Pour Julien Lauprêtre, président du Secours populaire, cette journée doit servir à ce que « les droits de l’enfant, proclamés il y a trente ans, passent du rêve à la réalité ».
Face à la misère accrue, le Secours populaire redouble d’efforts pour offrir un peu de rêve aux enfants. Fidèle à son histoire, l’association poursuit son travail d’avocat des pauvres.
Depuis quand existe cette initiative d’une « journée pour les oubliés
des vacances » ?
Julien Lauprêtre. Nous tenons cette année la trente et unième édition de cette journée. En 1979, date de lancement de cette initiative, nous partions d’un constat simple. Après le 15 août, force est de constater qu’un enfant qui n’est pas parti en vacances ne le fera plus. Au début, mes amis du corps enseignant me disaient qu’une seule journée n’était pas suffisante, il fallait leur offrir de vraies vacances. Chose impossible pour le Secours populaire en raison des moyens financiers que cela nécessiterait. Toutefois, aujourd’hui, leur point de vue a changé. Certes, cette journée n’a pas la prétention de remplacer les vacances indispensables, dont tous les enfants devraient bénéficier, mais elle offre à chaque enfant, à la rentrée scolaire, la possibilité de raconter ne serait-ce qu’une journée de découverte. Dans chaque école de France, la première rédaction de la rentrée a pour thème: raconter un souvenir de vos vacances. Si le gosse ne part pas ne serait-ce qu’une journée, il sèche devant sa copie et se sent différent des autres. Notre objectif est que ces enfants qui n’ont pu partir soient mieux armés pour la suite de leurs études, animés d’un sentiment d’être des gosses comme les autres. Il est aussi d’œuvrer à ce que les « droits de l’enfant » proclamés il y a trente ans, passent du rêve à la réalité. C’est aussi simple que cela.
Pourquoi cette attention particulière accordée aux enfants ?
Julien Lauprêtre. L’enfant a toujours été au cœur des démarches du Secours populaire. En 1944, déjà, au sortir de la clandestinité, le Secours populaire envoyait des enfants de fusillés et de déportés à La Bourboule, en Auvergne. L’année suivante, en 1945, l’association emmène 500 enfants en Forêt noire, lors d’une journée intitulée « Du grand air pour les enfants de France ». Depuis, nous pensons que les vacances ne sont pas un luxe mais un besoin. Le droit aux vacances est un droit extraordinaire et plus que nécessaire.
La situation a-t-elle évolué
cette année ?
Julien Lauprêtre. Selon un récent sondage réalisé par Kinder/Ipsos, l’an dernier 1 enfant sur 3 n’est pas parti en vacances et près 50 % des Français en sont privés. Ce chiffre des « sans départ en vacances » vient s’ajouter à la longue liste des « sans » : sans nourriture suffisante, sans habillement correct, sans accès aux soins, aux sports, à la culture et, parfois aussi, sans logement et sans papiers. Le nombre des « sans » continue de grandir. L’an dernier, dans chacune de nos permanences de la solidarité, ouvertes dans tous les départements, nous avons relevé une augmentation de 20 % en plus des demandes d’aides, soit 2 millions de personnes. Très clairement, nous constatons que les Français ont de moins en moins de moyens pour vivre au quotidien.
À titre d’exemple, nous avons servi l’année dernière 80 millions de repas, presque autant que nos amis des Restos du cœur.
Pourquoi avez-vous décidé, cette année, de mettre l’accent sur l’Europe ?
Julien Lauprêtre. Parce que 2010 a été déclarée année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Nous avons décidé de nous y associer avec l’idée de promouvoir une Europe toujours plus solidaire, plus résistante face à la montée de la pauvreté et de la précarité. Car là encore les besoins sont criants. À l’automne dernier, notre magazine Convergence, dans un numéro spécial sur l’Europe, évoquait 78 millions de pauvres et relevait que 70 % des Européens voyaient la précarité s’aggraver. Au-delà des colloques et des réunions, nous nous associons donc à l’initiative européenne mais avec la volonté de frapper un grand coup pour le droit aux vacances à cette échelle. Très concrètement, nous avons invité cet été 3 000 petits Européens à passer des vacances en France. Pour cette journée des oubliés, près de 25 pays sont représentés. Au total, ce sont 40 000 enfants de France et d’Europe qui ont pu découvrir Paris. Depuis notre création, nous partageons ce souci de la solidarité internationale. En somme, le Secours populaire français se veut être l’« avocat des pauvres », pour plaider en toutes occasions la cause des défavorisés auprès des institutions, des autorités en France et en Europe, et jouer toujours mieux son rôle « d’aiguillon des pouvoirs publics ».
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