En déplacement dans l’Indre, le président de la République a choisi de tendre l’oreille aux maires et aux patrons. Sans tout écouter. Et il a ignoré les syndicats, collectifs citoyens et gilets jaunes, qui avaient pourtant leur mot à dire.
Devant le siège du Medef de l’Indre, des salariés se sont rassemblés, jeudi, à l’appel de l’intersyndicale CGT-FSU-Solidaires. Emmanuel Macron ayant fait le choix de rencontrer les patrons dans l’après-midi, les organisations de travailleurs ont décidé de lui transmettre leurs revendications par un canal original. « J’ai avec moi un cahier de revendications que nous allons donner au Medef pour qu’il le porte au président de la République », explique Josiane Delaune, secrétaire générale de l’union départementale CGT. Le mince espoir qui subsistait de pouvoir rencontrer le président ou un de ses ministres est balayé par un coup de fil de la préfecture. « On aurait accepté d’être reçus par Muriel Pénicaud ou même par Bruno Le Maire, mais personne ne peut nous recevoir », résume la syndicaliste. Pourtant, ceux qu’Emmanuel Macron a décidé de ne pas entendre ont des choses à dire. Dans ce département qui occupe le 88e rang dans l’échelle des salaires, mais le 11e en nombre de personnes assujetties à l’impôt sur la fortune immobilière, les inégalités sont criantes. À commencer par les services publics qui désertent.
« Le monde dans lequel on vit, on en hérite »
Micro en main, encadrée de drapeaux rouges, la secrétaire de la CGT fait la litanie des fermetures : Trésorerie de Buzançais, maternité du Blanc, école de Sarzay… sans compter deux centres Afpa fragilisés. Aucune de ces communes n’a composé le trajet présidentiel. L’Élysée n’a pas non plus entendu ces travailleurs qui racontent des conditions de travail à la limite du supportable. Nicolas Dutreu est salarié chez Armatis, un centre d’appels qui se charge du service après-vente d’opérateurs autrefois publics tels que France Télécom ou GDF. Il raconte les pressions mises sur le personnel pour « traiter » un client en un temps record, les fauteuils de bureau sur le point de s’effondrer à force d’être utilisés 14 heures par jour. Sur le perron de l’édifice des organisations patronales, le président de Medef départemental Guy Pépin assure devant les caméras qu’il donnera le cahier de revendications de la CGT au président, mais que lui et ses collègues défendront « ce qui fait la richesse d’un département : l’entreprise ».
Au même moment, dans la commune de Gargilesse-Dampierre, à quelques dizaines de kilomètres de Châteauroux, bouclée par de nombreux gendarmes, une trentaine de maires s’entretiennent avec Emmanuel Macron. Loi Maptam, Loi NOTRe, réduction des dotations, etc., de nombreux sujets de discorde sont évoqués dans la commune dirigée par le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), Vanik Berberian. Le chef de l’État écoute, mais au moment de répondre, il botte en touche en renvoyant la responsabilité sur ses prédécesseurs : « Le monde dans lequel on vit, on en hérite. » S’il dit infléchir sa position en promettant la remise en place d’un arrêt en gare d’Argenton-sur-Creuse, au sud du département, sous la pression des usagers en lutte, il ne revient pas sur la fermeture de la maternité du Blanc, sur laquelle la maire (PS) Annick Gombert l’a interpellé. « Je veillerai à ce qu’il y ait un projet de santé sur la structure. On ne répliquera pas ce qu’il y avait avant », avance-t-il, souhaitant sans doute enfoncer les derniers clous dans le cercueil d’un équipement de santé, que citoyens, élus et praticiens jugent pourtant indispensable. Il formule même la notion de « clivage de destin » entre les zones où la démographie, trop négligée selon lui, évolue différemment.
Reste que citoyens et usagers ne se contentent pas de ces réponses du « nouveau monde ». Des gilets jaunes et le collectif C’est pas demain la veille, qui lutte pour la réouverture de la maternité du Blanc, se sont rendus dans l’après-midi à Déols, là où le chef de l’État devait rencontrer le patronat.
Au milieu des emblématiques « servantes écarlates », le président du Parc naturel régional de la Brenne, Jean-Paul Chanteguet, déplore la « campagne de communication » orchestrée par l’exécutif et considère que la maternité « pourrait rouvrir dans le cadre d’un territoire hospitalier expérimental ». Si la majorité ne semble pas tendre l’oreille à la réalité d’un territoire comme l’Indre, la tête de liste du PCF pour les européennes, Ian Brossat, devrait se rendre ce week-end au Blanc, à la rencontre de ceux qui luttent pour la maternité depuis bientôt neuf mois et qui attendent tous, enfin, un heureux événement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire