Le
président lancera demain sa stratégie de lutte contre la pauvreté.
Associations, acteurs de la solidarité et élus mettent en garde contre
un plan qui ne s’attaque pas aux causes réelles de cette précarité. À
commencer par la politique de destruction sociale du gouvernement…
L’attente
fut longue. Reporté de mois en mois depuis mai dernier, le plan
pauvreté d’Emmanuel Macron sera enfin présenté demain matin au musée de
l’Homme. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le chef de l’État
joue gros dans l’affaire. Au plus bas dans les sondages, il mise sur
cette journée pour tenter de corriger son image de « président des
riches » et donner une coloration plus sociale à ce début de quinquennat
où tous les sacrifices ont été demandés aux plus précaires.
L’entreprise de communication ne va pas être simple.
Depuis son élection, l’empilement des mesures
« pauvrophobes », pour reprendre l’expression de Benoît Hamon, donne le
vertige. Baisse des dotations aux collectivités sur les budgets
politiques de la ville, coup de massue sur les contrats aidés jugés
inefficaces, diminution de l’indemnisation chômage, baisse de 5 euros
des APL (aides au logement), hausse de la CSG pour les retraités,
ponction sur le secteur HLM… La liste est déjà longue. Sans parler du
vocabulaire suintant le mépris, dont cette dernière mise en scène
élyséenne qui montrait, début juillet, un Macron en train de déplorer le
« pognon de dingue » mis dans les minima sociaux.
Bref, jusqu’ici, aucun signal favorable pour les 8,8
millions de personnes vivant, en France, en dessous du seuil de pauvreté
(1 026 euros mensuels pour une personne seule). Que peut, malgré tout,
ce nouveau plan ? Mené dans le cadre d’une concertation avec les
associations de lutte contre la pauvreté, il devrait avoir pour axe
principal de s’attaquer à la « reproduction de la pauvreté ». Et
proposera une longue série de mesures ciblant en priorité les enfants et
les jeunes (lire encadré). Parmi les annonces clés que le président
fera demain, l’une concerne notamment le versement unique et automatique
des allocations à partir de 2019. Une mesure technique qui devrait
faire diminuer le nombre de cas de non-recours aux droits mais qui ne
dit rien sur le montant des budgets que l’État consacrera à l’ensemble
des aides. Tout comme plane le doute sur le financement global du plan.
Le chiffre de quatre milliards d’euros étalés sur le quinquennat est
avancé. « Mais ce serait un budget moindre que celui alloué par le
gouvernement Hollande, c’est insuffisant », prévient Florent Gueguen,
directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité.
Le responsable associatif attend du chef de l’État non
seulement des moyens mais également un véritable « recentrage social »
des politiques. « Le gouvernement a fait le choix de soutenir les
pauvres qui travaillent avec la revalorisation de la prime d’activité
mais aucun coup de pousse pour le RSA, qui concerne 2 millions de
personnes. Or, sans travail et sans accompagnement, les personnes au
chômage ne peuvent pas sortir de la précarité. » Bernard Thibaud,
directeur général du Secours catholique, est tout aussi critique à
l’égard du cap général, guidé avant tout par la contrainte budgétaire,
« sans objectifs clairs et chiffrés de réduction de la pauvreté ». Lui
pointe quelques aspects positifs du plan, dont l’accent mis sur la
prévention de la pauvreté des enfants. Mais reste déçu pour l’essentiel,
et également par la non-revalorisation du RSA et sa non-extension aux
18-25 ans, alors que les jeunes représentent une large part des
personnes en situation de pauvreté.
Sur le fond, le scepticisme règne. Et, quelle que soit la
teneur du plan annoncé, personne n’est dupe du double jeu du chef de
l’État dans cette affaire. « On peut souhaiter aider les personnes à
trouver du travail mais si parallèlement vous supprimez les contrats
aidés et que vous réduisez massivement les hébergements d’urgence pour
les familles, cela ne tient pas », tacle le président du Samu social,
Éric Pliez.
« C’est un gadget de communication saupoudré de misérabilisme »
La crainte de voir ce plan pauvreté se réduire ainsi à un
simple plan com est bien réelle. Notamment avec des mesures destinées,
avant tout, à satisfaire l’opinion publique. Pour beaucoup, la gratuité
du petit déjeuner pour les enfants des quartiers prioritaires en fait
partie. « C’est un gadget de communication saupoudré de misérabilisme,
s’emporte Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Vous
pouvez servir des petits déjeuners, si l’environnement social n’évolue
pas, s’il y a un manque de transports, si les parents ont des
difficultés d’emploi, cela ne permettra pas à l’enfant d’aller de
l’avant. » Éric Pliez abonde : « Ces petits déjeuners sont un pansement
sur une jambe de bois. Le risque de ce plan est qu’il découpe en
tranches la question de la pauvreté alors qu’elle relève de l’ensemble
des ministères. »
Et d’une politique globale qui renforce les services
publics et la protection sociale, deux éléments majeurs qui font de la
France l’un des pays ayant le mieux amorti la crise de 2008 et où la
pauvreté persiste le moins. Or, sur ces deux sujets précisément, les
attaques n’ont cessé de pleuvoir depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
« Le gouvernement ne s’attaque pas aux causes de la pauvreté, souligne
Laurence Cohen, sénatrice PCF. C’est un double discours permanent. D’un
côté, il fait les poches des plus pauvres avec ses économies de 57
millions d’euros sur quatre ans, dont 20 millions pour 2018, dans les
centres d’hébergement. Il coupe les moyens des associations. Il
détricote le droit du travail. De l’autre, il fait sa rentrée avec son
plan pauvreté. C’est une opération de communication pure et simple. »
Chaque jour, dans sa circonscription, Pierre Dharréville,
le député PCF des Bouches-du-Rhône, constate les dégâts de l’action
gouvernementale. « Je m’inquiète des coups portés chaque jour aux
services publics, seuls garants d’une société plus juste. Je vois des
salariés précaires, avec des emplois qui ne les protègent pas. Je
rencontre des seniors, surtout des femmes, dont les faibles pensions ne
leur permettent pas de vivre. » Il ne se fait donc pas d’illusion.
« Pour qu’un plan pauvreté ait de l’impact, il faudrait commencer par
garantir un système de protection sociale solidaire. » Pas vraiment au
programme d’Emmanuel Macron.
Des mesures sur les minima sociaux et l’enfance
Mesure-clé du discours du président, une réforme des
minima sociaux (lire page 6) devrait être annoncée par celui-ci, en
prônant notamment l’homogénéisation de leur calcul et l’automatisation
du RSA. Autres mesures : une aide à l’instauration de petits déjeuners
gratuits dans les écoles prioritaires, un bonus financier pour les
crèches accueillant des enfants défavorisés ou encore la formation
obligatoire jusqu’à 18 ans. L’extension de la couverture maladie
universelle et des mesures pour ne pas laisser tomber à 18 ans les
jeunes de l’aide sociale à l’enfance devraient aussi être évoquées.
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