Le conseil départemental instaure le bénévolat aux prestataires du RSA pour qu’ils obtiennent l’allocation.
Dans
le Peuple d’en bas, Jack London rapportait comment à Londres on
astreignait les « nécessiteux » à casser six cents kilos de pierre
bénévolement en échange d’une soupe et d’une nuit à l’asile. C’était en
1902. Le Haut-Rhin a repris cette idée en 2017 et demande depuis le
début du mois aux prestataires du revenu de solidarité active (RSA) de
travailler pour zéro euro quelques heures en échange du versement de
leur allocation. « Le patronat en rêvait, le conseil départemental du
Haut-Rhin l’a réalisée : la gratuité du travail », s’insurge la CGT,
choquée par la mesure, tout comme les associations d’insertion.
« Déjà retoqué par le tribunal administratif de Strasbourg
en 2016, le conseil départemental n’en démord pas : les bénéficiaires
du RSA seraient responsables de la situation d’inactivité dans laquelle
ils se trouvent. Il ne faudrait pas qu’ils s’y complaisent », s’offusque
la CGT. En octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg avait
en effet réussi à retoquer le projet. La cour arguait que seul le Code
de l’action sociale et des familles pouvait définir les conditions pour
bénéficier du RSA. Le chantage aux heures de travail gratuites ne
faisait pas partie de la liste. « Nous persistons et signons », avait de
suite réagi le président du conseil départemental du Haut-Rhin, éric
Straumann (LR). Un tour de passe-passe juridique aura permis de passer
outre la décision de justice.
Désormais, les nouveaux allocataires devront signer un
« contrat d’engagement réciproque » (CER), leur imposant des heures de
bénévolat hebdomadaires. Si les usagers peuvent légalement refuser,
syndicats et associations craignent le poids des « incitations » dans un
rapport administration/allocataire très inégal. Pour les signataires du
contrat, les manquements aux engagements pourront entraîner des
sanctions, voire la suspension de leur allocation. Une mesure
« scandaleuse » et « discriminante » pour la Fnars, qui fédère
900 associations accompagnant l’insertion de ces personnes au quotidien.
Quant à l’éthique des travailleurs sociaux et le lien de confiance
établi avec les usagers accompagnés, ils risquent d’être sérieusement
mis à mal. Mais rien n’arrête le Haut-Rhin : dès le 1er mars une
plateforme Internet du type Le BonCoin sera activée pour connecter les
associations dépositaires de « missions » et les allocataires sous
contrat.
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