enfants. Or, dans certaines villes de Seine-Saint-Denis, le non remplacement de professeurs des écoles a atteint, faute d’effectifs suffisants, des proportions à peine imaginables. Chaque jour, sur Pantin, il y aurait ainsi en moyenne treize enseignants non remplacés, soit l’équivalent d’une école fermée sur les vingt-et-une que compte la commune. « A Pantin, mais aussi à Saint-Ouen, Gagny ou Montreuil, certains enfants ont manqué jusqu’à un mois de scolarité depuis septembre », note encore Daniel Garault, dont la fille en CE1 a déjà connu 17 enseignants différents depuis son CP ! « Je crois qu’il n’est pas exagéré de parler de défaillance dans l’organisation du service public… »
Les parents fustigent cette inégalité de traitement et beaucoup s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants. « Mon fils est en CE1 et a enchaîné les remplaçants depuis l’année dernière, explique Fatima. Résultat : il n’a toujours pas fait de conjugaison, d’anglais, ni de piscine. Dans sa tête comme dans ses cours, c’est le grand désordre. » Elle précise : « La plupart des parents tentent de palier eux-mêmes aux manquements, mais c’est dur. Moi, j’ai dû arrêter de travailler pour pouvoir m’occuper de lui. » D’autres parents parlent d’enfants en souffrance, angoissés de ne pas savoir s’ils auront ou non une maîtresse le lendemain. « Quand on songe que le primaire est l’âge des apprentissages fondamentaux, là où le rapport à l’école se construit, il y a de quoi s’inquiéter », note Karine, mère d’une fille en CM1.
Les parents de Pantin réclament deux enseignants par classe jusqu’à la fin de l’année pour essayer de combler le retard. Et ne veulent pas entendre parler des « remplaçants étudiants » proposé par Luc Chatel. « Nous voulons un enseignement de qualité, assuré par des gens formés, réplique Daniel Garault. Pas des solutions sparadrap. »
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