Ian Brossat fut l’une des révélations de la campagne, mais sa dynamique ne s’est pas concrétisée. Avec 2,49 % des voix, le PCF n’a plus d’eurodéputés. Entretien.
Votre campagne a été marquée par une belle dynamique, saluée unanimement, même chez vos adversaires politiques. Avec 2,49 %, elle ne s’est pas traduite dans les urnes. Comment analysez-vous ce score décevant ?
Ian Brossat Le surcroît de participation a bénéficié à l’extrême droite. C’est le résultat de la stratégie délibérée d’Emmanuel Macron. L’électorat de gauche était désorienté par les divisions et très volatil. Un quart des votants se sont finalement décidés dans l’isoloir. Nous avons eu du mal à apparaître dans la dernière semaine, où les grosses machines électorales étaient au contraire invitées sur tous les plateaux télé. Certes, en montrant de nouveaux visages au cœur de la gauche, nous avons gagné de nombreuses voix nouvelles, mais d’autres qui avaient fait confiance aux candidats locaux du PCF durant les législatives ont privilégié le vote utile pour ce scrutin national. Résultat, malgré une belle dynamique, nous sommes en dessous de nos objectifs.
Cela faisait quinze ans que le PCF n’était pas parti sous ses propres couleurs aux élections européennes. La marche des 5 % était-elle trop haute ?
Ian Brossat J’aurais tant voulu ramener une victoire. Mais il faut voir d’où l’on vient. Il est clair que les élections nationales sont plus difficiles pour nous que les élections locales, où le travail formidable de nos élus est reconnu. La marche des 5 % est profondément antidémocratique, elle était d’autant plus élevée pour les formations de gauche que la droite macroniste et l’extrême droite ont écrasé le débat politique. Pour autant, nous n’avons pas fait tout cela pour rien : désormais, le PCF a repris pied sur la scène nationale et a montré qu’il portait des idées utiles. Nous avons beaucoup appris lors de cette campagne. L’expérience sera très précieuse pour la suite.
En dépit de cette déception, pensez-vous avoir semé des graines pour l’avenir ?
Ian Brossat À l’évidence. Nous avons attiré la sympathie, l’intérêt. Beaucoup ont porté sur nous un regard neuf. Tous n’ont pas voté pour nous dimanche dernier, bon nombre d’entre eux ont hésité et ont au final choisi de porter leur voix sur une liste donnée à plus de 5 % dans les derniers sondages. Mais tout cela existe et ne peut pas être balayé d’un revers de main. Nous devons préserver en nous l’état d’esprit positif et l’énergie qui ont été les nôtres durant cette campagne.
L’ensemble des formations de gauche, excepté EELV, sortent très fragilisées de ce scrutin, avec un rapport de forces dangereusement favorable à la droite macroniste et au RN. Vous avez appelé dès hier soir à « reconstruire une gauche digne de ce nom en France ». Par quoi cela doit-il passer selon vous ?
Ian Brossat La gauche doit s’assumer fièrement et se rassembler. S’assumer fièrement : la gauche de demain doit placer au cœur de son projet la justice sociale et l’urgence écologique, et pour cela la rupture claire avec le libéralisme. Se rassembler car, sinon, le risque est grand de voir le scénario mortifère de la bipolarisation entre libéraux et fachos s’ancrer durablement dans notre pays. Pour y parvenir, les formations de gauche doivent se garder de toute tentation hégémonique, avoir la modestie de tendre la main encore plus qu’hier. J’ai l’intime conviction que l’avenir passe par l’humilité, le travail collectif et le respect mutuel. Écoutons-nous, respectons-nous, travaillons ensemble. Dans cette période politique trouble, n’oublions jamais que nous n’avons aucun adversaire à gauche. Préservons la bienveillance qui fut la nôtre, préservons cette envie sincère de tendre la main, de réussir le rassemblement demain.
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