L’économiste atterré Dominique Plihon dénonce l’ingérence politique totalement illégitime de la Banque centrale européenne dans la crise grecque, et avertit des conséquences catastrophiques d’une sortie précipitée de la Grèce hors de la zone euro.
Dominique Plihon est professeur d’économie financière à l’Université Paris XIII, membre du conseil scientifique d’Attac et des Économistes atterrés. Il a aussi coordonné Le Livre noir des banques (Les Liens qui libèrent 2015).
Regards. La BCE joue un rôle essentiel dans la pression pour obliger la Grèce à se soumettre à une politique désastreuse que les citoyens rejettent. Quel est ce rôle ?
Dominique Plihon. La BCE occupe effectivement une place très importante dans le dispositif institutionnel de la Troïka, mis en place depuis plusieurs années dans la zone euro sous la pression des créanciers. Ce dispositif n’a pas concerné seulement la Grèce, mais aussi l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne. Il a pour objectif de maintenir la pression sur les États, de les tenir en laisse afin qu’ils acceptent les réformes internes voulues par les créanciers, afin que ceux-ci perdent le moins possible. Dans le cas de la Grèce, depuis la formation du gouvernement Tsipras, ce dispositif institutionnel pratique ce que certains ont à juste titre qualifié de coup d’État financier. Mené par les créanciers, la BCE y participe de la façon la plus active qui soit.
« La BCE prend des positions de nature politique, en totale contradiction avec ses missions »
Comment l’expliquer ?
En Europe, plus encore semble-t-il qu’aux États-Unis ou dans d’autres pays, la finance a mis des banquiers et des financiers aux commandes des banques centrales. Des études sociologiques récentes, menées notamment par des chercheurs de l’université Paris 13, ont montré que la composition sociologique des instances de direction des banques centrales a évolué depuis la crise. Les banquiers et les acteurs proches du monde financier y sont devenus prépondérants. L’évolution est particulièrement significative à la BCE, dont le président Mario Draghi est un ancien haut dirigeant de Goldman Sachs. La BCE soi-disant indépendante est totalement sous la coupe des intérêts financiers. Elle est devenue plus que jamais le garant de l’ordre financier actuel.
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