Des poulets élevés en batterie, des tomates en toute saison, des vergers où l’on exploite des ouvrières immigrées… Oui, mais « bio » ! Ou comment un mouvement lancé par des militants soucieux de défendre la petite paysannerie tout en rejetant les logiques productivistes risque de s’échouer sur les têtes de gondole des supermarchés.
Par Philippe Baqué
« Les écolos et les soixante-huitards ont laissé la place aux professionnels ! » Ainsi s’exprimait en juin 2009 un technicien de la coopérative Terres du Sud qui, dans le Lot-et-Garonne, organisait une journée « découverte » dans des élevages intensifs de… poulets biologiques. Les performances des installations livrées clés en main par la coopérative, les crédits et les aides publiques proposés étaient censés convertir les agriculteurs invités. En effet, pour approvisionner la grande distribution et la restauration collective (1), les puissantes coopératives agricoles, liées aux grandes firmes de l’industrie agroalimentaire, se livrent désormais une concurrence farouche dans l’élevage de ces poulets au-dessus de tout soupçon. Elles profitent de la nouvelle réglementation européenne qui permet à un éleveur de produire jusqu’à soixante-quinze mille poulets de chair bio à l’année et ne limite pas la taille des élevages de poules pondeuses bio.Ces coopératives ont compris qu’elles pouvaient gagner beaucoup d’argent avec un type d’agriculture qu’elles ont longtemps dénigré. En y appliquant leurs méthodes. « Les producteurs sont sous contrats serrés et perdent toute leur autonomie, raconte M. Daniel Florentin, membre de la Confédération paysanne, ancien éleveur de volailles bio qui a travaillé avec la coopérative landaise Maïsadour. Ils sont lourdement endettés pour au moins vingt ans et doivent livrer la totalité de leur production à la coopérative qui s’engage à la prendre, sans prix déterminé à l’avance. C’est un pur système d’intégration, courant dans les élevages intensifs conventionnels. »
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